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Distribution

Groupe Saint-Clair : le succès du rescapé normand

Publié le 13 décembre 2024

Par Gredy Raffin
10 min de lecture
Concentré pour l’heure sur les marques asiatiques, le groupe Saint-Clair rayonne en Normandie depuis son fief de Caen (14). Manquant de peu de baisser le rideau il y a trente ans, victime d’un contexte commercial défavorable, la famille Hochet fait aujourd’hui figure de modèle.
Groupe Saint-Clair
La concession Mazda, à Hérouville Saint-Clair (14), près de Caen, héberge la direction du groupe. ©Journal de l'Automobile

Le regard bienveillant et un lan­gage corporel qui en dit long. Olivier Hochet compte parmi ces présidents qui assurent encore le travail de commerçant sur le terrain. La baie vitrée de son bureau donnant directement sur le hall d’exposition confirme cette impression. Il ne dé­croche pas et veut sentir en perma­nence le pouls de ses affaires.

 

Son poste de commande n’a rien d’ostentatoire. Mais il remémore tout de même des heures glorieuses. "Voici notre vitrine des trophées, présente‑t‑il avec un sourire. Nos constructeurs nous ont souvent ré­compensés pour notre niveau de per­formance." Un simple meuble qui résume à lui seul la qualité de la re­lation entre le groupe Saint‑Clair et ses marques, dont Mazda et Kia.

 

Dans un pavillon

 

Le groupe familial a aussi eu ses heures sombres. Il aurait pu disparaître au mitan des années 90. Saint‑Clair a été forgé à partir d’un rêve brut. Celui de quitter Paris. Nous sommes en 1977. Le Portugal et l’Espagne déposent leur candidature pour faire partie de la CEE, tandis que le monde fait ses adieux à Elvis Presley et Charlie Cha­plin. Un jeune originaire de Saint‑De­nis (93) frappe à la porte de Mazda, animé de l’esprit d’entreprenariat. Daniel Hochet se propose d’ouvrir une concession dans la Manche pour changer d’horizon. À Cherbourg (50), si le constructeur y consent. Il obtien­dra un contrat pour commercialiser la gamme à Caen (14). Une solution à mi‑parcours qui lui convient.

 

L’aventure commence avec peu de deniers. Daniel Hochet trouve donc un pavillon à Biéville‑Beuville (14), à proximité de Caen, pour lancer l’acti­vité. Le sous‑sol devient la réserve de pièces de rechange et la station Avia voisine sert d’atelier. Il noue un ac­cord avec le supermarché local pour exposer ses VN dans la galerie mar­chande et ses VO sur le parking.

 

Daniel Hochet surfe sur le succès de la technologie unique de Mazda au point d’avoir les moyens d’acheter un terrain pour bâtir son premier site en 1981. Il l’agrandira dix ans plus tard à la demande du constructeur japonais qui écoule à ce moment 16 000 voi­tures par an.

 

Mais le scénario vire au cauchemar. Les ventes nationales s’ef­fondrent. Des concessionnaires dé­posent le bilan et d’autres sont résiliés. En difficulté, le Caennais doit suppri­mer des postes au virage de 1994.

 

La première concession Mazda est devenue un point de vente pour les motos de Honda. ©Saint-Clair

 

Hommage à GCA

 

L’entrée d’Olivier Hochet dans les ef­fectifs du groupe familial a été précipi­tée par un événement malencontreux. Il s’est retrouvé contraint d’y travailler pour dédommager son père, après avoir détruit une voiture empruntée à la concession dans un accident de la route. Mais il dédramatise l’épisode : "Je songeais de toute manière à re­joindre l’entreprise, depuis que j’étais au collège."

 

La vague forcée de li­cenciements ne l’épargne pas pour autant. Il rebondit chez Daewoo en qualité de chef de région. Il y voit l’op­portunité de se faire un prénom dans le microcosme de la distribution avant d’être rappelé par son père en 2000 pour amorcer la passation.

