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Distribution

Mercedes : le contrat d’agent survivra-t-il à la réalité du marché ?

Publié le 15 mai 2025

Par Catherine Leroy
5 min de lecture
Alors que nombre de constructeurs reculent face aux difficultés d’implémentation du modèle d’agent, Mercedes-Benz maintient le cap. En France, un chef de projet a été nommé pour piloter la bascule. Mais sur le terrain, la méfiance grandit et les interrogations demeurent.
contrat d'agent Mercedes en France
Mercedes a résilié ses contrats de distribution fin décembre 2025, un nouveau cadre juridique devra donc s’appliquer au 1er janvier 2027. ©Mercedes

Chez les constructeurs, il y a ceux qui abandonnent et ceux qui persistent. Mercedes fait partie de cette dernière catégorie, avec BMW, même si le nombre d'acteurs s'est considérablement réduit. Le sujet ? Le contrat d'agent ou Model D comme l'appelle Mercedes.

 

Un chef de projet vient d'être nommé, Nicolas Liszewski, dont la mission "est de piloter la transition de Mercedes-Benz France et du réseau vers un nouveau modèle de distribution (Model Agent) pour l'activité de ventes de véhicules neufs". Malheureusement, le constructeur n'a pas souhaité répondre à nos questions sur ce sujet si sensible du changement de business model pour le réseau Mercedes.

 

Une évolution vers le système d'agent est irréalisable

 

Sur le terrain, en revanche, les langues se délient car s'il est bien un sujet qui agace profondément les acteurs de la distribution, c'est bien celui du contrat d'agent. "Inapplicable", "réel sujet d’appauvrissement du réseau", "inapproprié au regard du contexte de marché"… Les qualificatifs et les réactions ne manquent pas. Contrairement aux détails de ce contrat. "Nous avons eu une journée d’informations avec le constructeur, mais il ne s’agissait que d’une présentation non chiffrée et rien n’a été communiqué sur l’économie du contrat", regrette ce professionnel.

 

Seule certitude à ce jour : les contrats de distribution ayant été résiliés fin décembre 2024, un nouveau cadre juridique devra s’appliquer au 1er janvier 2027. "Pour le reste, personne ne croit réellement dans la mise en place des contrats d’agent. D’ailleurs, la grande question est : comment des dirigeants de constructeurs peuvent encore y croire ?", s’interroge cet autre distributeur.

 

Un contrat d'une autre époque

 

Imaginé pendant la pandémie de Covid-19, le modèle de Tesla fait rêver toute l'industrie automobile avec la vente directe, à prix fixe et sans intermédiaire. Depuis, la stratégie a sérieusement pris du plomb dans l’aile et très peu de constructeurs poursuivent dans la voie.

 

Même Stellantis, pourtant fer de lance dans la stratégie, s'est heurté de plein fouet aux difficultés financières, logistiques, informatiques et de relation client qu'induit un changement de modèle. Le constructeur annonçait le 14 mai 2025 vouloir revenir à un contrat de distribution à durée indéterminée dès l'année prochaine.

 

"C'était irréel", se souvient un professionnel. "Les cabinets de conseil se sont engouffrés dans la brèche vantant les mérites d'un système qui ne peut pas fonctionner dans un environnement industriel normal et qui ignore l'essence même d'un vieux métier : celui de la vente d'un bien, en l’occurrence une voiture à des clients".

Il faut dire que les conditions économiques de cette période bénie avec une offre plus faible que la demande, des prix de vente acceptables pour les clients et des taux d'intérêt nuls se sont volatilisées. Depuis, les marchés se sont retournés obligeant les constructeurs à voir la réalité en face. La hausse des taux d'intérêt y a largement contribué, tout comme la flambée des tarifs.

 

Or, le modèle d'agent suppose le portage des stocks de voitures neuves. Un coût impossible à supporter à l'heure où les marges opérationnelles sont retombées sous les 10 % et où les taux d'intérêts restent supérieurs à 3 %.

 

Les problèmes de Mercedes ne viennent pas de la distribution

 

Mercedes, évidemment, n'échappe pas aux vents contraires qui soufflent sur l'industrie automobile. Sur l'exercice 2024, son bénéfice s’est effondré de 28,4 % pour atteindre 10,41 milliards d’euros, avec une baisse de ses livraisons de 4 %. Le constructeur, qui s'était recentré sur ses véhicules haut de gamme, a subi une baisse de 14 % des ventes sur ce segment.

 

Par conséquent, le constructeur allemand a dégagé une marge de rentabilité de ses ventes de seulement 8,1 % en 2024. Un ratio qui ne cesse de dégringoler, après avoir atteint 14,6 % en 2022, puis 12,6 % en 2023, et qui devrait encore se détériorer pour se situer entre 6 et 8 % en 2025, selon les prévisions de la marque.

 

 

En France, depuis le début de l'année, la marque subit une chute de 27 % de ses immatriculations en véhicules particuliers sur les quatre premiers mois de l'année et de 12 % en utilitaires. En Europe, les volumes de la marque ont chuté de 6,2 % au premier trimestre 2025, avec 132 345 unités.

 

Un déploiement chaotique en Europe

 

Pour le constructeur, cette stratégie vers un modèle d'agence a débuté en 2021 avec son introduction en Suède, en Australie, mais aussi en Belgique. Mais les distributeurs qualifient de naufrage les conclusions de ces tests dans les trois pays.

 

"L'objectif pour le constructeur est de récupérer les coûts de distribution", rappelle un dirigeant de groupe. Mais ce coût, estimé à 7 ou 8 % par la profession, permet à la marque, de disposer également d'un véritable animateur du commerce sur un secteur géographique et d'un filtre précieux pour les relations avec les clients.

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