Les voitures sans permis disent merci à l’Ami
Existe‑t‑il une recette magique pour un succès commercial ? Certains affirment que oui, à condition de réunir ces ingrédients et de les doser avec précision : un produit qui répond aux attentes du marché, une bonne communication pour bien le commercialiser et, surtout, le lancer au bon moment.
Pour Citroën, les planètes étaient donc alignées, lorsque la marque a mis sur le marché l’Ami en mai 2021, juste à la sortie de la pandémie. Dans un contexte où le besoin de mobilité individuelle était fort, à quoi s’est superposée la menace de l’interdiction de circuler en ville avec le déploiement des sévères ZFE, cet objet roulant non identifié a tout de suite rencontré son public.
Quatre ans plus tard, son succès est toujours aussi fort. Depuis son lancement, l’Ami s’est vendue à près de 50 000 unités et est commercialisée dans 14 pays. Pour répondre à la demande, Stellantis a augmenté les capacités de production de son usine au Maroc, d’autant plus que l’Ami est également déclinée sous les blasons Opel (Rocks Electric) et Fiat depuis peu (Topolino).
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Surtout, l’Ami a révolutionné le marché du véhicule sans permis (VSP), appelé aussi celui du quadricycle léger. "Entre 2012 et 2019, les ventes de ces véhicules étaient assez stables, indique Alain Le Gouguec, chef de produit Ami chez Citroën. Les immatriculations tournaient autour de 13 000 exemplaires annuels en France, qui est d’ailleurs le premier marché pour ces produits."
En 2021, année de lancement de l’Ami, elles ont bondi à 23 000 unités, "dont 6 000 Ami", précise Alain Le Gouguec et elles ont fini en 2023 à 26 000 exemplaires. "L’Ami a effectivement apporté un coup de projecteur très important sur notre marché", commente Tom Faget, directeur commercial France et Europe du Sud d’Aixam. "Citroën a mis sur la table des moyens de communication que nous n’avions pas, poursuit François Ligier, président du groupe éponyme, et a également profondément fait évoluer l’image de nos produits."
Trois leaders
Voici les chiffres : en 2023, sur le marché français, Aixam a conservé sa place de leader avec 9 830 immatriculations, soit une pénétration de 39 %, mais le constructeur est suivi de très près par Citroën et ses 9 639 unités (37 %). Sur la troisième marche du podium, les marques du groupe Ligier ont représenté 5 343 immatriculations (21 %). À eux trois, ces acteurs ont concentré 97 % de part de marché.
L’Ami s’est donc offert une place de choix dans un marché auparavant très sage et a fait bouger les lignes. Dans le détail, "77 % des clients sont des familles avec un ou deux adolescents et 42 % des utilisateurs ont moins de 18 ans", présente Alain Le Gouguec. Chez Aixam, dont les produits sont plus chers, la proportion est moindre.
"Les moins de 18 ans représentent environ 25 % de nos ventes, indique Tom Faget. Nous observons une profonde évolution de la clientèle qui est aujourd’hui plus jeune et surtout active." "Ce qui n’empêche que la clientèle traditionnelle de nos produits est toujours présente", souligne François Ligier.
Mais concernant le profil "géographique", tous les acteurs observent que les acheteurs de VSP vivent en en grande majorité dans les zones rurales ou périurbaines, "là où l’offre de transports en commun est faible, voire inexistante, précise Alain Le Gouguec. 70 % des clients font moins de 25 km par jour."
La distribution évolue également. Citroën a été encore une fois disruptif avec, dès le lancement, un partenariat avec la Fnac et Darty, dans le but de toucher une nouvelle clientèle. Une stratégie qui n’a pas été au goût du réseau et qui n’a pas été, du moins en termes de volume, très concluante.
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Aujourd’hui, les deux enseignes ne représentent que 5 % des immatriculations contre 10 % au lancement. Mais Alain Le Gouguec ne veut pas balayer d’un revers de la main cette approche. "Ces partenariats nous ont permis et nous permettent encore de toucher une toute nouvelle clientèle, indique‑t‑il. Au lancement, 80 % des acheteurs d’Ami n’étaient pas clients de Citroën."
Malgré un lancement qui a donc contrarié le réseau, les répartitions des canaux de vente se sont assez vite mises en place et sur certains points, sont très conventionnelles : 55 % des achats se font en ligne et 40 % dans le réseau.
65 % des transactions sont autofinancées et les livraisons sont couvertes par le réseau dans 85 % des ventes, les 15 % restants se faisant à domicile. Bref, on commande une Ami majoritairement en ligne, "car la gamme du véhicule est simple", note Alain Le Gouguec, mais on va la chercher chez le concessionnaire.