 

L’entité Mazda Saint‑Clair tourne à près de 250 VN par an grâce aux dix salariés. La relation avec Inchcape, l’importateur, amène les Caennais d’adoption à prendre aussi les pan­neaux Isuzu, Daihatsu et Proton.

 

La dimension change avec Kia, en 2001, dont l’essor encourage le groupe à acheter un autre terrain pour lui of­frir un bâtiment en propre. Caroline Hochet, la fille du fondateur, en prend la responsabilité. Quant à Olivier, il s’occupe de Mazda, Daihatsu et Isuzu.

 

Olivier Hochet, président du groupe Saint Clair.

 

Très vite, les courbes se sont croisées. Kia joue le moteur de la croissance. Le groupe investit à Lisieux (14) en 2011, puis à Évreux (27) en 2014. "Nous voulions racheter cette affaire depuis longtemps, sans y parvenir. Quand le distributeur a perdu son panneau, nous nous sommes positionnés", re­prend le fil du récit Olivier Hochet, désormais président.

 

En tant que patron de Saint‑Clair, il étudie le secteur de la distribution. Il s’efforce de comprendre le fonc­tionnement de marques rivales. La lumière lui viendra d’un homme. "Je voyais David Gaist grossir avec Toyo­ta et cela m’a inspiré. Je n’ai pas l’en­vergure de GCA, mais je continue de m’intéresser à ses choix, toujours per­tinents, pour orienter mes décisions", rend‑t‑il hommage au lauréat 2021 du Groupe de l’Année aux Grands Prix de la Distribution Automobile.

 

Partager les bénéfices

 

Le groupe normand a tiré des leçons du passé. Il mesure ses investisse­ments immobiliers. Au temps des ca­thédrales, il donnait dans la sobriété. "Mon père a toujours mis l’humain au centre de ses réflexions. Il a été traumatisé par le fait de devoir se sé­parer de son personnel, pose Olivier Hochet. Après la crise, il les a tous contactés en priorité pour les réen­gager si possible."

 

D’ailleurs, avant même que cela entre dans les mœurs et alors qu’il était encore en phase de redressement, Daniel Hochet a ins­tauré le contrat d’intéressement. Le fils a continué le combat en mettant en place un système de participation. "Nous prenons des dispositions pour le bien‑être des équipes, pour leur faire profiter des bénéfices et pour promou­voir des personnes en interne", ex­plique Olivier Hochet.

 

Son organigramme le prouve. Ses di­recteurs d’aujourd’hui sont les sta­giaires, les commerciaux et les secré­taires d’hier. "Les RH sont difficiles à gérer et nous sommes satisfaits d’avoir trouvé une formule qui profite à tous. En les accompagnant vers les som­mets, nous avons la pleine implica­tion des employés", apprécie celui qui a été rejoint par des membres de sa famille.

 

Outre Caroline, Olivier a accueilli son autre sœur Laure qui supervise l’organisation du groupe, son frère Pierre qui fournit le service logistique, son neveu Benjamin qui passe un diplôme de comptabilité en alternance et ses propres en­fants en tant qu’assistante pour l’une et jockey pour l’autre.

 

Avec Ambo Carrosserie, Olivier Hochet diversifie ses revenus et prépare ses VO. ©Saint-Clair

 

Conviction électrisante

 

Daihatsu s’est retiré. Le panneau Isu­zu a été restitué quand les véhicules de 3,5 t ont disparu du catalogue. Ensuite, le groupe Saint‑Clair a arrêté sa collaboration avec Skoda en 2020, lorsque son voisin, le groupe Polmar, a négocié à vitesse grand V la reprise de l’activité.

 

"Il construit une plaque avec Volkswagen, cela ne faisait aucun sens de s’y opposer, concède Olivier Hochet. Tout le monde y trouvait son compte et cela nous a valu les hom­mages de Dorothée Bonnassies (di­rectrice de Skoda France à l’époque, NDLR) le jour de l’inauguration."

 

Mazda et Kia demeurent. Avec ces marques, l’opérateur accumule les ré­compenses comme le trophée Club de l’Excellence 2023 de Mazda et le Pla­tinum Dealer de Kia. Dans le réseau du sud‑coréen, Saint‑Clair se classe même au septième rang national, entre Tressol Chabrier et JPV, grâce à ses 1 600 à 1 800 VN vendus par an.

