Ivan Segal, Renault : "La hausse de nos valeurs résiduelles permet de lisser l'augmentation des tarifs"
Journal de l'Automobile : Comment se dessine le bilan commercial de Renault en France en 2022 ?
Ivan Segal : Renault a clairement connu une augmentation de son business model et nous avons bien sûr continué sur notre stratégie de mettre les produits au bon prix et dans les bons canaux. Ainsi, alors que le canal des particuliers a baissé de 3 % environ sur le marché global, Renault y enregistre un bond de plus de 15 %. Mais surtout la marque détient désormais plus de 16 % de parts de marché sur ce canal et gagne ainsi 2,6 points par rapport à la fin 2021. Si nous considérons également la marque Dacia qui détient 15,7 % de part de marché également, nos deux marques détiennent presque 32 % de ce canal.
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J.A. : Comment a évolué la part des ventes de véhicules électrifiés dans votre volume global ?
I.S. : Nous avons pris beaucoup d'avance sur le marché dit vert. D'ores et déjà, 44 % de de nos ventes VP concernent ces motorisations électrifiées. Nous sommes donc leader de ce marché, devant Toyota. Quand nous aurons amorti toutes nos solutions technologiques, que nous pensons être les bonnes, nous pourrons reprendre des parts de marché rentables. Notre objectif pour 2023 est de détenir 50 % de ce marché.
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J.A. : Le troisième axe stratégique de la marque est de déplacer son centre vers le segment C. Quels sont les résultats ?
I.S. : Les trois modèles qui nous permettent de reprendre pied sur ce segment plus rémunérateur sont désormais lancés. Nous avons commencé par Arkana qui est désormais le SUV le plus vendu à particulier en 2022 (NDLR : 27 940 immatriculations sur 11 mois). Ces ventes progressent sur le marché des flottes surtout dans la motorisation full hybride qui est la solution la plus adaptée pour ces clients. De son côté, Megane E-Tech a dépassé les 13 000 immatriculations à fin novembre. Depuis son lancement, en mai 2002, elle se place même en tant que leader du marché électrique. Nous enregistrons beaucoup de conquête sur des modèles concurrents en PHEV et sur le segment des premium. Enfin, Austral, qui vient d'être lancé officiellement, démarre très fort en commande. Près de la moitié d'entre elles se fait sur le haut de gamme et la clientèle se révèle plus jeune. Une fois le lancement bien établi, nous pensons gagner dix points de part de marché sur le segment C.
J.A. : La pénurie des semi-conducteurs continue de sévir et de pénaliser la production automobile. Voyez-vous le bout du tunnel pour 2023 ?
I.S. : Toute l'année 2022, nous avons subi des problèmes d'approvisionnement en semi-conducteurs. Nous estimons que nous avons en portefeuille entre 3 et 4 mois de vente et nous ne pensons pas que l'amélioration interviendra avant la fin de l'année 2023.
J.A. : Votre stratégie Fast Track de livraison garantie sous 30 jours vous permet-elle de limiter les délais ?
I.S. : Ce dispositif de priorisation d'affectation se poursuit mais pour l'instant nous ne l'avons proposé que sur Arkana et Captur. Nous regardons pour le déployer de manière plus vaste car il est vrai que ce délai garanti de 30 jours pour la livraison est un élément déclenchant de la vente. Mais cette décision nécessite de revoir nos process. Nous discutons ainsi avec le réseau pour une mise en commun de tous les modèles disponibles. Nous avons cette réflexion pour être plus "collectif" mais la crise du transport pourrait rendre cette possibilité difficile à exécuter. En revanche, nous allons assurer pendant les six premiers mois de lancement d'Austral une priorité pour ne pas perdre de vente pendant un lancement.
J.A. : Quelle organisation mettez-vous en place pour contrer cette crise supplémentaire sur la logistique ?
I.S. : Nous avons décidé de mettre en place des schémas de transport à partir de notre réseau de distribution pour permettre de compenser cette crise qui a démarré en juin 2022 et qui empêche nos fournisseurs traditionnels, les logisticiens, de remplir leur mission. Nous avons demandé à nos partenaires distributeurs d'aller sourcer des transporteurs locaux. Et nous aidons financièrement le réseau dans ce cadre. Entre 15 à 20 % des livraisons sont aujourd'hui gérées par le réseau.
J.A. : Comment évolue la rentabilité du réseau Renault en cette fin d'année ?
I.S. : Le réseau a réalisé un bonne année, notamment grâce au VO. Globalement, la rentabilité du réseau devrait être supérieure à 1 % sur un chiffre d'affaires en progression. La relation choisie avec notre réseau est bonne.
J.A. : L'inflation qui sévit dans notre pays et en Europe renchérit le prix des véhicules. Comment ont évolué vos tarifs et quelle répercussions sur les carnets de commande pourrait avoir cette hausse ?
I.S. Il nous est effectivement impossible de ne pas répercuter tous les effets amont de l'inflation et les absorber. Mais nous essayons de ne pas raisonner uniquement en termes de hausse de prix mais plutôt à partir de la mensualité payée par le client. Nos valeurs résiduelles progressent, ce qui permet de lisser l'augmentation des prix. D'ailleurs, notre renouvellement des produits, tout comme l'assainissement de nos ventes dans des canaux rentables, nous aident dans cette politique. En fait, nous profitons d'une situation sur un marché sans guerre de prix entre constructeurs pour remettre de la valeur. De plus, nous avons également des réflexions sur la baisse des remises ou sur le fait de maintenir ou non les primes pour les reprises de véhicules. Tout ce qui contribue à maintenir les valeurs résiduelles va nous permettre de proposer des mensualités plus accessibles.
J.A. : Sur quel niveau de marché travaillez-vous pour 2023 ?
I.S. Il faut être très prudent sur nos estimations mais si nous parvenons à livrer nos portefeuilles de commandes, nous pouvons envisager un marché de 2,2 millions de véhicules (particuliers et utilitaires) dont 1,9 en VP seuls.
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