Groupe Jallu-Berthier : passation de pouvoir
La société Ford France serait‑elle une bonne école pour devenir concessionnaire? Au vu du CV de certains acteurs de la distribution, on pourrait se le demander. C’est le cas, par exemple, de Pierre Jallu‑Berthier. Après avoir passé le diplôme de HEC en 1980, puis celui de l’université de Berkeley en Californie en 1981, il intègre un an plus tard, de retour en France, l’entreprise américaine.
Pendant dix ans, il y occupera huit postes successifs comme c’était la tradition chez Ford de changer de métier tous les deux ou trois ans. Un parcours qui lui permettra de bien appréhender tous les rouages de l’industrie automobile et notamment ceux de la distribution. Mais au bout de dix ans, l’homme semble avoir fait le tour et projette de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Cela prendra la forme d’une concession Ford à Beauvais (Oise). Le site est mal en point, Pierre Jallu‑Berthier le reprend au tribunal de commerce.
Cela sera la première pierre de l’édifice. Quatre ans plus tard, sur le même principe, il reprend trois sites Ford dans le Val‑d’Oise. Il faudra attendre le milieu des années 2000 pour qu’il ouvre son groupe à une autre enseigne, en reprenant les points de vente Citroën de Pontoise et de Montmagny (Val‑d’Oise), puis ceux distribuant Volkswagen et Audi à Compiègne (Oise).
Deux milles voitures d'un coup
En 2014, il passe à la vitesse supérieure. Cette montée en puissance prend forme en rachetant les sept sites du groupe Zanon. Dans l’escarcelle, Volkswagen, mais également Skoda et Suzuki pour un volume non négligeable de 2000 VN. Avec cette acquisition, outre le Val‑d’Oise (95), il s’implante au nord des Yvelines (78) et dans l’Aisne (02). Sur les deux dernières années, le groupe reprend des affaires Ford à Saint-Quentin (Aisne), ainsi qu’à Péronne, Amiens et Abbeville (Somme), sans oublier l’implantation du panneau Seat sur les terres d’origine, à Beauvais.
Cet ancrage géographique en fait un groupe assez particulier avec des territoires très disparates qui vont de zones fortement urbanisées et très actives économiquement parlant, comme l’est la ville nouvelle de Cergy‑Pontoise (Val‑d’Oise), aux terres beaucoup plus rurales de l’Aisne ou de la Somme.
Aujourd’hui, près de trente ans après l’achat de sa première concession, le groupe Jallu‑Berthier distribue huit marques (Audi, Citroën, DS Automobiles, Ford, Seat, Skoda, Suzuki et Volkswagen), 8010 VN, 6790 VO et est présent dans cinq départements de l’Île‑de‑France et de l’ancienne région de Picardie. Il réalise un chiffre d’affaires (2020) de 300 millions d’euros et figure parmi les dix premiers concessionnaires Ford de France.
C’est dans ce contexte que Pierre Jallu‑Berthier a décidé de passer en juillet dernier les rênes à son fils Arnaud. « Une succession qui n’était pas inscrite dans le marbre », indique l’entrepreneur. Aujourd’hui âgé d’une trentaine d’années et diplômé de l’école de management de Lyon Business School, Arnaud Jallu‑Berthier a fait ses premiers pas dans la vie professionnelle au sein du cabinet Price Watherhouse Coopers. Une expérience qui ne l’a pas passionné plus que ça, car lorsque son père lui propose de rejoindre le groupe, il quitte l’audit financier pour entrer chez PSA Retail au poste de conseiller commercial BtoB en 2017. Il occupera cette fonction pendant un an, histoire d’apprendre les arcanes de la vente automobile.
Il intégrera alors le groupe de son père dès 2018 en tant que chef des ventes sur les sites Volkswagen de Sartrouville (Yvelines) et de Saint-Gratien (Val‑d’Oise) jusqu’à l’année dernière où il devient directeur du DS Store de Pontoise (Val‑d’Oise).
