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Distribution

Lionel Rouyer, Sofilio : "Un marché compliqué exige que nous continuions à grandir"

Publié le 17 novembre 2025

Par Gredy Raffin
8 min de lecture
Le 13 novembre 2025, le groupe de distribution automobile organisait la soirée d'inauguration de son point de vente Volvo aux Sables-d'Olonne (85). En maître de cérémonie, Lionel Rouyer, président de Sofilio, a fait le point sur la situation de son entreprise, dans ce contexte de marché rendu difficile par la législation.
Lionel Rouyer Volvo
Lionel Rouyer, président du groupe Sofilio, lors de l'inauguration de la concession Volvo des Sables-d'Olonne (85). ©Le Journal de l'Automobile

Le Journal de l'Automobile : En qualité de président de groupe de distribution, quelle opinion avez-vous du marché automobile français ?

Lionel Rouyer : Nous évoluons sur un marché compliqué. Non pas en raison des constructeurs, qui se sont adaptés, mais bien à cause des politiques qui s'amusent à taxer l'automobile. Comme si les voitures n'étaient pas suffisamment taxées tout au long de leur cycle de vie. Les gouvernements successifs doivent comprendre que les consommateurs ne sont pas des vaches à lait. Pas plus que les sociétés.

 

J.A. : Comment le vivez-vous en concession ?

L.R. : Nous ne remettons pas en question l'intérêt du verdissement. Les constructeurs comme les groupes de distribution ou les entreprises sont comme sacrifiés sur l'autel de l'écologie. En point de vente, les commerciaux ne savent même plus trouver les arguments pour défendre un produit, puisque des taxes impossibles à supporter viennent alourdir la facture. Nous voyons bien que les financements couvrent une partie toujours plus grande du prix final de la voiture.

 

J.A. : Que retiendrez-vous de 2025 ?

L.R. : Je note qu'au cours des quatre dernières années, nous avons perdu un cumul de deux millions de voitures neuves. Ce qui signifie 1,2 à 1,5 million de transactions en aval. J'observe aussi que l'après-vente stagne et va commencer à se dérégler. À ceux qui recommandent d'étudier les marchés scandinaves très électrifiés, je leur réponds que nos pays sont très différents et qu'il est difficile de s'appuyer sur leur expérience.

 

J.A. : Qu'en est-il spécifiquement de Volvo, votre marque principale ?

L.R. : Chez Volvo, le constructeur parlait de 32 000 immatriculations de voiture par an. Nous avons tous été enthousiastes, moi le premier. La réalité est tout autre. La marque sera loin de cette prévision, notamment parce que la gamme ne couvre pas la totalité des segments. Et je pense que le marché français, d'une manière générale, ne retrouvera jamais ses volumes. Les consommateurs ont intégré l'idée fausse qu'une voiture est un produit de luxe.

 

J.A. : Devant un tel constat, quelle peut être la réaction ?

L.R. : Nous sommes condamnés à grandir. Les présidents de groupes de distribution doivent savoir lire un compte d'exploitation et l'animer auprès des équipes. Aujourd'hui, je crois qu'il n'y a pas grand-chose que nous pourrions changer qui entraînerait des gains significatifs dans un périmètre identique. Globalement, nous sommes tous à 70 % de pénétration des contrats de location, nous finançons 30 % des voitures d'occasion et nos services après-vente couvrent 70 à 80 % des frais fixes.

 

Je n'ai pas particulièrement cherché à prendre le panneau d'une nouvelle marque chinoise

 

J.A. : Qu'envisagez-vous ?

L.R. : Il faut donc chercher des opportunités de croissance externe. Mais mon groupe se trouve sur un territoire où il y a pratiquement tous les membres du top 10 de la distribution autour. Ce qui laisse peu de choix. J'ai observé qu'en 2024, il y a eu peu de transactions entre les groupes eux-mêmes. Cela reflète-t-il une baisse d'ambition des investisseurs ou une prudence financière face aux incertitudes ? Il est vrai que les banques ont changé de regard sur la distribution automobile. Mais nous devons continuer à conquérir. Mon seul enjeu, c'est la pérennité et il n'y a pas beaucoup d'autres moyens.

 

J.A. : La prise d'un nouveau panneau serait-elle le levier adéquat ?

L.R. : Je n'ai pas particulièrement cherché à prendre le panneau d'une nouvelle marque chinoise et je ne les crains pas pour autant. Aussi ambitieuses soient-elles, leurs dirigeants savent compter et ils fixeront des limites aux moyens à dégager pour conquérir des parts de marché. Les équilibres de force entre les marques ne seront pas perturbés outre mesure.

 

J.A. : Vous avez tout de même deux marques chinoises…

L.R. : Effectivement, avec le groupe Geely, nous avons la chance d'avoir Lynk & Co et Polestar. Le bâtiment dans lequel nous nous trouvons actuellement aux Sables-d'Olonne abrite la première, tandis que nous construisons actuellement un point de vente Polestar à Orvault (44), près de Nantes, qui ouvrira ses portes en septembre 2026. MG Motor et BYD seront des concurrents sérieux, mais j'ai une grande confiance dans les produits que nous allons recevoir du constructeur.

