Alpine à l’heure du virage électrique
Sept ans après son retour, la marque Alpine a trouvé sa voie. Notamment en France. En 2023, elle a immatriculé 2 693 A110, le seul modèle – pour l’instant – de sa gamme, soit une progression de 26 % sur un marché qui a seulement augmenté de 16,1 %. Beau résultat.
D’autant plus que les commandes sont encore plus importantes. "Au total, nous en avons enregistré 3 000 sur l’année qui vient de s’écouler, compte Philippe Quétaud, à la tête d’Alpine France. En France, son premier marché, Alpine a fait exploser les ventes d’un segment uniquement composé de l’Audi TT et de la Porsche Cayman qui, en 2018, ne représentait qu’un peu plus de 1 000 voitures."
Les raisons d’un tel succès ? Au‑delà de la qualité du produit, pêle‑mêle, "le bouche‑à‑oreille des clients qui fonctionne très bien, la relative faible taxation du véhicule comparée à la concurrence et le dynamisme du réseau très impliqué dans l’aventure, avec notamment beaucoup d’événements ou la création de clubs organisés par les distributeurs", énumère Philippe Quétaud.
Une gamme complète
Mais avec l’annonce de l’arrivée de sept nouveaux modèles d’ici la fin de la décennie et surtout un arrêt du thermique en 2026 avec la fin de l’A110 actuelle, Alpine se prépare à passer dans une tout autre dimension.
À la fin de l’année, le constructeur lancera l’A290, premier modèle électrique de la marque, une version revue et corrigée de la R5 E‑Tech. En 2025, arrivera ensuite un crossover GT sur le segment C.
En 2026, l’A110 abandonnera son 1.8 turbo essence pour recevoir un bloc électrique. Une version cabriolet sera probablement proposée, tandis qu’en 2027, Alpine, qui n’a pas encore pleinement validé l’information, prévoit une nouvelle mouture de l’A310 et deux SUV sur le segment D/E.
Autant de (r)évolutions auxquelles le réseau va devoir s’adapter. "Les ambitions d’Alpine sont très fortes", souligne Alain Manuel, dirigeant d’Auto Dauphiné, présent à Grenoble (38) et l’un des plus importants distributeurs Alpine de France.
Première conséquence, le développement du réseau. En 2018, ce dernier était composé de 18 points de vente. Il dispose aujourd’hui d’une trentaine d’adresses, les groupes Gemy, Gueudet et Mary, venant d’ouvrir sur les trois derniers mois de l’année, respectivement les showrooms du Mans (72), de Saint‑Maximin (60) et de Rouen (76). "À terme, le réseau comptera une quarantaine de sites", indique Philippe Quétaud.
Moyens commerciaux
Aujourd’hui, chaque site vend, selon la taille, entre 70 et 180 VN/an, les plus importants points de vente étant, outre celui de la succursale de Boulogne‑Billancourt (92), ceux de Grenoble (38), Villefranche‑sur‑Saône (69), Lille (59), Rennes (35) et Clermont‑Ferrand (63).
Seconde conséquence, une restructuration des moyens commerciaux. "Le réseau va devoir augmenter ses effectifs, affirme Philippe Quétaud. Jusqu’à présent, il suffisait d’un commercial dédié dont le travail allait bien au‑delà de la vente du véhicule. Il fallait qu’il soit très disponible, fédérateur, capable de créer une communauté autour de la marque. Avec l’arrivée de l’A290, le discours commercial va être différent. Sans mettre de côté la partie plaisir, le vendeur devra aborder les sujets d’autonomie, de bornes de recharge, etc."
"J’ai embauché un deuxième vendeur qui a un profil différent de celui du premier", présente Thibaud Carissimo, directeur général du groupe Bodemer. Même discours chez le groupe Thivolle. Cela passera également par des aménagements au sein des structures. Comme d’autres acteurs, Alain Manuel a agrandi son showroom. À terme, il pourra exposer une dizaine de modèles.
Aventure électrique
L’autre grand changement est, bien sûr, la gamme 100 % électrique. Comment sera‑t‑elle comprise et acceptée par les clients ? Si cette nouvelle voie que prend Alpine enthousiasme la plupart des distributeurs, les clients, du moins une partie d’entre eux, semblent un peu plus circonspects. "Ils sont loin d’être majoritaires", tempère Guillaume Pierre, directeur adjoint au sein du groupe Thivolle. "Le lancement de l’A290 va nous permettre de toucher une nouvelle clientèle, se réjouit Thibaud Carissimo. La marque vise notamment celle de la Mini électrique."
En 2023, la petite britannique a enregistré 7 634 immatriculations (+ 31,4 %). "Nous observons un très grand intérêt de la part de nos clients, poursuit Guillaume Pierre. Ils envisagent l’A290 comme une deuxième voiture et sont sensibilisés à cette technologie, car beaucoup roulent déjà en électrique ou en hybride."
"Elle va convaincre les acheteurs de l’A110, qui gardent leur voiture au fond du garage, des bienfaits de l’électrique et de ses performances", ajoute Alain Manuel. "Nous avons confiance dans les produits, mais le passage à l’électrique soulève une question : comment orchestrer la passion avec l’électrique ?", pose Guillaume Pierre.
La crainte de l’électrification est balayée d’un revers de la main par Philippe Quétaud. "Lorsqu’une marque allemande que je ne nommerai pas est passée au diesel, on hurlait à la trahison, commente‑t‑il. Et pour l’électrique, cela a été pareil !" Idem pour le SUV, assez éloigné de l’image d’une Alpine. "Toutes les grandes marques sportives et ultrasportives sont passées aux SUV", note Philippe Quétaud.
Inquiétude et enthousiasme
Le réseau est donc à la fois (un peu) inquiet et (très) enthousiaste. "Le vrai tournant pour Alpine n’est pas l’A290, mais l’arrivée du crossover, soulève Thibaud Carissimo. Comment une marque de niche sportive va‑t‑elle capitaliser sur des modèles mainstream et sur l’électrique ? Quelle sera la dynamique ? C’est à ce moment que nous verrons si la marque a réussi à s’implanter au‑delà des passionnés."
"Pour moi, c’est la deuxième génération de l’A110, en 2026, qui sera électrique, qui sera un tournant pour la marque, car il y aura un élément de comparaison avec l’A110 actuelle", indique pour sa part Guillaume Pierre.
2024 sera donc une année charnière pour cette marque qui s’avère très rentable pour le réseau. "D’un côté, une partie des ventes sera portée par les clients qui vont se précipiter sur les dernières A110 thermiques dans l’idée de spéculer dessus", glisse un distributeur. D’autant plus qu’avec la nouvelle réglementation GSR 2*, qui sera appliquée en juillet 2024, Alpine ne produira que 1 500 exemplaires pour le marché européen. De l’autre, "nous observons un marché VO en pleine explosion avec une très forte progression des valeurs résiduelles", complète Alain Manuel. 2024 sera également l’année qui permettra de préparer les clients à la nouvelle vie d’Alpine.
*GSR 2 ‑ Norme de sécurité globale révisée 2. Applicable en juillet 2024, cette nouvelle norme impose aux constructeurs automobiles l’installation de nombreux dispositifs de sécurité.
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Chiffres clés
4 400 La production annuelle du site de Dieppe (76).
12 500 C’est le nombre d’A110 en parc en France.
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