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Distribution

Le véhicule de collection ne se démode pas

Publié le 28 janvier 2025

Par Jean-Baptiste Kapela
11 min de lecture
Dans le contexte maussade du marché du véhicule neuf, certains distributeurs ont bien compris l’intérêt de se tourner vers les collectionneurs de voitures anciennes fortunés en leur dédiant des entités spécifiques. Certains concessionnaires sont d'ailleurs davantage animés par la passion que par la recherche de rentabilité.
Véhicules anciens rétromobile
60 % des professionnels du véhicule d’époque projettent une augmentation de leur chiffre d’affaires dans les cinq ans.

"J’espère un jour ne plus être à la mode pour devenir un classique", disait le réalisateur Pedro Almo­dóvar. Le véhicule de col­lection semble, lui, jouer sur les deux tableaux. L’émergence des voitures à batterie sur nos routes ne retire en rien l’engouement et l’attrait pour les véhicules classiques, bien au contraire. Il n’y a qu’à regarder le succès des évé­nements dédiés à ces derniers pour mesurer leur cote d’amour auprès du grand public.

 

À l’image de la 48e édi­tion du salon Rétromobile, porte de Versailles (75), qui a réuni 130 000 vi­siteurs en 2024, contre 125 000 en 2023. Des chiffres d’autant plus intéressants qu’ils se situent dans un contexte post-Covid ayant fait souffrir les grands salons automobiles interna­tionaux comme celui de Genève. Il y a de fortes chances que la 49e édition du salon Rétromobile connaisse le même engouement.

 

"Nous sommes sur un marché qui reste très dynamique. À titre de comparaison, le dernier salon qui s’est tenu à Lyon début novembre a réalisé une croissance de 14 % de ses entrées, ce qui est énorme", souligne Pascal Rousselle, vice‑président et secrétaire de la Fédération française des véhicules d’époque (FFVE).

 

 

Pour mesurer concrètement le dynamisme du marché du véhicule de collection, il a participé à la publication d’une étude complète sur "les retombées socio‑économiques du secteur du véhi­cule d’époque". Une enquête compilant les données précises sur l’activité à l’échelle nationale dans la continuité des enquêtes internationales réalisées par la Fédération internationale des véhicules anciens (FIVA) dont la der­nière date de 2021, postcrise sanitaire.

 

Là où les automobilistes affichent une forme de pessimisme, les col­lectionneurs sont à l’inverse plutôt optimistes. "Les personnes interrogées sont très positives par rapport à l’avenir du véhicule de collection, là où elles répondaient qu’elles se sentaient inquiètes il y a trois ou quatre ans. Ainsi, aujourd’hui, 62 % des collectionneurs sont confiants dans l’avenir et leur droit de circuler, assure Pascal Rousselle. La principale rai­son de l’inquiétude des propriétaires d’un véhicule d’époque en 2021, c’était la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE). Mais la dérogation permettant aux modèles classiques de rouler dans ces ZFE a permis de gom­mer ces craintes et, actuellement, il n’y a presque plus de limites pour circuler avec nos véhicules."

 

Un engouement des distributeurs pour le véhicule de collection

 

Selon les chiffres de l’enquête, l’ac­tivité du véhicule de collection re­présente un chiffre d’affaires de 3,5 milliards d’euros correspondant à 23 500 salariés à temps plein.

 

Dans le détail, le secteur de la restau­ration et du négoce des véhicules d’époque génère un chiffre d’affaires de 1,3 milliard d’euros. Si ce dernier stagne par rapport à la précédente enquête, 60 % des professionnels projettent une augmentation de leur chiffre d’affaires dans les cinq pro­chaines années.

 

Parmi les enthou­siastes, figurent certains groupes de distribution. Ils sont de plus en plus nombreux à être séduits par la pra­tique et il n’est désormais pas rare d’apprendre que les distributeurs ouvrent une entité ou investissent dans ce secteur.

 

"Quand le business se tend à droite, on essaye de le détendre à gauche. Comme nous le voyons au travers de notre enquête et de celles de la FIVA, le marché des véhicules de collec­tion, malgré la morosité ambiante, se porte bien et reste stable, s’adressant à un public qui a les moyens, analyse Pascal Rousselle. Si les clients sont regardants sur le prix des voitures électriques, ils le sont en général un peu moins sur celui des véhicules de collection, destinés au plaisir."

