Louis-Carl Vignon, Ford : "Notre réseau a une vraie valeur ajoutée"
Journal de l'Automobile : Dans un marché en baisse de 7,8 %, Ford est l’une des rares marques à progresser avec une augmentation de 7,6 % de ses immatriculations. Quelles sont les raisons de ce succès ?
Louis-Carl Vignon : Avec 47 095 immatriculations, nous avons effectivement réalisé une très bonne année, notamment sur le canal le plus rentable, celui des particuliers. Il a représenté une part de marché de 3,7 %, alors que sur le marché global, nous sommes à 3,3 %. Ce canal a couvert 53 % de notre mix, bien au-dessus de la moyenne du marché. Par effet mécanique, la part des ventes à professionnel s’est contractée à 29 %.
Ces résultats sont l’illustration de la stratégie de Ford France que nous avions présentée au réseau il y a tout juste un an. A savoir privilégier les canaux les plus vertueux que sont les particuliers et pour les professionnels, les artisans, les professions libérales ou les TPE-PME. En parallèle, nous disposons d’une offre complète avec notamment une gamme de SUV récente et plébiscitée par les clients. Cette carrosserie représente d'ailleurs 75 % de nos ventes alors que le marché est à 45 %.
J.A. : Quel est le modèle le plus vendu au sein de votre gamme ?
L.-C.V. : Le Puma. Avec 20 511 unités, il est devenu le numéro des ventes de chez Ford. Il est passé devant la Fiesta dont les ventes sont trois fois moins importantes que celles de notre bestseller. Surtout, le Puma est non seulement un véhicule de conquête avec un taux de 60 %. Mais c’est également un modèle de renouvellement. Les clients possesseurs de Fiesta, de Focus, voire de Kuga, renouvellent avec un Puma.
"Les ventes de modèles E85 représentent 70 % de notre mix"
J.A. : Dans quelle mesure votre offre E85 participe aux bons résultats de Ford ?
L.-C.V. : Depuis son lancement en été 2021, c’est une stratégie, dont la filiale française est à l’origine, qui porte ses fruits. Aujourd’hui, les ventes de modèles E85 représentent 70 % de notre mix. Et elles ne vont cesser d’augmenter puisque pour les prises de commandes, le taux grimpe à 80 %. Trois modèles à fort volume sont dotés de la biocarburation, à savoir le Puma et le Focus en mild hybrid, et le Kuga en hybride rechargeable.
Cette offre sur laquelle nous sommes les seuls, excepté Jaguar Land Rover, nous a permis de nous renforcer auprès des particuliers, mais également des professionnels. Ces derniers voient dans cette énergie une véritable alternative au diesel. Nous sommes d’ailleurs allés au bout de la démarche, car nous avons supprimé le diesel de notre portefeuille, sauf sur la Focus.
J.A. : Quelle est la part de marché de Ford sur le marché du véhicule utilitaire ?
L.-C.V. : Dans un marché en baisse de 19,5 %, Ford baisse de 7,6 %, à 27 123 immatriculations. Surtout, nous sommes la première marque importée. Notre part de marché de 7,8 % est la meilleure depuis plusieurs décennies. On peut même parler de part de marché historique ! Notre pick-up est par exemple leader depuis huit ans d’affilée. 2022 a été une année très riche en actualité. Nous avons lancé le E-Transit, le Ranger Raptor et surtout, notre offre Ford Pro en mars dernier. Il s'agit d'un guichet unique qui offre à nos clients tous les services dont il a besoin avec notamment un focus sur les solutions de recharge et les logiciels de gestion de flotte.
En outre, nous avons eu les produits disponibles pour nos clients que sont les artisans, notre cœur de clientèle. Enfin, nos produits se rapprochent des prestations d’un véhicule particulier en termes de confort. Et notre politique de personnalisation, avec notamment les versions Sport ou Trail, séduit beaucoup. Elles représentent 20 % de notre mix. Nous avons également réalisé un très gros travail en amont avec les carrossiers. A titre d’exemple, Ford couvre 40 % de part de marché sur le transport de personnes à mobilité réduite.
J.A. : Quelle est la situation du réseau ?
L.-C.V. : Le réseau est composé de 226 concessions dirigées par 46 investisseurs. En parallèle, Ford reste le premier réseau pour les marques importés avec 350 agents. Certes, notre réseau était de 450 agents il y a trois ans. Mais en parallèle, nous disposons de 600 Motocraft et cette enseigne ne fait que progresser. Il s’agit d’ailleurs de la troisième franchise derrière Motrio et Eurorepar.
J.A. : Quelle rentabilité peut-il attendre ?