 

 

J.A. : Quels seront vos premiers objectifs commerciaux ?

L.R. : À vrai dire, je suis bien incapable de donner une idée précise. En ordre de grandeur, je table sur 200 livraisons de Lynk & Co et 200 de Polestar en première année pleine. Ce flou, nous le vivons en fin d'année, au moment de décider des budgets. Cet exercice est devenu compliqué, mais aucun de nous ne doit renoncer à le faire, quand bien même il est devenu impossible de faire des projections.

 

J.A. : Nous entendons de plus en plus que le commerce de voitures d'occasion devient la solution…

L.R. : Il est indispensable ! D'autant plus chez Volvo où la profitabilité est mise à mal. Le groupe s'est fixé l'objectif de vendre deux voitures d'occasion pour une voiture neuve. De fait, mes équipes ont l'autorisation de regarder partout en Europe pour l'approvisionnement. Nous avons compris que la France ne suffit pas.

 

Désormais, nous menons une réflexion profonde pour créer un panneau consacré au VO qui serait propre au groupe Sofilio

 

J.A. : Quelle est la doctrine ?

L.R. : Les labels de marque présentent un intérêt certain pour rassurer le client. Les consommateurs finissent par s'habituer à acheter une Volvo chez Volvo. Ce qui complique le multimarquisme. Nous refusons cette forme d'enfermement marketing. Je demande donc à chacun de mes points de vente d'avoir 10 à 15 % de VO d'autres marques dans leur stock. Nous devons montrer à chacun des clients que nous saurons répondre à leurs demandes. S'il faut vendre une Audi à un prospect inconnu, nous le ferons et, plus tard, nous lui proposerons une Volvo en échange.

 

J.A. : Le groupe Sofilio avait pris le panneau VPN Autos pour le multimarquisme, qu'en est-il ?

L.R. : Nous avons arrêté cette collaboration qui avait démarré à la plus mauvaise période pour le marché des véhicules d'occasion. Nous ne nous en sortions pas économiquement. Il arrive parfois qu'en dépit des bonnes volontés, les planètes ne s'alignent pas. Désormais, nous menons une réflexion profonde pour créer un panneau consacré au VO qui serait propre au groupe Sofilio. Cela demande du temps pour le construire, mais le cap est fixé.

 

Lionel Rouyer et ses filles, Melissa et Alexandra Rouyer. ©Le Journal de l'Automobile

 

J.A. : Et quel crédit accordez-vous aux agences d'intermédiation CtoC dans votre réflexion ?

L.R. : Nos attentes ne sont pas alignées. Je ne vois donc pas de possibilité concrète de rapprochement. Certains collaborateurs sautent le pas, séduits par la promesse de tirer la pleine valeur de leur travail. Quelques mois plus tard, ils reviennent dans les réseaux pour retrouver une forme de confort. Factuellement, j'estime que je ferais alors concurrence à mes propres concessions, comme c'était le cas à l'époque où des marchands couvraient nos reprises et pouvaient ensuite adresser le marché local au détriment de nos sites.

 

J.A. : À l'approche de la fin d'année, quelle est la tendance des chiffres chez vous ?

L.R. : Nous vivons une année mitigée. Fin septembre, nous étions en repli de 5 %. Notre bilan souffre de la situation de Volvo. Le volume est en chute sur deux de nos trois plaques et, par conséquent, nous reculons de plus de 20 à 25 % en immatriculations. Fort heureusement, d'abord nous réussissons une belle année avec Suzuki, en croissance de 81 %. Ensuite, l'activité de vente de voitures d'occasion se maintient, rapportant davantage avec la hausse des prix. Enfin, l'après-vente et la carrosserie apportent toute leur contribution. La marge baisse en revanche et, avec de la chance, la profitabilité sera de 0,5 % du CA en fin d'année. Si tel est le cas, je considérerais avoir réalisé une belle performance.

 

 

J.A. : Vous ne cachez pas préparer votre succession. Quel est le plan mis en marche ?

L.R. : J'ai six enfants et, depuis quatre ans, ils ont la possibilité de manifester leur volonté d'entrer dans l'affaire. Mes filles Alexandra et Mélissa veulent relever ce défi. Nous avons construit un schéma de préparation à la transmission. Si tout se passe comme prévu, Alexandra prendra les commandes en fin d'année 2029 et Melissa continuera son apprentissage. Je ne force rien, je les accompagne. Je m'estime d'autant plus chanceux que mes deux actuels directeurs généraux, Nicolas Rouette et Éric Benoît, ont tout à fait compris notre démarche et font preuve de bienveillance à leur égard en jouant un rôle de mentors.

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