 

Le groupe de distribution troyen Am­plitude est l’un des derniers à s’être lancés sur le créneau en créant la marque Ferdinand Garage, en sep­tembre 2024, afin de proposer des véhicules anciens.

 

Des modèles sportifs allant des années 1960 aux années 2000, à des prix compris entre 60 000 et 70 000 euros. "Ce qui a poussé la création de Ferdinand Garage, c’est avant tout la passion. Mais c’est aussi une volonté d’élargir encore le périmètre du groupe puisque nous nous sommes récemment déve­loppés dans le VSP, le camping‑car et il y avait aussi du sens de propo­ser du classique", précise Jérémy Auribot, directeur de la stratégie, de la transformation et du marketing du groupe Amplitude

 

Une question d’héritage plus que de rentabilité

 

Le groupe RCM compte parmi les pionniers du véhicule de collection. Il lance en 2018 son entité baptisée Saga Classic. L’entreprise, qui réalise 80 % de son chiffre d’affaires total avec Mercedes‑Benz, voitures et poids lourds, propose principalement des véhicules de collection de la marque à l’étoile, de moins de 30 ans ("youngti­mers") à la plus ancienne. "Je suis un bébé de l’Étoile et j’ai grandi avec cette marque. Il y a une quinzaine d’années, nous avons fait le constat que notre métier allait changer et je me pose la question de l’avenir. Tous les matins, je me lève pour que l’entreprise conti­nue et pour cela, il faut travailler sur la taille du groupe, la relève managériale. Quand on travaille sur le long terme, il faut aussi penser à la transmission de la passion", se remémore Ronan Cha­bot, directeur général de RCM.

 

Actuellement, le groupe compte trois points de vente Saga Classic, deux en France, à La Roche‑sur‑Yon (85) et à Lille (59), et un à Nivelles en Belgique. Mais des corners sont présents dans chaque concession, ce qui a pour effet d’attirer du monde, parfois juste pour voir les véhicules. "Nous sommes en train de tourner une page de l’auto­mobile, que ce soit technologiquement ou par la conception même des voi­tures… Cela donne un peu l’impres­sion que ce sont toutes les mêmes. Si on ne raconte pas tout ce patrimoine, c’est compliqué de susciter l’envie. Le classique, ça fait rêver petits et grands… Et on le voit dans les salons, nous sommes tous des enfants, on a les yeux qui brillent et c’est Noël", s’en­thousiasme Ronan Chabot.

 

Saga Classic propose un catalogue qui va de la Mercedes‑Benz 300 SL de 1992 à 24 000 euros à la mythique Mercedes‑Benz 190 SL cabriolet des années 1960 à 215 000 euros.

 

La Mercedes-Benz 190 SL est l’un des best-sellers des véhicules de collection de la marque à l’étoile. ©Mercedes-Benz

 

Toute­fois, avec une dizaine de véhicules vendus par an, proposer du classique est‑ce vraiment rentable ? "Il ne faut pas se lancer dans le classique dans l’objectif de gagner des sous. C’est au mieux pour s’équilibrer, c’est ce que l’on recherche et ce sur quoi on tra­vaille, mais ce n’est pas lucratif. Der­rière, il y a plus de passion que de rai­son, sourit Ronan Chabot. Le groupe a aussi pu proposer cette activité, car elle est adossée à une structure plus grande et solide. La rentabilité, elle, se fait au niveau de l’image de l’entreprise et sur l’aspect marketing."

 

L’importance du sourcing

 

Une vision similaire a été appliquée à Ferdinand Garage du groupe Am­plitude. D’ailleurs, avec sa nouvelle marque dédiée au classique, l’entre­prise parvient à toucher un public plus large, national, voire interna­tional.

 

"Pour l’instant, nous n’avons pas vendu de véhicules classiques dans l’Aube (territoire historique du groupe), mais nous en avons imma­triculé dans des pays différents. Ce sont des clients avec des demandes très spécifiques", soulève Jérémy Au­ribot.

 

Pour répondre aux demandes d’un public plutôt exigeant, il ne faut pas juste se contenter de proposer des véhicules. "La difficulté est de trouver des autos qui sont bien cohérentes, qui sont désirables et donc, le vrai sujet, il est là. Le marché sur ce genre de pro­duits est national, voire international. Vendre des modèles est complètement différent d’un schéma de distribu­tion de relais local d’une marque par exemple. Aujourd’hui, quand vous avez le bon produit et la configuration que le client souhaite, il est capable de faire plusieurs centaines de kilo­mètres", explique le directeur de la stratégie du groupe Amplitude.

