Véhicules électriques : les ateliers sous tension
En 2021, dix ans après l’arrivée des premiers modèles, on estime que la flotte de véhicules électriques est d’environ 335 000 unités, soit un peu moins de 1 % du parc automobile français. Mais depuis 2020, leurs ventes n’ont cessé de croître de façon exponentielle. L’année dernière, une voiture sur dix immatriculées était un modèle 100 % électrique, soit 162 106 immatriculations (+ 46,2 %), ce à quoi il faut ajouter les hybrides rechargeables qui se sont écoulés à 141 012 exemplaires (+ 89 %). Comment dès lors les constructeurs via leur réseau s’organisent pour l’après‑vente de ces véhicules ? Nous avons rendu visite aux groupes Renault, Stellantis, Volkswagen, ainsi qu’à Nissan pour connaître leur stratégie.
À l’instar des modèles thermiques, tous reconnaissent deux interventions : l’entretien et la réparation. La plupart des concessionnaires sont habilités à entretenir les voitures, tandis que la réparation se fait dans des centres dédiés. "Fin 2021, la plupart du réseau primaire était expert E‑Tech, indique Renault. Ceux qui ne le sont pas encore sont souvent des sites secondaires ou proches de l’établissement principal. Concernant le réseau d’agents, nous avons près de 600 experts E‑Tech et cela va augmenter en 2022."
Entretien et réparation
"La voiture électrique est composée de trois éléments, résume Jérôme Jacque, directeur de Nissan Avenir, appartenant au groupe Altaïr, rencontré à la concession de Maurepas (78). Un moteur électrique dont la fiabilité est excellente, une batterie et pour faire simple et imagé, une boîte de fusibles. C’est la batterie qui est l’élément le plus complexe. Elle comprend des modules, dans lesquels se trouvent les cellules et le câblage, et la carcasse dans laquelle sont intégrés les modules." Sur une voiture électrique, tous les acteurs s’accordent à dire que l’entretien reste assez limité.
"Il existe trois types d’interventions, explique Nicolas Marchais, directeur de la concession Intersport, distributeur Volkswagen et Skoda à Saint‑Cyr‑sur‑Loire (37) et directeur financier du groupe LWarsemann. Le premier porte sur l’entretien classique, sans intervention sur la batterie. Le second nécessite de couper le courant. Dans ce cas, on consigne le véhicule. Le dernier repose sur le travail sous haute tension." "En ce qui nous concerne, nous intervenons sur les freins, les liquides, les pneumatiques et la batterie 12 V", présente l’opérateur habilité à travailler sur les voitures électriques dans l’atelier de la succursale de Renault de Saint‑Quentin‑en‑Yvelines (78). Ce dernier, coordinateur technique (cotech), travaillait avant de se spécialiser dans ce domaine sur les boîtes de vitesses automatiques ou sur la climatisation.
Pour les réparations, le processus est totalement différent. "Nous n’avons pas le droit d’ouvrir les batteries, explique l’opérateur Renault. Notre rôle consiste uniquement à les changer." Peu de sites sont habilités pour réaliser des réparations. Renault dispose de trois centres en France, un à Flins (78), un à la succursale de Bordeaux (33) et un à Villefranche‑sur‑Saône (69) chez le groupe Thivolle.
Nissan s’est doté de trois sites (Maurepas (78), Nîmes (30) et Rennes (35)), tandis que le groupe Volkswagen s’appuie aujourd’hui sur huit centres répartis sur tout le territoire. À moyen terme, l’allemand prévoit d’ouvrir d’ici l’année prochaine 60 sites pour la réparation avec comme objectif d’arriver à une centaine dans quelque temps.
Centres habilités
Quelle que soit la marque, la procédure en cas de panne de la batterie est assez similaire. La voiture est expertisée et le technicien saisit une fiche indiquant les dysfonctionnements. Chez Renault, il procède à son démontage, alors que chez Nissan ou chez Volkswagen, la voiture est acheminée dans le centre de réparation, batterie non démontée. Chez Peugeot, la procédure est différente. "Nous envoyons les batteries défectueuses vers nos plateformes de pièces de rechange", explique Kévin Egu, directeur SAV chez Stellantis & You, en charge des sites de Saint‑Denis, Pantin, Bondy et Aulnay‑sous‑Bois (93).
"Les pannes les plus fréquentes sont des défauts de communication entre la voiture et la borne de recharge", indique Jérôme Jacque. "Il s’agit bien plus souvent d’un problème lié à la borne ou à une mauvaise manipulation du câble ou de la prise qu’à un souci électronique sur la voiture", ajoute de son côté Kévin Egu. Autre panne possible : un défaut sur l’un des modules de la batterie ou plus spectaculaire, mais plus rare, une déformation liée à un usage important des bornes de recharge rapide. "Sous l’effet de la chaleur, les cellules qui composent les modules se dilatent et déforment ces derniers, voire la carcasse de la batterie", explique Ludovic Wallet, chef d’atelier chez Nissan à Maurepas.
