Marché des voitures électriques : anatomie d'une chute
Le ralentissement des ventes de véhicules électriques, notamment en Europe au premier semestre 2024, a surpris les constructeurs automobiles qui ont beaucoup misé sur cette technologie. Il s'agit d'un véritable revers puisque jusque fin 2023, ce marché était encore réputé dynamique, soutenu par le développement des infrastructures de recharge et les politiques incitatives à l'achat de véhicules électriques. Le désengagement de l'Allemagne, fin 2023, en matière de prime à l'achat, a été le principal signal à la baisse du marché.
Le Bonus fait 40% des ventes
Car si l'on en croit une récente étude de France Stratégie, les incitations financières mises en place par les Etats ont significativement soutenu la croissance des ventes de véhicules électriques. L'organisme rattaché à Matignon évalue ce dispositif de bonus-malus comme étant à l'origine de “40 % de la progression de la part de marché des véhicules électriques dans le marché du neuf entre 2019 et 2021” en France.
Logiquement, la suppression ou la réduction de ces aides gouvernementales portent potentiellement un coup au marché des électriques. Comme en Allemagne donc, où le marché de l’électrique est celui qui s’est le plus contracté (-18,1 % sur le premier semestre de l’année).
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Le gouvernement Scholz a brutalement mis fin à ces aides en décembre 2023, plongeant son industrie et les potentiels acquéreurs de véhicules électrifiés dans l’inconnu. Alors que la pénétration des véhicules électriques était de 18,4 % en 2023, elle n’atteint plus que 12,5 % au premier semestre 2024.
Un bonus gouvernemental mieux ciblé
L'autre caractéristique du marché de la voiture électrique est son accessibilité. Leurs prix sont notoirement plus élevés, et France Stratégie estime que seuls 11 % des ménages les moins aisés (dans les cinq premiers déciles de revenu) ayant acheté un véhicule neuf se sont tournés vers l’électrique. Pour le reste des ménages, c’est plus de 25 %. Le rapport regrette ainsi la réduction voire la suppression des aides pour les ménages à revenus moyens et élevés dans des pays qui en possédaient.
"Le ciblage récent des aides vers les ménages modestes permet d’améliorer nettement la rentabilité d’achat d’une voiture pour ces ménages, mais allonge le temps de retour sur investissement des plus aisés. Les temps de retour pour les ménages modestes peuvent paraître relativement courts mais peuvent être encore trop élevés pour certains, compte tenu de leurs contraintes financières".
Pour rappel, en France, à la fin de l'année 2022, tous les ménages touchaient 6 000 euros à l'achat d'un véhicule électrique. Depuis la fin du plan de relance, ces dispositifs se sont progressivement recentrés vers les ménages les plus modestes.
Début 2023, les ménages appartenant aux cinq premiers déciles de revenu ont bénéficié d’une hausse du bonus, son plafond étant relevé à 7 000 euros, alors qu’il a été abaissé pour le reste des ménages (5 000 euros en 2023, et 4 000 en 2024). La prime à la conversion a quant à elle été supprimée pour les 50 % des ménages les plus aisés.
Des voitures encore trop chères
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L’aide française du début d’année 2024, le leasing social, y est considérée comme un dispositif “intéressant” et sera jugé décisif le programme revient bien en 2025 et que les personnes déjà bénéficiaires puissent en bénéficier à nouveau.
“Est-ce suffisant pour enclencher une transition durable vers la mobilité électrique ? se questionnent les économistes de France Stratégie. Pérenniser ce dispositif pourrait avoir comme intérêt d’abonder dans quelques années le marché de l’occasion en voitures électriques. L’opportunité de rétablir un bonus écologique pour les véhicules d’occasion pourrait faire l’objet d’un réexamen à cette échéance.”
Au-delà des dispositifs d'aide, France Stratégie estime que le marché doit encore étoffer son offre sur des produits plus accessibles. Pour rappel, la voiture électrique la plus vendue en Europe est la Tesla Model Y dont le prix démarre à 47 000 euros.
De même, l’étude souligne le bien-fondé du score environnemental conditionnant le bonus introduit en France en 2024. Mais, elle analyse que cela a pour conséquence d’exclure des systèmes d’aides les modèles sur lesquels se rabattent souvent les ménages les moins riches, la Dacia Spring, en étant l’incarnation parfaite.
Plus de bornes, moins de voitures
Le principe de l'accessibilité reste donc un enjeu majeur pour le marché de la voiture électrique, comme le confirme l'étude récente du cabinet Roland Berger qui établit que le principal obstacle à l'achat d'un véhicule électrique, c'est son prix. Il relègue ainsi le critère des bornes de recharge, qui était réputé jusqu'ici comme étant le premier obstacle. L'étude effectuée en Europe de l'Ouest confirme : 80 % des sondés estiment que charger son véhicule est devenu plus simple hors de chez soi durant ces derniers mois.
La croissance du nombre de points de recharge (80 % en 2023) a même dépassé la croissance des ventes de véhicules électriques. Le nombre de points de charge atteint 630 000 dans cette région du monde. Les sondés estiment également que la vitesse de recharge s'est nettement améliorée.
D'ailleurs, la montée en puissance du réseau de recharge n'a pas coïncidé avec une accélération des ventes de véhicules électrifiés. Ce qui confirme que le fait majeur du marché a été la baisse des soutiens gouvernementaux destinés à l'achat de voitures électriques.
L’arrivée de modèles peu chers comme la Citroën e-C3 devrait permettre aux ménages modestes de passer plus facilement le pas et de faire repartir les ventes de véhicules électriques.
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