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Constructeurs

Un électroGhosn ?

Publié le 9 décembre 2005

Par Christophe Jaussaud
8 min de lecture
En février prochain, Carlos Ghosn annoncera un plan triennal afin de relancer Renault. Mais la marque au Losange en a-t-elle vraiment besoin ? Silencieux depuis son arrivée en avril dernier, le nouvel homme fort de Renault a dévoilé des pistes de travail. Parallèlement, des informations internes...

...au constructeur sont venues alimenter le dossier.


Renault est-il vraiment si mal en point que ça ? Certes, le constructeur français n'est plus, depuis septembre, la première marque européenne, une première depuis 2002. Certes, il a lancé un profit warning sur les résultats 2005 avec une marge opérationnelle en baisse d'un point. Carlos Ghosn a même annoncé durant une conférence de presse en Corée du Sud que "le groupe n'aura aucun produit à mettre sur le marché l'année prochaine ; nous serons sur la défensive en 2006." La marque au Losange est-elle pour autant en route vers une nouvelle traversée du désert ? Nombre d'analystes, mais aussi certains de nos confrères, voient en ces annonces, les premières depuis son arrivée à la tête de Renault en avril dernier, un Carlos Ghosn habile, noircissant le tableau à dessein, pour que son plan triennal, annoncé le 9 février prochain, soit vite couronné de succès. D'autres, sans parler de crise, avancent que Renault doit effectivement évoluer, à l'image de Nissan, pour rester dans la course et surtout gagner du terrain sur l'échiquier mondial. Cette dernière analyse semble plus proche de la vérité et bien que l'encéphalogramme de Renault est loin d'être plat, un "électroGhosn" fera sûrement partie du plan triennal. Produits, design, organisation industrielle, organigramme, communication, le nouveau samouraï de Boulogne devrait pointer le bout de son sabre partout.

Renault devra diversifier sa gamme et ses débouchés

Carlos Ghosn est un adepte des plans. On se souvient du NRP (Nissan Revival Plan) et du 180 (un million d'unités supplémentaires vendues, 8 % de marge d'exploitation et zéro dette), tous deux réussi. Le président de Nissan a annoncé, le 22 septembre dernier, de nouveaux objectifs pour Nissan avec le plan Value Up (voir JA n°931/932). Renault connaîtra le sien le 9 février prochain. Toutefois, le patron de l'ex-Régie a déjà donné quelques pistes. "Ce plan prévoira des changements de rythmes, de priorités, des clarifications, notamment pour traiter les problèmes de fond comme la cyclicité des résultats, la trop grande dépendance à une gamme et à un pays", a indiqué Carlos Ghosn depuis l'Asie. Le Losange devra donc diversifier sa gamme et ses débouchés. "Il s'agit du problème que j'ai à régler chez Renault et c'est l'objectif du plan que j'annoncerai en février." Une volonté aux conséquences nombreuses. Déjà au chapitre produits, l'homme fort de Renault souhaite un retour du Losange sur le très lucratif segment du haut de gamme, malgré l'échec de la Vel Satis ou de l'Avantime. Pour lui, ce n'est pas un problème de coûts, "Renault sait produire à des prix compétitifs. Les échecs tels que celui de la Vel Satis sont liés à un déphasage par rapport au marché. Nous ne devons pas construire des voitures qui nous plaisent mais qui plaisent aux clients. C'est la clé du profit." Le Marquis Le Quément, va devoir revoir ses coups de crayons ou passer le relais ! D'autant que depuis l'arrivée de Carlos Ghosn, il y a six mois, deux modèles sont déjà repartis en studio de design. Après la Twingo II, officiellement pour un manque de rentabilité, c'est au tour de la Laguna 3 de retourner vers le bureau du design. "Des voitures qui retournent au design, vous en verrez d'autres", a commenté Carlos Ghosn. "En six ans, je n'ai jamais vu un mauvais test clientèle se traduire par de bonnes ventes." D'autant que les ventes de cette nouvelle Laguna seront importantes à plus d'un titre et principalement car elle devrait être le modèle annonciateur de la nouvelle stratégie haut de gamme du constructeur. Un haut de gamme indispensable pour afficher une bonne rentabilité. En effet, selon les extraits d'un discours interne dont Capital a publié les bonnes feuilles, Carlos Ghosn serait revenu sur ce point devant 200 ingénieurs de la marque : "il n'y a pas de fatalité à ne pas faire un haut de gamme Renault qui marche, qui plaise et qui se vende bien, a lancé le président. Le succès de Nissan est bâti sur le haut de gamme avec une marge opérationnelle qui est passée de 1,5 à 10 % ! Cela ne s'est pas fait en multipliant les petites voitures." Toujours concernant le produit, Renault va également devoir apprendre à concevoir et produire plus vite à l'image de Nissan qui, dans le cadre du plan Value Up, va lancer 28 nouveaux modèles d'ici à 2008. "Aujourd'hui, Renault est incapable de sortir autant de modèles en si peu de temps", estime un ingénieur de la marque,  cité par l'Expansion. Non pas que le Losange ne veuille pas, mais il ne peut pas, notamment industriellement. Là encore, le sabre du samouraï Ghosn va laisser des traces.