 

Pour acquérir ces véhicules, les distri­buteurs peuvent passer par les canaux des particuliers ou via des profession­nels situés hors des frontières natio­nales. Le groupe de distribution perpignanais LG a lancé la marque LG Dream Cars, qui a ouvert son premier point de vente au printemps 2024.

 

Sa spécificité : elle vend des véhicules ré­tro en provenance des États‑Unis, à l’image d’une DeLorean ou de pick‑up des années 50‑60 par exemple. "Avec notre marque, nous sommes davan­tage sur des véhicules «plaisir» que des véhicules de «collection». Je vis six mois de l’année outre‑Atlantique et je suis assez fan du schéma de distribution et des modèles américains. Néanmoins, ils ont souvent tendance à maquiller leurs véhicules de collection. Alors, je préfère envoyer des mécanos de chez moi, qui ont de l’expérience", précise Ludovic Garcia Colombani, fonda­teur de LG Dream Cars.

 

Pour se fournir en véhicules, le dis­tributeur passe par trois points de vente aux États‑Unis. Pour l’instant, LG Dream Cars démarre modeste­ment avec un vendeur, une secrétaire et deux mécaniciens. L’entreprise a déjà vendu des dizaines de véhi­cules. Mais "cette marque est destinée à monter en puissance avec une organisation plus précise afin d’être à terme un leader européen dans le domaine", ajoute‑t‑il.

 

L’affaire est rentable, mais il faut être rigoureux. L’avantage de ces véhicules, c’est qu’ils ne perdront jamais de valeur. Toutefois, traverser l’Atlantique pour aller chercher des voitures peut représenter un certain coût.

 

Début 2023, par exemple, le distributeur Sofipel a mis en "stand‑by" son ac­tivité qui dépendait de l’import de véhicules de collection en partance des États‑Unis. Si le groupe brestois n’a pas donné plus d’informations sur le sujet, le transport des véhicules et la remise en condition des modèles américains ont pu avoir un impact.

 

Des investissements dans le domaine

 

Quand certains distributeurs lancent leur propre marque comme BYmy­CAR et son entité Legends, d’autres préfèrent placer des capitaux. À l’instar des groupes De Willermin et plus récemment, en octobre 2024, CAR Avenue, qui ont investi dans les activités de la start‑up CarJager.

 

La plateforme française spécialisée dans les voitures anciennes et GT en occasion vise à s’imposer comme un acteur majeur de l’activité. "Depuis 2018, nous proposons à tous ceux qui souhaitent se retrouver autour de véhicules sportifs, historiques et ico­niques les services de CAR Avenue Legend. Dans ce secteur également, nous désirons continuer à innover pour rester performants et améliorer sans cesse le parcours et l’expérience de nos clients", précise dans un commu­niqué Stéphane Bailly, président de CAR Avenue.

 

 

Une synergie entre les opérateurs et la start‑up sudiste qui semble porter ses fruits. CarJager touche de nouvelles zones géographiques et les distribu­teurs ajoutent de nouvelles cordes à leur arc. Des partenariats qui ne devraient pas s’arrêter là pour la start‑up.

 

Une collaboration qui paraît fonction­ner. "Le pôle constitué par CarJager et De Willermin a distribué 37 voitures pour un chiffre d’affaires de 4,8 mil­lions d’euros, dont 1,2 million financé en LOA. Ces chiffres s’accélèrent et notre sélection devient de plus en plus exigeante", assurait dans nos co­lonnes Jonathan Darmon, associé et responsable commercial du pôle GT et Supercars de CarJager.

 

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La Citroën DS à l’honneur au salon Rétromobile

 

Rétromobile approche de la cinquantaine et prépare une 49e édition sous le signe de la Citroën DS. En effet, le véhicule mythique soufflera sa 70e bougie lors de l’événement. Pour l’occasion, la "mascotte" chevronnée sera affublée de quatre sphères à la place de ses pneus… pour une meilleure flottaison sur l’eau. Un concept venant de Claude Puech baptisé "DS Ballons" et datant de 1959. L’année précédente, les marques anglaises étaient à l’honneur avec comme égé­rie la MG EX 181. Les organisateurs espèrent renouveler le succès de la dernière édition en dépassant le cap des 130 000 visiteurs du 5 au 9 février 2025.

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