Une distribution en pleine croissance
Face à ce dynamisme, le VSP intéresse de plus en plus les distributeurs automobiles généralistes, Cavallari, De Willermin, Chopard, l’ex‑groupe Dugardin, pour ne citer que ces opérateurs, disposent tous dans leur portefeuille des marques de quadricycles légers.
Chez Aixam, la distribution est partagée à parts égales entre les spécialistes et les concessionnaires automobiles, tandis que la proportion en faveur des spécialistes est plus importante (70 %) chez Ligier. Mais d’autres entrants, comme l’espagnol Silence ou le suisse Microlino, travaillent uniquement avec des concessionnaires.
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Dans le détail, Ligier dispose d’un réseau de 200 points de vente détenus par 150 investisseurs pour un volume, selon la taille du showroom et la région, entre 60 et 200 véhicules par an et autant en occasion.
"C’est un produit qui demande beaucoup d’accompagnement et une forte implication de la part des équipes commerciales, insiste François Ligier qui a mis en place des standards de distribution, appelés Ligier Store, proches dans l’esprit de ce qui existe dans l’automobile. Les marges sont bien entendu plus importantes que celles sur le véhicule particulier, mais les volumes ne sont pas comparables car, malgré la très forte progression des ventes, nous restons un marché de niche."
Un marché désormais segmenté
L’arrivée de l’Ami a non seulement dynamisé le secteur, mais il l’a également segmenté. Traditionnellement, les acteurs de la voiture sans permis proposaient des offres, principalement thermiques, entre 10 000 et 20 000 euros pour donner une fourchette très large. Citroën s’est démarqué avec un véhicule beaucoup plus sommaire, mais électrique, produit en dehors de la France, ce qui lui a permis de le lancer à un tarif inférieur à 8 000 euros.
Quatre ans plus tard, les autres acteurs, comme Silence ou Microlino, débarquent eux aussi avec des véhicules électriques, mais sur le haut du marché ; le tarif le plus élevé de la Microlino est… 22 990 euros !
Un prix probablement trop important, car les ventes ne décollent pas, alors que les ambitions de l’importateur belge D’Ieteren étaient d’écouler 2 000 à 3 000 unités par an. "Nous ne cherchons pas à concurrencer l’Ami et nous ne commercialisons pas des modèles de ce type, d’autant plus que nous produisons en France et non pas au Maroc comme c’est le cas pour l’Ami", indiquent chacun de leur côté Aixam et Ligier qui s'appuient de plus en plus sur le financement pour proposer des mensualités attractives.
"Nous avons un partenariat avec CACF et nous observons un taux de financement de 30 % avec une très forte progression du leasing", constate Tom Faget. À titre d’exemple, Aixam propose le modèle Minauto électrique à partir de 70 euros/mois (avec un premier loyer de 3 500 euros).
40 000 immatriculations en France
Dans ce contexte, tous les acteurs sont confiants dans l’avenir. "Nous estimons que le marché du quadricycle léger va atteindre les 30 000 unités en 2024", indique Tom Faget qui souligne qu’en dix ans, le groupe Aixam a doublé ses ventes.
Le constructeur a d’ailleurs mis les bouchées doubles pour accompagner cette croissance, puisqu’il ouvrira en septembre une deuxième usine, dans la région de Lyon (69). "Ce nouvel outil nous permettra de passer de 20 000 jusqu’à 30 000 unités par an", présente Tom Faget.
"On estime qu’en 2030, le marché du quadricycle léger sera en Europe de 80 000 exemplaires dont la moitié en France, indique François Ligier. On pense que l’arrivée de nouveaux acteurs, notamment la Mobilize Duo (remplaçante du Renault Twizy, NDLR) et la disparition progressive des constructeurs automobiles sur le segment A pourraient booster les ventes de quadricycles légers qui répondent à des besoins de mobilité. On voit bien que les constructeurs automobiles se cherchent sur ce sujet et que le partenariat entre Nissan et Silence en est une illustration." De son côté, Citroën compte bien atteindre les 100 000 exemplaires de son Ami d’ici 2028.
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L’Ami fait peau neuve pour ses quatre ans
Pour fêter les quatre ans de l’Ami, Citroën fait évoluer sa gamme. La marque propose désormais une nouvelle couleur, le Night Sepia (entre marron et gris, selon le constructeur), qui remplace le bleu originel de l’Ami. Elle sera disponible sur toute l’offre. Une version haut de gamme, appelée My Ami Peps, apparaît également au catalogue. Elle intègre des stickers spécifiques et des enjoliveurs noirs autour des projecteurs.
Enfin, la déclinaison utilitaire évolue en profondeur. L’Ami Cargo garde le siège passager, ce qui n’était pas le cas sur l’ancienne version, et intègre un kit modulable de conversion qui permet un espace de chargement optimisé, tout en gardant la possibilité de transporter un passager.
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