Comment la pandémie a structurellement transformé le marché automobile français
Si de nombreux secteurs sont parvenus à remonter la pente après la pandémie, l’automobile semble se conforter dans un nouveau standard. AAA Data vient de publier une étude intitulée Bilan 2024 : caractéristiques, parcours d’achat et prospectives, menée par Giulio Vannelli, chargé d’études. Le document décrypte l’année 2024 pour dégager une tendance pour 2025 et au-delà. Depuis 2021, le marché automobile français subit une traversée du désert caractérisée par une période de stagnation.
Ainsi, en 2024, 1,72 million de voitures particulières neuves ont été immatriculées, en légère baisse par rapport à 2023 où les immatriculations s'établissaient à 1,77 million d’unités. Mensuellement, les volumes post-pandémie se situent autour des 140 000 véhicules, soit 30 000 de moins qu’avant la crise sanitaire où le volume tournait autour de 170 000 unités par mois. En partant de ce constat, AAA Data estime qu’un retour à un niveau d’avant-crise est inatteignable à "court terme". Selon l’étude, ce changement ne peut plus être imputé à la crise de la Covid, mais à "un changement structurel dans l’équilibre entre l’offre et la demande".
Source : AAA Data
Plus de VO et moins de VN
L’un des points de mutation majeurs du marché réside dans l’engouement pour l’achat de véhicules d’occasion. Ainsi, le document évoque un lien "hystérique" entre le marché du neuf (VPN) et celui du véhicule d’occasion (VPO). Pour AAA Data, l’année 2020 a marqué une rupture et un point de non-retour avec une chute drastique des VN de 25 %, contre seulement 3 % pour les VO. Ainsi, pour un VPN vendu en 2021, il se vendait 3,5 VPO. Trois ans plus tard, le ratio n’a fait qu’augmenter avec 5,35 millions de VPO mis à la route contre 1,72 VPN immatriculés. D’après le document, cette reconfiguration ne signifie pas la "fin de la voiture" mais une redéfinition du rapport entre l'offre de VPN et de VPO.
AAA Data met en lumière plusieurs facteurs qui expliquent l’engouement post-Covid pour le véhicule d’occasion. La plus évidente étant l’orientation vers les véhicules à faibles émissions des constructeurs qui les pousse à proposer une offre sur des segments aux prix et aux marges plus élevés. Selon l’organisme, la pandémie a eu l’effet d’un "catalyseur et d’un amplificateur, abaissant le besoin de transport à court terme, augmentant la charge financière des acheteurs".
L'organisme relève les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement, en proie aux crises des semi-conducteurs, de processeurs ou de matière première, entre la fin d’année 2021 et 2023. Cela a eu pour effet de rallonger les délais de livraison, d'impacter la capacité de fabrication et les prix des voitures. Enfin, les aides gouvernementales de cinq milliards d’euros à partir de 2023 pour les véhicules électriques ont certes soutenu le marché du neuf, mais elles n’ont un effet que sur le court terme.
Source : AAA Data
Une transition vers l’électrique au ralenti
Dans le changement de paradigme pour le marché automobile, la question de l’électrification concentre tous les intérêts. Pour preuve, 60 % des immatriculations en 2024 concerneraient un véhicule électrique ou hybride. Représentant 17 % des immatriculations, les véhicules à batterie ont connu une progression de 71 % entre 2021 et 2024. Une forte augmentation qui reste toutefois à relativiser puisque les modèles essence restent "très populaires" constate AAA Data. En effet, ces derniers, malgré un déclin de 23 % en trois ans, maintiennent une part de marché conséquente de 30 %.
De leur côté, les véhicules hybrides rechargeables n’ont augmenté que de 3 %. Une croissance mitigée qui s’explique par un prix médian particulièrement élevé à 72 000 euros en 2024 contre 52 000 euros pour les véhicules électriques et les hybrides non rechargeables. Les véhicules électrifiés ont donc encore du chemin à faire pour dominer le marché. Néanmoins, il reste la barrière des "incertitudes" en ce qui concerne leur usage qui pousse les consommateurs à adopter une posture attentiste. Auprès des professionnels, les particuliers préfèrent ainsi se diriger vers des VE d’occasion pour une question de garantie, assure l’organisme.
Source : AAA Data
La taille des véhicules en forte augmentation
En matière d’environnement, il est conseillé d’acheter des véhicules légers. Or, à l’ère des SUV, les consommateurs s'orientent toujours plus vers des véhicules de grande taille. Ainsi, les ventes de voitures urbaines – de segment A – se sont effondrées de 40 % en trois ans, tandis que les D-SUV ont connu une croissance spectaculaire de 75 %. Pour rappel, les SUV représentent ainsi près de la moitié du marché en 2024 avec 22 % de C-SUV, 18 % de B-SUV et 8 % de D-SUV.
Pour répondre à cette forte demande, les constructeurs ont donc augmenté leur offre de véhicules de grande taille. En effet, l’offre de D-SUV, entre 2017 et 2024, a augmenté de 148 %. AAA Data précise que cette orientation du marché est poussée par "la recherche de confort, de sécurité perçue, d’espace et de polyvalence". La voiture étant désormais davantage orientée comme un espace d’agrément et d'infotainment.
Source : AAA Data
Des prix en hausse
Des véhicules plus imposants et une offre qui s’électrifie naturellement, cette situation implique une augmentation du prix médian des véhicules électriques. Par conséquent, celui-ci a augmenté de 30 % de 2017 à 2024, atteignant 45 000 euros et le prix moyen est grimpé de 33 % se situant à 53 000 euros. AAA Data, dans son étude, compare cette augmentation à celle de l’indice des prix à la consommation qui ne s’est hissé que de 21 % sur la même période. Pour AAA Data, la voiture devient dorénavant un bien de luxe.
Source : AAA Data
Source : AAA Data
Les raisons de cette augmentation relèvent avant tout d’une "dynamique inflationniste pure" indique l’organisme, mais aussi d'un effet de composition via une augmentation de l’offre de modèles plus coûteux. Mais pour AAA Data, la tendance tend à s'atténuer à mesure que la production de véhicules à batterie (BEV) se développe. L’étude précise que les BEV et les MHEV sont les seules motorisations à connaître une décroissance.
Cette hausse des prix implique donc un changement dans les modes de financement sur le marché des véhicules neufs. Seuls 28 % des véhicules électriques à batterie ont ainsi été vendus en direct. Ainsi, le leasing est devenu la première forme de financement sur ce marché en 2024 en représentant 63 % des immatriculations en 2024. Depuis 2021, les ventes directes ont reculé de 16 % en trois ans.
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