Le véhicule de collection ne se démode pas
"J’espère un jour ne plus être à la mode pour devenir un classique", disait le réalisateur Pedro Almodóvar. Le véhicule de collection semble, lui, jouer sur les deux tableaux. L’émergence des voitures à batterie sur nos routes ne retire en rien l’engouement et l’attrait pour les véhicules classiques, bien au contraire. Il n’y a qu’à regarder le succès des événements dédiés à ces derniers pour mesurer leur cote d’amour auprès du grand public.
À l’image de la 48e édition du salon Rétromobile, porte de Versailles (75), qui a réuni 130 000 visiteurs en 2024, contre 125 000 en 2023. Des chiffres d’autant plus intéressants qu’ils se situent dans un contexte post-Covid ayant fait souffrir les grands salons automobiles internationaux comme celui de Genève. Il y a de fortes chances que la 49e édition du salon Rétromobile connaisse le même engouement.
"Nous sommes sur un marché qui reste très dynamique. À titre de comparaison, le dernier salon qui s’est tenu à Lyon début novembre a réalisé une croissance de 14 % de ses entrées, ce qui est énorme", souligne Pascal Rousselle, vice‑président et secrétaire de la Fédération française des véhicules d’époque (FFVE).
Pour mesurer concrètement le dynamisme du marché du véhicule de collection, il a participé à la publication d’une étude complète sur "les retombées socio‑économiques du secteur du véhicule d’époque". Une enquête compilant les données précises sur l’activité à l’échelle nationale dans la continuité des enquêtes internationales réalisées par la Fédération internationale des véhicules anciens (FIVA) dont la dernière date de 2021, postcrise sanitaire.
Là où les automobilistes affichent une forme de pessimisme, les collectionneurs sont à l’inverse plutôt optimistes. "Les personnes interrogées sont très positives par rapport à l’avenir du véhicule de collection, là où elles répondaient qu’elles se sentaient inquiètes il y a trois ou quatre ans. Ainsi, aujourd’hui, 62 % des collectionneurs sont confiants dans l’avenir et leur droit de circuler, assure Pascal Rousselle. La principale raison de l’inquiétude des propriétaires d’un véhicule d’époque en 2021, c’était la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE). Mais la dérogation permettant aux modèles classiques de rouler dans ces ZFE a permis de gommer ces craintes et, actuellement, il n’y a presque plus de limites pour circuler avec nos véhicules."
Un engouement des distributeurs pour le véhicule de collection
Selon les chiffres de l’enquête, l’activité du véhicule de collection représente un chiffre d’affaires de 3,5 milliards d’euros correspondant à 23 500 salariés à temps plein.
Dans le détail, le secteur de la restauration et du négoce des véhicules d’époque génère un chiffre d’affaires de 1,3 milliard d’euros. Si ce dernier stagne par rapport à la précédente enquête, 60 % des professionnels projettent une augmentation de leur chiffre d’affaires dans les cinq prochaines années.
Parmi les enthousiastes, figurent certains groupes de distribution. Ils sont de plus en plus nombreux à être séduits par la pratique et il n’est désormais pas rare d’apprendre que les distributeurs ouvrent une entité ou investissent dans ce secteur.
"Quand le business se tend à droite, on essaye de le détendre à gauche. Comme nous le voyons au travers de notre enquête et de celles de la FIVA, le marché des véhicules de collection, malgré la morosité ambiante, se porte bien et reste stable, s’adressant à un public qui a les moyens, analyse Pascal Rousselle. Si les clients sont regardants sur le prix des voitures électriques, ils le sont en général un peu moins sur celui des véhicules de collection, destinés au plaisir."
Le groupe de distribution troyen Amplitude est l’un des derniers à s’être lancés sur le créneau en créant la marque Ferdinand Garage, en septembre 2024, afin de proposer des véhicules anciens.
