L’inflation réglementaire est loin d’être terminée

En février 2024, Luca de Meo, alors patron de Renault et président de l’ACEA, appelait à un choc réglementaire et demandait la fin de l’empilement des normes. Mais ce vœu semble encore bien loin d’être exaucé.
"D’ici 2030, 107 nouvelles réglementations s’appliqueront, certaines pas encore définies", a expliqué François Provost, directeur général de Renault Group, à l’occasion de la Journée de la filière, le 4 novembre 2025, rappelant également que 25 % des ressources de l’ingénierie du constructeur étaient consacrées à la conformité réglementaire. Pour mieux faire comprendre la situation, le dirigeant a filé la métaphore sportive : "Pendant qu’à côté de nous, nos compétiteurs sprintent pour un 100 m, nous, nous enjambons successivement 110 m de haies."
Après des années 2024 et 2025 déjà bien chargées, avec notamment la mise en place du GSR 2 et de la norme Euro 6e‑bis, Jean‑François Defer, directeur réglementation et homologation de Renault Group, pointe un nouvel exercice intense pour ses équipes : "L’année 2026 sera dans la continuité des précédentes."

D’ici 2030, l’industrie automobile devra intégrer 8 à 10 nouveaux textes par an. ©PFA
En effet, selon un document de la Plateforme automobile (PFA), durant les douze prochains mois pas moins d’une dizaine de nouvelles réglementations seront à intégrer. Si l’on regarde jusqu’en 2030, ce sera entre 8 et 10 règles par an. On peut ainsi affirmer que la fin de l’empilement n’est pas pour tout de suite.
Début du marathon Euro 7
Mais retour en 2026. Durant l’année, plusieurs domaines seront impactés. Il y aura du nouveau pour les émissions, la sécurité, la connectivité, les batteries et l’économie circulaire. Alors que la norme Euro 6e‑bis devra s’appliquer à tous les modèles mis sur le marché le 1er janvier prochain, 2026 marque aussi le top départ pour la norme Euro 7. "C’est le début d’un gros morceau avec en particulier le démarrage de l’application de la norme Euro 7 à partir de novembre 2026 pour les homologations de nouveaux véhicules", explique Jean‑François Defer.
Une norme Euro 7 qui va demander plusieurs années pour être intégrée. Si le chapitre sur les émissions est relativement clair, celui sur les particules de freinage ne l’est pas encore complètement, malgré une application en 2026 pour les nouvelles homologations. Et celui sur les particules des pneumatiques ne l’est pas du tout car personne n’est encore d’accord sur la manière de réaliser les tests. "Le contrôle des particules de pneu ne devrait pas être une réalité avant 2028", estime Jean‑François Defer.
Toujours dans le cadre d’Euro 7 vont apparaître l’"on‑board monitoring", pour suivre en temps réel le niveau des émissions, et l’"anti‑tampering", un système empêchant de modifier et contourner des applications. Plus largement, cette norme Euro 7 pose la question du timing pour que les ingénieurs puissent faire leur travail.
"En avril‑mai 2025, nous avons reçu les premiers implementing acts pour travailler mais beaucoup d’éléments vont arriver très tardivement, explique Jean‑François Defer. Nous planifions et anticipons autant que possible pour éviter les embouteillages à l’homologation."
En 2026, les constructeurs ont aussi un objectif de réduction du bruit des modèles : 67/68 dB contre 70/72 dB aujourd’hui. Le différentiel est énorme malgré le faible écart chiffré. Certaines autres règles applicables s’attachent à l’évaporation (de l’essence notamment) ou encore au niveau des émissions des véhicules de plus de 3,5 t.
Le retour du GSR 2
Applicable depuis le 7 juillet 2024 pour tous les véhicules en vente dans l’Union, on se souvient de son impact sur les gammes des constructeurs et sur les embouteillages pour l’homologation, le GSR 2 revient en 2026.
Baptisée GSR 2.3 ou GSR 2‑C, cette nouvelle variante va mettre l’accent, à partir de juillet 2026, sur la distraction du conducteur (ADDW) et élargir le champ du freinage d’urgence (AEB). Après une première étape centrée sur les voitures, afin d’éviter ou réduire les impacts, le freinage d’urgence doit maintenant détecter les usagers vulnérables tels les piétons et les cyclistes.
Dans cette catégorie sécurité et connectivité, les véhicules vont devoir intégrer un nouvel eCall reposant sur la technologie 4/5G, contre 2/3G aujourd’hui. Dans la foulée des normes UN R155 et ISO/SAE 21434, applicables à tous les modèles depuis juillet 2024, la cybersécurité sera encore d’actualité en 2026 avec de nouvelles règles au sujet des mises à jour des logiciels. Le règlement européen Data Act va aussi avoir un impact sur les données générées par les véhicules.
Les batteries sous surveillance
2026 lance aussi le règlement sur les batteries qui se déploiera en plusieurs étapes. Il y aura, par exemple, une modification sur les tests d’autonomie avec notamment des mesures qui devront être faites à ‑7 degrés. Les batteries devront également être "labélisées" pour que le client ait accès à certaines informations, mais aussi donner un indice de durabilité et de performance. Les accus devront conserver au moins 72 % de leur capacité après 8 ans ou 160 000 km.
Puis viendra, en 2027, le 18 février pour être précis, le passeport batterie pour les véhicules électriques. Quant au recyclage des matériaux, il va également être strictement encadré. Ainsi, dès 2027, les fabricants devront pouvoir récupérer 90 % du cobalt et du nickel et 50 % du lithium contenus dans les batteries. L’étape suivante, en 2031, portera ces taux à 95 et 80 %.
L’Europe voulant qu’une filière se structure afin de pouvoir utiliser davantage de matériaux recyclés dans les futures productions. Ainsi, en 2036, chaque batterie produite en Europe devra contenir 26 % de cobalt, 15 % de nickel et 12 % de lithium recyclés.
Geler les normes pour limiter la hausse des prix ?
Logiquement, toutes ces réglementations ont un coût, plus ou moins important qu’il s’agisse d’une nouvelle homologation ou d’une application à un type existant. Mais toujours est‑il que cette inflation réglementaire rend les véhicules plus chers.
Pour renouer avec des modèles plus abordables, notamment les petits véhicules électriques, les constructeurs souhaitent une pause voire un gel des normes dans certains cas. François Provost a ainsi indiqué, lors de la Journée de la filière, qu’il serait souhaitable, pour favoriser l’émergence d’une catégorie de petites voitures électriques accessibles, "de geler pendant 10 ou 15 ans la réglementation, parce que cela nous donnerait le temps de pouvoir vraiment optimiser les coûts, parce que l’objectif reste de rendre les véhicules abordables".
Les voitures bon marché ont effectivement disparu des radars depuis bien longtemps. Selon une étude conjointe de l’Institut mobilités en transition (IMT) et du cabinet d’analyse C‑Ways, le prix moyen d’un véhicule neuf en France a bondi de 6 800 euros entre 2020 et 2024, passant d’environ 28 000 à 35 000 euros.
Mais l’étude souligne aussi que la réglementation environnementale n’est pas la principale responsable de cette hausse, plus de la moitié étant le fruit de décisions volontaires des constructeurs.
Comme dans presque tous les domaines, l’heure est à la recherche d’un subtil équilibre entre ce qui est indispensable et superflu. Voilà tout le défi qui attend les législateurs et les constructeurs. Les diverses réglementations ne sont pas les causes principales de la mauvaise santé actuelle de l’industrie automobile, mais leur nombre toujours plus important n’aide pas.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.
