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Distribution

Poids lourds chinois : à la recherche d’un marché

Publié le 23 juin 2025

Par Christophe Bourgeois
5 min de lecture
Après l’automobile, les industriels chinois s’apprêtent à poursuivre leurs ambitions dans le secteur des poids lourds en Europe, malgré un marché encore frileux, assez protectionniste et peu électrifié. Mais des opportunités pour la distribution de nouveaux entrants pourraient voir le jour dans les années à venir.
Windrose poids lourds électriques chinois
Le constructeur chinois de poids lourds électriques Windrose a dévoilé son intention d'implanter une usine à Onnaing (59) qui entrerait en production en 2027. ©Windrose

À l’image de l’offensive chinoise dans l’automo­bile au début des an­nées 2020, une nouvelle phase de conquête s’amorce discrètement sur un autre segment stratégique : celui du poids lourd.

 

Encore absents du paysage européen du véhicule in­dustriel, les constructeurs venus de Chine prennent leurs marques, testent les salons, explorent les besoins des flottes et affinent leurs projets d’implantation.

 

Une dynamique qui rappelle fortement la décen­nie d’observation et de préparation des marques automobiles chinoises avant leur arrivée remarquée sur le Vieux Continent.

 

Mais contraire­ment au marché automobile, celui du poids lourd repose autant sur le produit que sur la densité et la fiabilité du réseau de distribution, un enjeu majeur pour ces nouveaux venus qui devront convaincre à la fois les professionnels du transport et les acteurs de l’après‑vente.

 

"Pour l’instant, à part JAC, présent dans le petit camion, et Maxus dans l’utilitaire, il n’existe pas encore de constructeurs chinois sur le marché VU/VI, pose Patrick Cholton, pré­sident de Solutrans et fin connais­seur du marché. Mais ils vont ar­river. Pour la prochaine édition de Solutrans, nous avons eu beaucoup de demandes de la part de nouveaux entrants. Nous passons ainsi d’une douzaine de marques à vingt‑cinq avec, pour l’instant, pas mal d’acteurs dans le véhicule utilitaire léger. Nous avons dû d’ailleurs refuser cer­tains constructeurs, car nous avons pour politique d’être pragmatiques et de libérer de l’espace aux acteurs implantés ou qui ont des projets sérieux."

 

Il rappelle que "beaucoup de constructeurs, principalement chinois, viennent sur les différents salons européens pour prendre le pouls du marché".

 

 

Mais certains sont déjà passés à la vitesse supérieure. Lors de la der­nière édition de Choose France, le constructeur chinois de poids lourds électriques Windrose a, en effet, annoncé la création d’une usine à Onnaing (59).

 

Bénéficiant d’un investissement de 175 millions d’euros, ce centre de production, qui sera opération­nel en 2027, emploiera 300 personnes et assemblera 4 000 camions par an.

 

Et il n’y a pas que les Chinois qui ont des velléités sur le marché français. "Les Turcs de BMC seront également présents à So­lutrans et ont de très fortes ambitions", indique Patrick Cholton, qui prend aussi pour exemple Ford Trucks, dont la produc­tion est assurée par Ford Otosan, un par­tenariat de longue date entre l’américain et le constructeur turc, et qui assemble égale­ment les utilitaires Ford en Turquie et en Roumanie.

 

BMC était présent en 2023 à So­lutrans et une quarantaine de concessions avaient été annoncées, mais pour l’instant, le constructeur ne dispose pas encore de points de vente.

 

Services avant tout

 

"Malheureusement, la défaillance de cer­taines marques (comme Volta Trucks ou Nikola, NDLR) fait du mal aux nouveaux entrants, glisse Julien Bahri, directeur géné­ral de Tekauto et importateur de JAC (cf. en­cadré). D’une manière générale, les nouvelles marques peuvent être séduites par la France, car il reste un marché important en Europe, mais il est très conservateur."

 

Athina Ar­gyriou, présidente déléguée de la CSIAM, et Marie Defrance, adjointe à la prési­dente déléguée, confirment : "À part JAC et Maxus dans l’utilitaire, aucun constructeur chinois ne commercialise de l’utilitaire ou du poids lourd sur le marché français. Contrairement à l’automobile et à l’utilitaire qui sont des mondes as­sez proches, celui du poids lourd est beaucoup plus complexe. En termes de distribution, il repose autant sur le produit que sur les services."

 

Les nouveaux entrants sont‑ils alors une opportunité pour les distri­buteurs automobiles qui commer­cialisent déjà du poids lourd ou qui souhaiteraient se développer dans cette activité ? "Au‑delà du produit, il y a la qualité du service qui est encore plus importante que dans l’automobile, insiste Athina Argyriou. Dans le poids lourd, 75 % des acheteurs sont des TPE/PME ; elles ont besoin de conseils, de sui­vi pour se retrouver dans une offre pléthorique."

 

En outre, elle estime qu’il existe un certain patriotisme dans l’achat des camions. "Toutes les grandes marques produisent en Europe et avec Renault Trucks, Vol­vo Trucks et Scania, la France est un important producteur de camions", précise‑t‑elle. Par ailleurs, le mar­ché de l’électrique dans le poids lourd est aujourd’hui anecdotique.

 

 

En 2024, selon la CSIAM, bien qu’en progression de 18,9 %, les porteurs et les tracteurs routiers n’ont repré­senté que 1,4 % de part de marché, soit 653 véhicules. "Mais il est cer­tain qu’à moyen terme, les nouveaux entrants vont souhaiter s’appuyer sur des réseaux de distribution existants, que ce soient des acteurs de l’au­tomobile ou plus certainement du poids lourd", note Patrick Cholton.

 

Certains d’entre eux arrivent, en ef­fet, avec des catégories de produits qui couvrent des niches ; ils pour­raient dès lors être un complément d’activité pour ces distributeurs.

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