Des modèles sportifs allant des années 1960 aux années 2000, à des prix compris entre 60 000 et 70 000 euros. "Ce qui a poussé la création de Ferdinand Garage, c’est avant tout la passion. Mais c’est aussi une volonté d’élargir encore le périmètre du groupe puisque nous nous sommes récemment développés dans le VSP, le camping‑car et il y avait aussi du sens de proposer du classique", précise Jérémy Auribot, directeur de la stratégie, de la transformation et du marketing du groupe Amplitude
Une question d’héritage plus que de rentabilité
Le groupe RCM compte parmi les pionniers du véhicule de collection. Il lance en 2018 son entité baptisée Saga Classic. L’entreprise, qui réalise 80 % de son chiffre d’affaires total avec Mercedes‑Benz, voitures et poids lourds, propose principalement des véhicules de collection de la marque à l’étoile, de moins de 30 ans ("youngtimers") à la plus ancienne. "Je suis un bébé de l’Étoile et j’ai grandi avec cette marque. Il y a une quinzaine d’années, nous avons fait le constat que notre métier allait changer et je me pose la question de l’avenir. Tous les matins, je me lève pour que l’entreprise continue et pour cela, il faut travailler sur la taille du groupe, la relève managériale. Quand on travaille sur le long terme, il faut aussi penser à la transmission de la passion", se remémore Ronan Chabot, directeur général de RCM.
Actuellement, le groupe compte trois points de vente Saga Classic, deux en France, à La Roche‑sur‑Yon (85) et à Lille (59), et un à Nivelles en Belgique. Mais des corners sont présents dans chaque concession, ce qui a pour effet d’attirer du monde, parfois juste pour voir les véhicules. "Nous sommes en train de tourner une page de l’automobile, que ce soit technologiquement ou par la conception même des voitures… Cela donne un peu l’impression que ce sont toutes les mêmes. Si on ne raconte pas tout ce patrimoine, c’est compliqué de susciter l’envie. Le classique, ça fait rêver petits et grands… Et on le voit dans les salons, nous sommes tous des enfants, on a les yeux qui brillent et c’est Noël", s’enthousiasme Ronan Chabot.
Saga Classic propose un catalogue qui va de la Mercedes‑Benz 300 SL de 1992 à 24 000 euros à la mythique Mercedes‑Benz 190 SL cabriolet des années 1960 à 215 000 euros.
Toutefois, avec une dizaine de véhicules vendus par an, proposer du classique est‑ce vraiment rentable ? "Il ne faut pas se lancer dans le classique dans l’objectif de gagner des sous. C’est au mieux pour s’équilibrer, c’est ce que l’on recherche et ce sur quoi on travaille, mais ce n’est pas lucratif. Derrière, il y a plus de passion que de raison, sourit Ronan Chabot. Le groupe a aussi pu proposer cette activité, car elle est adossée à une structure plus grande et solide. La rentabilité, elle, se fait au niveau de l’image de l’entreprise et sur l’aspect marketing."
L’importance du sourcing
Une vision similaire a été appliquée à Ferdinand Garage du groupe Amplitude. D’ailleurs, avec sa nouvelle marque dédiée au classique, l’entreprise parvient à toucher un public plus large, national, voire international.
"Pour l’instant, nous n’avons pas vendu de véhicules classiques dans l’Aube (territoire historique du groupe), mais nous en avons immatriculé dans des pays différents. Ce sont des clients avec des demandes très spécifiques", soulève Jérémy Auribot.
Pour répondre aux demandes d’un public plutôt exigeant, il ne faut pas juste se contenter de proposer des véhicules. "La difficulté est de trouver des autos qui sont bien cohérentes, qui sont désirables et donc, le vrai sujet, il est là. Le marché sur ce genre de produits est national, voire international. Vendre des modèles est complètement différent d’un schéma de distribution de relais local d’une marque par exemple. Aujourd’hui, quand vous avez le bon produit et la configuration que le client souhaite, il est capable de faire plusieurs centaines de kilomètres", explique le directeur de la stratégie du groupe Amplitude.