 

En 2023, la seule marque sud‑co­réenne a généré 19 000 entrées à l’ate­lier. Les revenus sont constamment à la hausse. Et la transition énergétique n’effraie nullement l’investisseur, "car le parc roulant de véhicules thermiques augmente assez pour compenser la progression de l’élec­trique". Il croit en cette mutation, par conviction et par engagement envers ses marques. "Les VE ont 15 à 20 % de pénétration dans nos ventes Kia et je vise 25 à 30 %. Reste à savoir en combien de temps nous arriverons à ce niveau."

 

Récemment, il a mandaté un de ses directeurs pour identifier une marque 100 % électrique à commer­cialiser. Deux pistes valaient à ses yeux la peine d’être explorées. L’une conduisait à XPeng.

 

 

Un choix qui sied au fils de Daniel Hochet. "Nous sommes des distributeurs de marques asiatiques depuis l’origine. Quand nous avons pris Mazda et Kia, cha­cune à son époque souffrait d’un dé­ficit d’image, évoque le président. XPeng réunit tout ce que nous cherchons, à savoir de la modernité tech­nologique, de l’ambition commerciale et le besoin d’un partenaire solide."

 

Une concession a été accordée à Caen et, dans la foulée, le groupe a œuvré pour doubler la mise à Rouen (76). À chaque fois, une autre activité assure­ra la rentabilité : à Caen, ce sera Kia et à Rouen, ce sera un parc de voitures d'occasion, dont des électriques en priorité.

 

Remodelage par le VO

 

La vente de véhicules d’occasion constitue un volet à part entière de la stratégie du groupe normand. Un des éléments clés sera le parc de 7 000 m2 acquis à Blainville (14). Telle une plateforme logistique, il servira de stock tampon pour les VN des concessions et les VO pour les marchands.

 

De fait, les sites commerciaux concentreront plus de voitures d’occasion à forte marge, transformant une charge financière en un centre de profit. Le futur directeur VO pourra aus­si augmenter les achats extérieurs "pour passer d’environ 40 à 150 uni­tés par mois dans deux ans", confie Olivier Hochet.

 

Une véritable ré­serve qui trouvera des relais à Caen, au Havre et à Évreux, trois sites cu­mulant 14 000 m2 d’aire d’exposition extérieure. Ce qui convient à la si­tuation de Mazda qui souffre com­mercialement des effets du malus et doit compenser le surdimensionne­ment des affaires.

 

Le groupe pourra en plus s’en re­mettre à ses carrosseries pour la pré­paration. Une autre idée empruntée à David Gaist qui accole de telles structures à chacune de ses plaques. À Caen, Ambo Carrosserie a ouvert en 2020 et a reçu la certification Tes­la en 2021. "Au lieu de sous‑traiter, nous prenons en main notre activité et facturons des pièces de construc­teurs", se réjouit le président.

 

 

Sans recourir aux agréments d’as­sureurs, le carnet de commandes ne désemplit pas et plus de la moitié des clients sont inconnus des CRM du groupe.

 

La suite se prépare. Daniel Hochet a connu la phase de libéralisation. Oli­vier Hochet se questionne sur ce que son successeur vivra. "Certainement la fin de la propriété, mais il y a encore trop d’incertitudes", imagine‑t‑il.

 

Lui, il a vécu le multimarquisme et la concentration. La diversification aussi. Il a misé sur la moto avec Hon­da dans la concession originelle du groupe. Le dirigeant attend avec im­patience les VUL de Kia. "Nous ne vendrons pas de vélos, en revanche, malgré le potentiel du marché. Il ne faut pas se disperser", dit‑il.

 

Olivier Hochet ouvre plutôt la porte à une nouvelle marque automobile, asiatique si possible et avec plu­sieurs motorisations. La recherche a commencé. Plus que son langage corporel, les propos du président montrent qu’il a toujours envie de faire du commerce.

 

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