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Constructeurs

Renault dévoile les coulisses de son département qualité

Publié le 5 décembre 2025

Par Jean-Baptiste Kapela
10 min de lecture
Au Technocentre de Guyancourt (78), Renault révèle un univers habituellement fermé au public : celui de la gestion de la qualité. Métavers industriel, intelligence artificielle… Le groupe utilise les technologies de dernière génération pour garantir le même niveau de fiabilité à ses modèles les plus anciens comme les plus récents.
Renault
La stratégie établie par la Qualité de Renault a permis de réduire le nombre de réclamations de l’ordre de 40 % entre 2021 et 2025. ©Renault

Lorsque l’on parle de la qualité d’une voiture, il est de bon ton de "ne pas regarder dans la cuisine". Pourtant, le groupe Renault a invité la presse à son Technocentre situé à Guyancourt (78), afin de découvrir le quotidien de son département Management qualité. Une initiative relativement rare au cœur d’une étape souvent secrète dans la commercialisation d’un véhicule. Depuis 2021, le groupe au Losange a peaufiné sa recette, à base de digitalisation agrémentée de tests en conditions réelles.

 

"Quand nous parlons de management de la qualité, on parle aussi de management de la non-qualité. Il s’agit d’un sujet sur lequel les constructeurs ne sont pas toujours à l'aise pour s’exprimer. Il faut être au courant des problèmes et les corriger. Pour moi, la qualité, c'est tout ce qui a trait à la satisfaction du client, tant en matière de produit que de service. Nous devons tenir une promesse, ce qui sous-entend d’avoir un minimum de défaillances et d’imperfections", définit Thierry Charvet, directeur de la Qualité et de l’Industrie du groupe Renault, arrivé en poste en 2021.

 

 

La fonction qualité de Renault regroupe 1 300 personnes. Ces dernières ont trois rôles majeurs. Elles s'occupent, dans un premier temps, avec les équipes développement en amont, d’identifier ce qui fait ou non la satisfaction d’un client, tant sur le confort, l’habitabilité, la tenue de route ou encore l’ergonomie.

 

Ensuite, les équipes qualité analysent les défauts potentiels et décident du moment où mettre le véhicule dans les mains du client. Puis, une fois la commercialisation achevée, l’équipe est sans arrêt en train de corriger ou d’améliorer un modèle. Les tâches sont ainsi réparties : 20 % pour l’amont, 10 % pour la décision de mise à la route et 70 % pour l’analyse et la correction des défauts.

 

Thierry Charvet, directeur de la qualité et de l’industrie du groupe Renault. ©Renault

 

Une méthodologie issue de l’industrie

 

"En 2021, Renault démarre la vague des véhicules homologués Euro 6d. Cette dernière norme, décidée rapidement, avait mis les constructeurs en stress et nous étions un peu convalescents du démarrage de nos nouveaux systèmes. Les résultats qualité étaient corrects mais perfectibles", se remémore Thierry Charvet.

 

"Nous regardions trop comment mieux faire la prochaine fois et peu ce qu’il se passait dans le réseau", ajoute-t-il. Avec l’arrivée de douze nouveaux modèles en rupture technologique dans le cadre du plan Renaulution, il y avait "plus de 1 200 jalons" à poser en comptant les différentes versions, "une situation inédite", selon ses termes.

 

 

Les équipes qualité ont donc pris la décision d’optimiser la réactivité dans la correction de défauts une fois que le véhicule revenait dans les réseaux. Auparavant, il fallait attendre plus d’un mois, le temps que le réseau établisse son diagnostic et que l'envoi de remboursement garanti soit effectué.

 

Un délai jugé "extrêmement long" par le service qualité. "Mon idée était de piloter la qualité au niveau de l’entreprise comme on pilote une usine. Ainsi, il faut que nous soyons au courant de ce qui se passe la veille et tous les jours pour réorienter nos actions et essayer de les corriger au plus vite", détaille Thierry Charvet, issu de l’univers industriel.

 

Un plan en trois étapes

 

Le plan initié par ce dernier a été établi début 2022 et arrive à son terme en 2025. "Il a fallu changer le mindset de l’entreprise pour cibler davantage le résultat et moins le processus face à la montagne de lancements", précise Audrey Lointier, directrice de la stratégie qualité du groupe Renault. Le travail s’effectue ainsi bien en amont afin que les véhicules arrivent sur le marché au meilleur niveau de qualité pour éviter que les premiers clients soient "les bêta-testeurs des véhicules", ponctue-t-elle.

 

Parmi les objectifs, la première voiture produite dans l'usine doit être au même niveau de qualité qu’un véhicule de cinq ans d'ancienneté. Le plan prévoyait un degré d’excellence de 20 réclamations clients pour 1 000 véhicules produits dans les trois premiers mois d’usage. "Une voiture bien née est une voiture qui vieillira bien et qui n’aura pas une incidentologie élevée dans le temps", estime Audrey Lointier.

 

Enfin, le constructeur souhaite que ses voitures soient comme neuves au bout de cinq ans par le biais d’une batterie de tests simulant la durée de vie du véhicule. Les modèles sont ainsi mis à l’essai dans des chambres climatiques, soumis à des conditions de stress, via 170 000 claquements de porte. Pour établir cette nouvelle batterie de tests, 240 composants ont été passés au crible, réétudiés et implantés au fil des générations de véhicules.

 

Une stratégie qui fait ses preuves

 

Une durée de vie prolongée aussi en matière de software avec la possibilité de réaliser des mises à jour logicielles sans que le conducteur n’ait à revenir dans le réseau : un million de véhicules ont ainsi été mis à jour à distance en 2021. Un nombre qui grimpe à 4,5 millions en 2024. Une fonction "Over the air" qui a permis également d’ajouter de nouvelles fonctionnalités, à l’image du One Pedal sur le Scenic.