Remplacement des modules
Dans les centres de réparation, les batteries sont démontées par deux opérateurs, puis déposées sur une table de levage. Chez Volkswagen sur le site de Tours (37), elles sont ensuite stockées dans une vaste pièce fermée. "Volkswagen n’a pas mis en place de protocole spécial, mais nous avons construit un espace spécifique, climatisé et suffisamment spacieux pour que nos collaborateurs puissent travailler en toute sécurité", explique Nicolas Marchais. Équipés d’un casque anti‑arc électrique, de gants de protection et d’un outillage spécifique, les opérateurs ouvrent la batterie et contrôlent les modules. Ceux défectueux sont envoyés pour recyclage à des organismes spécialisés et sont remplacés par des neufs. Aucun des ateliers que nous avons visités intervient directement sur la cellule.
"Il faut ensuite mesurer la tension de chaque module remplacé et l’équilibrer », précise Ludovic Wallet. Une opération réalisée par une machine dédiée qui peut prendre plusieurs heures selon la technologie de la batterie. "Un écart de 0,03 V met la batterie en défaut", prévient Daniel Delhomme, directeur de l’après‑vente au sein du groupe LWarsemann.
Pour le groupe Altaïr, l’investissement pour cette activité de réparation a été "entre 30 000 et 40 000 euros", indique Jérôme Jacque. "Nous avons bénéficié d’un soutien du constructeur", rappelle‑t‑il. À Tours, le montant annoncé est d’environ 46 000 euros. "Le coût principal porte sur les tables de levage", note Nicolas Marchais, directeur du lieu. Sur les sites Stellantis de la plaque nord‑parisienne, "nous avons créé un espace dédié avec un pont spécifique. La zone de travail est plus importante pour que les collaborateurs puissent facilement circuler autour du véhicule, explique Kévin Egu. L’investissement global qui intègre également une borne de recharge, indispensable dans nos procédures d’intervention, oscille entre 10 000 et 15 000 euros".
Un coût bien supérieur à un équipement standard pour les véhicules thermiques, mais qui sera amené à baisser rapidement. "Nous n’allons pas acheter une table de levage pour chaque pont", donne‑t‑il comme exemple.
Un volume encore faible
En dépit de l’augmentation des immatriculations de véhicules électrifiés, les entrées en atelier restent néanmoins anecdotiques. Sur le site Renault de Saint‑Quentin‑en‑Yvelines, elles représentent à peine 1 %. Chez Nissan, le site de Maurepas, qui couvre le nord et l’est de la France, ne voit qu’une entrée par semaine. À Tours, centre qui a ouvert il y a un an, les équipes ont travaillé sur une quarantaine d’unités.
Au niveau national, le groupe Volkswagen annonce avoir réparé 300 véhicules électrifiés (PHEV et 100 % électriques). "Nous sommes intervenus sur des problèmes de garantie, de vieillissement de la batterie, ainsi que sur des véhicules accidentés qui représentent moins de 5 % du SAV", compte le constructeur. Sur la plaque nord‑parisienne de Stellantis & You, les modèles électrifiés constituent 10 à 15 % des entrées en atelier.
Néanmoins, bien que dans tous les ateliers visités, les collaborateurs habilités ne travaillent pas à plein temps sur les véhicules électrifiés, beaucoup de concessionnaires prévoient de former leurs équipes. "15 % de notre personnel SAV est habilité à entretenir un VE, indique Kévin Egu. Cette année, je compte passer à 30 % avec pour ambition d’arriver le plus rapidement possible à 50 %." Quant au coût facturé au client, pour l’instant, quel que soit le constructeur rencontré, la quasi‑intégralité des interventions est prise sous garantie.
"Un module de batterie coûte 800 euros HT, une batterie neuve environ 17 000 euros HT", indique Jérôme Jacque. "Nous facturons aux constructeurs 63 euros HT la main‑d’œuvre", précise de son côté Nicolas Marchais. L’investissement par rapport au volume n’est donc aujourd’hui clairement pas rentable. "La rentabilité n’est effectivement pas là, souligne Daniel Delhomme. Mais nous nous devons d’être les premiers sur cette technologie afin que nous puissions nous positionner avec le constructeur sur ce que sera le marché de demain."
Gestion des ateliers
Quant à la baisse de volume de l’activité en après‑vente liée à la fiabilité des voitures électriques, Daniel Delhomme ne se montre pas inquiet. "Premièrement, le parc thermique est toujours majoritaire et ce, encore pour une bonne dizaine d’années au minimum. Deuxièmement, nous avons encore beaucoup de services à apporter en après‑vente pour fidéliser nos clients et augmenter les entrées en atelier."
Et de citer la carrosserie rapide, l’élargissement des horaires d’ouverture, etc. Pour Jérôme Jacque, le sujet est plus épineux. "Comment gérer les ateliers avec une baisse de la fréquentation ? Surtout, même si le coût des pièces diminue à terme, le client final sera‑t‑il prêt à dépenser autant ? Ne devrons‑nous pas nous pencher sur des forfaits de réparation calculés par modules ?, se questionne‑t‑il. Les marges sur les batteries sont bien inférieures à celles des pièces sur les moteurs thermiques. Pour l’instant, le constructeur nous accompagne sur l’électrique en partie grâce à la marge sur les pièces des modèles thermiques. Mais pour combien de temps ?"
Pour l’instant, les constructeurs restent discrets sur ce sujet. Pour promouvoir le véhicule électrique, ils se montrent, en effet, assez généreux en cas de problème. Mais cette stratégie n’est pas viable à long terme.
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