Le réquisitoire de Jean-Dominique Senard contre Bruxelles

Le fils de diplomate a-t-il perdu son flegme ? Lors d'un déjeuner organisé par la Plateforme de la filière automobile, Jean-Dominique Senard, président de Renault, a dressé le tableau de la "nouvelle donne" internationale de l'industrie automobile. S'il n'a pas voulu verser dans la dramatisation en parlant de "défis enthousiasmants", il n'a toutefois pas dissimulé son vif agacement en évoquant l'action de l'Union européenne ces dernières années.
Il a tout juste concédé "un premier pas dans la bonne direction" après les annonces de la Commission européenne prête à flexibiliser le calcul des normes CAFE. Il a aussitôt rappelé que cette disposition n'était pas encore votée… Bien que Jean-Dominique Senard reconnaisse qu'il y a une "prise de conscience", il se méfie encore des turpitudes des institutions européennes. "Nous regrettons que le débat n'ait pas eu lieu avant", a-t-il lancé.
"Aucune analyse d'impact sérieuse"
Mais le passif est lourd… Devant un parterre de patrons de la filière, tout acquis à sa cause, il a redit que l'Europe avait précipité le calendrier de la décarbonation. "Nous espérions maintenir les hybrides jusqu'en 2040 (...), la décision de 2035 a été prise sans aucune analyse d'impact sérieuse. Nous n'avions pas les minerais, nous dépendions de la Chine pour les batteries", a-t-il déploré.
Jean-Dominique Senard s'est surtout livré à un exercice d'explication de sa vision des cinq révolutions industrielles en cours qui ont la particularité de "ne pas être séquentielles mais cumulatives : la nécessaire décarbonation (...), la transformation de la chaîne de motricité, la révolution numérique et l'avènement de l'IA, la révolution des usages et l'accélération des contraintes d'un contexte politique mondial".
Pour le patron de 72 ans, les événements récents ne sont qu'une suite d'épisodes commencés bien plus tôt. Le protectionnisme de Donald Trump ? Joe Biden l'avait initié avec l'IRA, le plan qui devait stoppé l'inflation mais qui n'était rien d'autre qu'un ensemble de mesures protectionnistes, selon Jean-Dominique Senard. Il estime que le péril est grand pour toute l'industrie automobile, puisque 40 % de la production mondiale est destinée à l'export.
La Chine ne vogue pas vers le "100 % électrique"
C'est dans ce contexte que l'Europe s'est donc "réveillée". Mais le patron de Renault souhaite qu'elle aille plus loin que le "premier pas" sur la flexibilisation des normes CAFE. Il a remis sur la table le projet de "neutralité technologique", rappelant que la Chine avait fait le choix du multiénergie. Quant à ceux qui pensent que la Chine se dirige droit vers le 100 % électrique, il renvoie au phénomène des range extender qui explosent en Chine et "nuancent sérieusement cette trajectoire vers le 100 % électrique".
Jean-Dominique Senard espère que l'Europe avancera sur une réglementation plus globale sur le cycle de vie complet des technologies, c'est-à-dire du puit à la roue. Il a néanmoins reconnu que la voiture 100 % électrique était et restait le moyen le plus efficace de décarboner la mobilité. En ajoutant : "L'Europe doit se souvenir que la filière a de plus en plus besoin d'être soutenue".
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