 

Selon le constructeur, ce plan établi par la Qualité a permis de réduire le nombre de réclamations de l’ordre de 40 % entre 2021 et 2025, "voire plus puisqu’il y a une criticité plus importante pour nos clients. Nous réduisons l’incidentologie de 50 %", souligne Audrey Lointier.

 

"Dans les cinq dernières années, nous avons embauché des personnes issues d’autres constructeurs et nous avons un aperçu d’où en sont les autres. Sur le marché européen, ils en sont à 24 réclamations pour 1 000 véhicules : c’est vraiment la référence", précise le directeur de la Qualité. Le groupe espère abaisser cette limite à 10 réclamations pour 1 000 véhicules. 

 

Un métavers industriel au service de la qualité

 

Dans le domaine de la qualité, les usines du groupe revêtent une importance toute particulière. "Au-delà de la conformité de leur production, elles sont mises à contribution pour animer la qualité du véhicule au complet, en temps réel", soutient Audrey Lointier. Pour cela, ses équipes s'appuient sur le métavers industriel du groupe et sur les remontées de données en temps réel dans le cloud. Cela permet de rapidement détecter les incidents et les difficultés pour une plus grande réactivité.

 

Le métavers et les outils de captage d’information et de contrôle sur les lignes de production, notamment via un système de caméras relié à une intelligence artificielle, permettent par exemple de détecter des microdéfauts sur la peinture jusqu’à 0,2 millimètre ou encore de vérifier qu’un opérateur a bien branché les connecteurs.

 

 

Une méthode qui permet de retirer un grand nombre de défauts avant que le produit ne sorte de l'usine. En 2025, chacune des usines du groupe dans le monde sera en capacité de réaliser 500 points de contrôle opérationnels. Pour 2027, le groupe aspire à doubler ce nombre. Ces contrôles sont notamment focalisés sur les cas les plus rares.

 

Les données agglomérées dans le métavers industriel Renault sont transmises à l’échelle globale dans une tour de contrôle du groupe à Flins (78) et à l'échelle locale via des dashboards pour les différentes usines du constructeur - Palencia (Espagne). ©Renault 

 

Dans les process, l’IA est donc devenue incontournable. "À chacune des étapes, nous pouvons substituer l'humain qui, jusqu'à présent, était le seul à pouvoir détecter un défaut de bruit", explique Antoine Sillard, directeur qualité industriel de Renault depuis trois ans. "Les systèmes d'intelligence artificielle sont maintenant capables d'avoir une très grande finesse pour détecter des défauts que l'œil humain ne voit pas ou peut rater dans un cas sur mille ou sur dix mille unités."

 

D’autre part, chaque pièce est dotée d’un code VIN, un numéro d’identification gravé. Cela permet d’avoir une vision d’ensemble des pièces abîmées ou défectueuses et une traçabilité unitaire des éléments de fournisseurs sur chaque voiture. Une centaine de pièces sont ainsi référencées. Le groupe prévoit d’en référencer 300 d’ici 2027, majoritairement les éléments les plus à risque en terme de qualité, comme les airbags.

 

Dans ce souci de réactivité, les données agglomérées dans le métavers industriel Renault sont transmises à l’échelle globale dans une tour de contrôle du groupe à Flins (78) et à l'échelle locale via des dashboards pour les différentes usines du constructeur. Des données transcrites au travers de différents moniteurs. Notons qu’un moniteur peut aussi transmettre les réclamations clients dans le réseau, ce qui peut servir dans les usines pour les équipes ingénierie.

 

Les runs qualité

 

Pour s’assurer d’une qualité maximale, le groupe Renault a instauré dans ses process des "runs qualité" depuis la sortie de la Megane E-Tech. L'objectif est de maîtriser la qualité dès le moment du lancement d'un modèle. Quand le véhicule commence à être assemblé dans l’usine et que les clients ne l'ont toujours pas vu, il est mis à la route par le personnel avec des usages clients, différents des usages de validation.

 

Ces "runs" doivent permettre de provoquer des situations qui ne sont pas prévues ou anticipées par l’ingénierie. Car les essayeurs professionnels ont une façon de conduire les véhicules qui est différente de celle des clients. "Sur la Megane E-Tech, nous avons fait rouler 100 véhicules par 1 000 conducteurs différents", souligne Antoine Sillard. La logique est que chaque cas est le premier d’une série et qu’il faut avoir une solution.

 

 

En 2021, sur l’ensemble des lancements, les véhicules ont parcouru plus d’un million de kilomètres. En 2024, ce sont 500 véhicules qui ont parcouru un total de douze millions de kilomètres par 1 800 personnes. "Sur un modèle, nous essayons d’avoir au minimum 500 000 km roulés et le plus souvent, nous dépassons le million", explique Antoine Sillard.

 

Un suivi du véhicule après la commercialisation

 

Mais le véhicule n’est pas lâché en pleine nature après sa sortie de l’usine. Le groupe Renault a ainsi signé un partenariat avec des sociétés de remorquage et l’assisteur IMA en France et dans d’autres pays en Europe. Ainsi, en moins d’une demi-heure, les équipes qualité du constructeur peuvent être informées d’un incident, contre 30 jours auparavant, lors des demandes d’assurance ou de remboursement. C’est ainsi que Renault a pu être réactif fin 2024, lorsque des R5 ne parvenaient pas à démarrer à la suite d'un problème électrique. Les dépannages s'effectuent directement sur les sites du groupe en temps réel pour rectifier le tir au besoin.

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