"Si nous parlions de voitures à vendre"

Pour redynamiser l'ensemble de la chaîne, de la production à l'après-vente, et le tout, dans l'optique d'une rentabilité exemplaire, Carlos Ghosn va créer un nouveau poste dans l'organigramme de Renault. En effet, selon nos confrères de l'Expansion, le président de Renault nommera début janvier 2006, des directeurs de programmes qui, des premières esquisses à l'après-vente en passant par la production, vont suivre et tenir informé, à chaque étape, le président sur la rentabilité du projet. Renault va donc devoir produire mieux, d'une manière encore plus rentable et surtout vendre plus ! En effet, l'objectif de 4 millions d'unités à l'horizon 2010 pour le groupe Renault (Renault, Dacia, Samsung), fixé par Louis Schweitzer, reste d'actualité. Le chemin est encore long car en 2004 les ventes du groupe (VP, VUL) ont totalisé 2 489 401 unités. Pour l'heure, on arrive à 2 129 525 d'unités sur les 10 premiers mois de l'année 2005. "Renault des voitures à vivre, c'est un beau slogan", aurait lancé Carlos Ghosn lors d'une réunion, "mais si nous parlions maintenant de voitures à vendre ?"


Disparition de la direction des opérations internationales ?

Vendre en Europe évidemment, mais le développement de la marque à l'international sera la clé de la réussite tant en volume qu'en rentabilité. Une rentabilité que connaît très bien Nissan notamment grâce aux Etats-Unis. "Avant d'envisager quoique ce soit pour les Etats-Unis, il faut réussir au Brésil. Il faut réussir en Corée. Il faut réussir en Chine. Il faut réussir notre implantation à l'Est", aurait martelé Carlos Ghosn lors de ce fameux discours. Alors d'une manière plus officielle, lors de sa visite en Corée, Carlos Ghosn a annoncé que RSM, Renault Samsung Motors, allait passer à l'offensive dès 2006 tant sur le marché domestique qu'à l'export. En effet, 30 000 unités de la SM 3, la dernière-née de Renault Samsung, allaient être exportées en 2006 en étant badgées Nissan. De plus, cette filiale sud coréenne de Renault va également produire pour sa maison mère un SUV compact qui devrait être commercialisé en Europe en 2007. Ainsi, les 105 000 unités produites en 2004 ne seront plus qu'un mauvais souvenir pour l'usine coréenne de Pusan qui affiche une capacité annuelle de 300 000 unités. Quid de la Logan ? Peut-être la grande satisfaction du groupe. La Logan se vend bien et selon Carlos Ghosn elle sera rentable dès 2006. Voiture internationale par excellence, elle sera le fer de lance du groupe sur les marchés où la marque Renault n'est pas réellement présente. A l'exception de la Chine où l'avenir de Renault dans ce pays serait synonyme de Megane, aurait annoncé le président en interne. Une question d'image de marque selon lui. Quoi qu'il en soit le programme Logan se poursuit. Après le Maroc et la Colombie, d'autres pays comme l'Inde, la Russie, la Chine et l'Iran seront des Etats producteurs de Logan qu'elle soit berline, break ou pick-up, essence ou Diesel, car la gamme va être déclinée. De plus, la Roumanie, mère patrie de Dacia, pourrait bientôt compter une nouvelle usine de la marque. En effet, selon la presse roumaine, une lettre d'intention aurait été signée en vue du rachat de l'usine Daewoo de Craiova. A suivre.
Carlos Ghosn va mieux pouvoir jauger cette internationalisation car il devrait supprimer, selon l'Expansion, la direction des opérations internationales. Selon cette information, non confirmée par le constructeur, chaque responsable de zones ou de pays devra rendre compte à Carlos Ghosn en direct. C'est sûr, Renault va connaître une nouvelle ère. L'ère de la motivation ? Extrait du discours : "J'ai une vision du potentiel de Renault. Les gens disaient : "2004, une année record, va-t-on pouvoir faire mieux ? Si 2,5 millions de voitures et 5,2 % de marge opérationnelle est le maximum que Renault puisse faire, et qu'on regarde cela en disant que c'est tellement fort qu'on ne peut pas faire mieux, on a une piètre vision de l'entreprise. Ce n'est pas la mienne. On va faire beaucoup plus. On va montrer de quoi Renault est capable."


Christophe Jaussaud






ZOOM

Renault toujours avec Elf


Renault et Elf sont des partenaires historiques et cela va se poursuivre. En effet, le 30 novembre dernier, Total et le constructeur français ont renouvelé leur partenariat mondial à l'occasion d'une cérémonie organisée par l'équipe Renault F1 pour célébrer les deux titres de Champions du Monde obtenus en 2005. Au-delà de la F1, ce partenariat est également valable pour les Renault de M. Tout le Monde faisant ainsi de Total le premier fournisseur mondial du constructeur français dans le domaine des carburants et des lubrifiants. Carlos Ghosn, Thierry Desmarets, les patrons des entreprises signataires, mais aussi Fernando Alonso et Jean-Paul Vettier, DG raffinage et marketing de Total, étaient présents pour l'occasion.

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