Pour acquérir ces véhicules, les distributeurs peuvent passer par les canaux des particuliers ou via des professionnels situés hors des frontières nationales. Le groupe de distribution perpignanais LG a lancé la marque LG Dream Cars, qui a ouvert son premier point de vente au printemps 2024.
Sa spécificité : elle vend des véhicules rétro en provenance des États‑Unis, à l’image d’une DeLorean ou de pick‑up des années 50‑60 par exemple. "Avec notre marque, nous sommes davantage sur des véhicules «plaisir» que des véhicules de «collection». Je vis six mois de l’année outre‑Atlantique et je suis assez fan du schéma de distribution et des modèles américains. Néanmoins, ils ont souvent tendance à maquiller leurs véhicules de collection. Alors, je préfère envoyer des mécanos de chez moi, qui ont de l’expérience", précise Ludovic Garcia Colombani, fondateur de LG Dream Cars.
Pour se fournir en véhicules, le distributeur passe par trois points de vente aux États‑Unis. Pour l’instant, LG Dream Cars démarre modestement avec un vendeur, une secrétaire et deux mécaniciens. L’entreprise a déjà vendu des dizaines de véhicules. Mais "cette marque est destinée à monter en puissance avec une organisation plus précise afin d’être à terme un leader européen dans le domaine", ajoute‑t‑il.
L’affaire est rentable, mais il faut être rigoureux. L’avantage de ces véhicules, c’est qu’ils ne perdront jamais de valeur. Toutefois, traverser l’Atlantique pour aller chercher des voitures peut représenter un certain coût.
Début 2023, par exemple, le distributeur Sofipel a mis en "stand‑by" son activité qui dépendait de l’import de véhicules de collection en partance des États‑Unis. Si le groupe brestois n’a pas donné plus d’informations sur le sujet, le transport des véhicules et la remise en condition des modèles américains ont pu avoir un impact.
Des investissements dans le domaine
Quand certains distributeurs lancent leur propre marque comme BYmyCAR et son entité Legends, d’autres préfèrent placer des capitaux. À l’instar des groupes De Willermin et plus récemment, en octobre 2024, CAR Avenue, qui ont investi dans les activités de la start‑up CarJager.
La plateforme française spécialisée dans les voitures anciennes et GT en occasion vise à s’imposer comme un acteur majeur de l’activité. "Depuis 2018, nous proposons à tous ceux qui souhaitent se retrouver autour de véhicules sportifs, historiques et iconiques les services de CAR Avenue Legend. Dans ce secteur également, nous désirons continuer à innover pour rester performants et améliorer sans cesse le parcours et l’expérience de nos clients", précise dans un communiqué Stéphane Bailly, président de CAR Avenue.
Une synergie entre les opérateurs et la start‑up sudiste qui semble porter ses fruits. CarJager touche de nouvelles zones géographiques et les distributeurs ajoutent de nouvelles cordes à leur arc. Des partenariats qui ne devraient pas s’arrêter là pour la start‑up.
Une collaboration qui paraît fonctionner. "Le pôle constitué par CarJager et De Willermin a distribué 37 voitures pour un chiffre d’affaires de 4,8 millions d’euros, dont 1,2 million financé en LOA. Ces chiffres s’accélèrent et notre sélection devient de plus en plus exigeante", assurait dans nos colonnes Jonathan Darmon, associé et responsable commercial du pôle GT et Supercars de CarJager.
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La Citroën DS à l’honneur au salon Rétromobile
Rétromobile approche de la cinquantaine et prépare une 49e édition sous le signe de la Citroën DS. En effet, le véhicule mythique soufflera sa 70e bougie lors de l’événement. Pour l’occasion, la "mascotte" chevronnée sera affublée de quatre sphères à la place de ses pneus… pour une meilleure flottaison sur l’eau. Un concept venant de Claude Puech baptisé "DS Ballons" et datant de 1959. L’année précédente, les marques anglaises étaient à l’honneur avec comme égérie la MG EX 181. Les organisateurs espèrent renouveler le succès de la dernière édition en dépassant le cap des 130 000 visiteurs du 5 au 9 février 2025.
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