L.-C.V. : En 2022, la rentabilité moyenne du réseau sera de 1,5 %. C’est un excellent résultat (à comparer au 0,5 % en 2021, NDLR) et surtout, je ne vois pas de différence de rentabilité entre les grands groupes ou des opérateurs de plus petite taille.
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J.A. : Quelle est la stratégie de Ford concernant les futurs contrats de distribution ?
L.-C.V. : La vision de Ford est de faire passer le réseau vers le contrat d’agent commercial. Mais pas à n’importe quel prix. Nous avons une approche très pragmatique et notre stratégie est simple : nous estimons que le réseau a une vraie valeur ajoutée car les collaborateurs sont intégrés dans la vie locale. C'est eux qui sont sur le terrain, qui connaissent leurs clients, leur territoire. En outre, j’estime que les plus importants changements se feront non pas chez le concessionnaire, mais chez le constructeur.
"Nous estimons que le réseau a une vraie valeur ajoutée car les collaborateurs sont intégrés dans la vie locale."
J.A. : Une date est-elle prévue pour basculer vers le contrat d’agent ?
L.-C.V. : A partir du 1er mars de cette année, les Pays-Bas passeront sous ce nouveau régime. C’est un marché parfaitement adapté pour un test car il est fortement électrifié, la gamme est plus simple et l’activité flotte y est très importante. Le premier marché avec de fort volume sera l’Allemagne, en 2025. Pour la France, le calendrier parle de 2026.
J.A. : Quel est le plan produit à court terme ?
L.-C.V. : D’ici deux ans, nous allons lancer sept nouveaux modèles 100 % électriques, aussi bien en VP qu’en VU. Et sur cette même période, si j’additionne toutes les nouveautés, y compris les restylages ou les déclinaisons de modèles existants, ce sont 21 modèles qui vont arriver dans les showrooms. En 2025, nous visons les 60 000 immatriculations et nous nous sommes engagés à ce que le mix 100 % électrique représente une vente sur deux pour passer à 100 % en 2030.
J.A. : Estimez-vous que le marché est mûr pour passer à l’électrique ?
L.-C.V. : Lorsque je vois que les grandes campagnes d’investissements dans les infrastructures, notamment celles réalisées par les compagnies d’autoroute pour équiper leurs aires services en bornes de recharge, je me dis que nous sommes en train de basculer. Une grande compagnie concessionnaire d’autoroutes estime d’ailleurs qu’à la fin de la décennie, le parc de véhicules électriques sera de 15 millions d’unités.
Aujourd’hui, les clients ne parlent plus d’autonomie, mais de rapidité et de disponibilité de recharge. En outre, la location longue durée est un outil parfaitement adapté pour l’électrification du parc automobile. Elle permet de générer du véhicule d’occasion électrique, ce qui au final, assure une plus grande accessibilité des modèles et de prolonger leur cycle de vie.
"Nous proposerons donc d’un modèle d’entrée de gamme, positionné sous le Puma, qui sera disponible, du moins dans un premier temps avec un moteur thermique et un peu plus tard, dans une déclinaison 100 % électrique."
J.A. : Ford a présenté sa nouvelle stratégie produit, à savoir la fin des berlines, notamment de la Fiesta. Quelles réponses apportez-vous au réseau qui craint de perdre des clients ?
L.-C.V. : D’un point de vue macroéconomique, le segment A est en train de disparaître, et le B, celui de la Fiesta, tend à diminuer, du moins dans de nombreux pays d’Europe. Lorsque nous avons arrêté les modèles du segment A, la Ka et la Ka+, le réseau a regretté de ne plus avoir de modèles d’entrée de gamme. Mais ni lui ni nous, constructeur, ne gagnions de l’argent sur ce segment. Le temps où la Fiesta représentait 50 % de nos volumes est révolu.
Aujourd’hui, comme nous l’avons vu, c’est le Puma qui l’a remplacé et le SUV représente encore une fois 75 % de nos ventes. Pour autant, Ford doit rester une marque à volume. Nous proposerons donc d’un modèle d’entrée de gamme, positionné sous le Puma. Il sera disponible, du moins dans un premier temps avec un moteur thermique et un peu plus tard, dans une déclinaison 100 % électrique.
J.A. : Cela suppose une réorganisation de la gamme ?
L.-C.V. : Effectivement. Notre offre sera organisée autour de quatre piliers qui seront à chaque fois représentés un modèle iconique européen ou américain. Le premier « Wild Performances » inclura tous les modèles de la famille Mustang. Le second « Urban Escape » intégrera les modèles type Puma ou Kuga. Le troisième « Active Adventure » portera sur l’Explorer. Enfin, le quatrième s’appuiera sur le Bronco et le Raptor.
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