Transformation des utilitaires
Pour Pierre Jallu‑Berthier qui est aussi président du groupement des concessionnaires Ford, membre du bureau européen et du bureau de la branche concessionnaires au CNPA, sans oublier ses fonctions au sein du tribunal de commerce de Compiègne et de Pontoise, le vrai fonds de commerce de l’entreprise est le personnel. « Il faut savoir rester proche des salariés et être à leur écoute », explique‑t‑il. Pour cela, le groupe a mis en place depuis trois ans une enquête de satisfaction auprès de ses 650 collaborateurs répartis sur 25 sites. « C’est un sondage anonyme que nous réalisons tous les six mois, via une entreprise externe, complète Arnaud. Il porte aussi bien sur la satisfaction des employés dans leur travail que sur la perception qu’ils ont du groupe. »
Ce procédé est plébiscité par les collaborateurs, car le taux de retour est de 85 %. « Nous nous engageons à donner une réponse dans les six mois lorsqu’un problème a été remonté, poursuit‑il. Grâce à ces retours, nous avons pu améliorer certains sujets, notamment sur les questions de confort au travail. » Sous la direction d’Arnaud, le groupe Jallu-Berthier compte continuer cette stratégie, ainsi que son développement en s’appuyant sur trois piliers: poursuivre la baisse des coûts, développer la croissance externe et se tourner vers les nouveaux services de mobilité « au sens très large du terme », précise Arnaud Jallu‑Berthier.
Ce troisième axe permettra de trouver des nouvelles sources de revenus, tout en optimisant l’immobilier. Cette stratégie reposera, par exemple, sur l’intégration au sein de l’entreprise d’une activité concernant la transformation des véhicules utilitaires. « L’activité carrosserie baisse du fait de la diminution du nombre d’accidents, indique‑t‑il. Il nous paraît donc opportun de nous tourner vers la transformation de véhicules utilitaires, d’autant plus qu’avec les marques que nous distribuons, nous souhaitons développer la vente de ce type de produits. » Aujourd’hui, le VU représente 15 % des ventes du groupe, mais à terme, ce dernier vise les 30 à 35 %. « L’utilitaire est un très bon outil pour fidéliser la clientèle et développer l’après-vente », souligne‑t‑il.
Développer la chaine de valeur
Le groupe compte également apporter plus de produits et de services sur la chaîne de valeur de la distribution automobile, notamment en s’appuyant sur les véhicules élec‑ triques. Sans donner plus de détails, les deux hommes estiment que le développement de la voiture élec‑ trique va permettre de proposer une palette de services qui n’existent peu ou pas encore. Mais au‑delà de l’offre de produits, ils insistent sur le fait que cela passe avant tout par une adhésion et une connaissance des collaborateurs sur ce sujet afin de convaincre le client. « Nous faisons un métier de proximité et de conseil », aime à rappeler Pierre Jallu‑Berthier.
Le développement du groupe pas‑ sera‑t‑il également par la création d’un label VO, comme certains distributeurs en ont mis en place depuis quelques années? Pierre Jallu‑Berthier, qui vient de recruter un directeur VO pour renforcer cette activité, n’y voit pas l’intérêt. « Je ne pense pas que cela soit un outil de fidélisation ni de profitabilité, estime‑t‑il. Concernant le premier sujet, nous nous appuyons plutôt sur les contrats de financement et d’entretien, quant au second, nous avons, comme nous vous l’avons expliqué, d’autres axes stratégiques. » Arnaud aura donc la tâche de poursuivre le développement du groupe à travers de nouvelles activités, mais également via la croissance externe en fonction des opportunités, comme Pierre l’a fait avant lui. « Nous couvrons un large territoire qui va du nord de l’Île-de-France à la frontière belge, rappelle Arnaud. Il existe donc des possibilités sur tout ce secteur que nous observerons avec attention au moment opportun. »
Pour l’instant, le groupe travaille sur la construction d’une nouvelle concession Citroën à Sarcelles (Val‑d’Oise) et est en discussion avec le constructeur pour un DS Store. Il prévoit également de commercialiser d’ici la fin de l’année 9500 VN et 8000 VO.
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