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Les Français inégaux devant les aides à la mobilité

Publié le 31 octobre 2022

Par Catherine Leroy
7 min de lecture
Une récente étude réalisée par l'Iddri met en lumière l'inégalité de traitement des Français, selon les territoires, concernant les aides à la mobilité à faible émission. Plus de 100 dispositifs différents cohabitent en France, mais il demeure de véritables zones blanches ou aucun accompagnement n’est proposé.
ZFE-Marseille
Une récente étude réalisée par l'Iddri met en lumière l'inégalité de traitement des Français selon les territoires au sujet des aides à la mobilité à faible émission. Comme ici, à Marseille, qui vient de mettre en place une ZFE-m.

Les régions et départements de Bretagne, Centre-Val de Loire et Nouvelle-Aquitaine ne proposent aucune aide pour l’acquisition d’une voiture électrique neuve ; la métropole de Marseille non plus, malgré la mise en place de sa récente zone à faibles émissions !

 

L'étude très fouillée, réalisée par l'Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) et le cabinet C-Ways, montre une grande disparité de l'accompagnement social des Français vers une mobilité plus vertueuse. "Nous avons remarqué une très grande hétérogénéité qui pose une certaine confusion et questionne sur le message politique", remarque Jean-Philippe Hermine, coordinateur de l'initiative mobilité en transition de l'Iddri.

 

Et pour cause, près de 103 dispositifs différents cohabitent sur le territoire, que ce soit sur le plan national ou local. "Au-delà du fait qu’aucune région, aucun département ni aucune métropole ne propose la même chose, cette étude met au jour l’existence de nombreuses zones blanches où aucun accompagnement en faveur d’une mobilité moins polluante n’est proposé. Il est urgent de mettre en place une politique d’accompagnement plus massive et cohérente", alerte Valentin Desfontaines, responsable mobilités durables du Réseau Action Climat.

 

Pour rappel, le montant maximum du cumul d’aides au niveau national est actuellement de 12 000 euros (bonus écologique de 7 000 euros et prime à la conversion de 5 000 euros) pour acheter une voiture électrique neuve. "Compte tenu des premiers prix d’achat d’un véhicule électrique, autour de 20 000 euros environ, il est nécessaire de renforcer les aides nationales avec des aides locales complémentaires pour réduire au maximum le reste à charge pour les classes moyennes et modestes", précise le rapport de l'Iddri.

 

Quel niveau d'aide en France pour l'achat d'une voiture électrique neuve ?

Quel niveau d'aide en France pour l'achat d'une voiture électrique neuve ?

 

 

Parmi les territoires les moins ambitieux qui ne mettent à disposition aucune aide pour l’acquisition d’une voiture électrique neuve figurent donc les régions Bretagne, Centre Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine mais aussi les 5 départements et régions d'outre-mer (Mayotte, La Réunion, Guadeloupe, Martinique et Guyane).

 

Des résultats dont se sont emparés le Secours Catholique, le Réseau Action Climat et Transport & Environment pour alerter les décideurs sur la nécessité d'une politique plus ambitieuse et cohérente à l'échelle nationale. Car l'étude se veut un outil de travail pour simuler le niveau d'aide et reconstituer ces aides dans les budgets.

13 millions de Français exclus des aides

 

De fait, ce sont 13 millions de Français qui ne bénéficient d'aucun soutien financier local pour l'achat d'un véhicule électrique. "Pour ce qui concerne l’Outre-mer, à l’image de la rareté des bornes de recharge pour voiture électrique, il est tout aussi regrettable de constater qu’aucune aide existe alors même que le niveau de vie par rapport à la métropole justifierait des investissements bien supérieurs et un véritable accompagnement. Mentionnons également la métropole de Marseille, récente ZFE-m, qui n’offre aucune aide à ses habitants pour encourager une mobilité moins polluante", indique l'étude.

 

Manque de considération pour les voitures d'occasion

 

L'Iddri regrette également que l'incitation à l'achat d'un véhicule d'occasion et reconditionné soit si peu considérée dans les aides disponibles alors que près de 4 voitures sur 5 achetées sont de seconde main. En 2021, ce marché de la voiture d'occasion a représenté 78,5 % des 7,7 millions des immatriculations sur le marché français.

 

"L'objectif n'est pas de stigmatiser mais plutôt de poser un constat sur le niveau de préparation. Ainsi les métropoles  qui sont proactives dans les ZFE offrent des mesures incitatives mais qui posent encore question en termes de ciblage et de proportionnalité des efforts demandés en fonction des situations des usagers. Par ailleurs les ZFE ne concernent pas uniquement les habitants à l'intérieur de cette zone mais également les habitants qui vivent ou travaillent autour. Or ces derniers ne bénéficient pas nécessairement des mêmes aides. Cela pose un problème de l'acceptabilité et d'équité", précise Jean-Philippe Hermine.

 

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Seules 8 aides sont proposées sur tout le territoire pour l’achat d’un véhicule électrique d’occasion (métropole Grand Lyon, région Grand-Est, communauté urbaine du Grand Reims, Eurométropole de Strasbourg, région Ile-de-France, métropole du Grand Paris, métropole Rouen Normandie, région Occitanie, Toulouse métropole). Même constat pour le reconditionnement, trop peu d’aides existent pour électrifier et remettre en service son mode de transport. Seules 7 mesures sont proposées en France pour l’achat d’un kit d’électrification de vélo, alors même que l’on a aujourd’hui 26 millions de cyclistes réguliers.

 

"Ce panorama montre une grande insuffisance de moyens face à l’urgence climatique et les enjeux de justice sociale qui en découlent. La pauvreté des aides ne permet pas non plus de faire suffisamment face à la problématique de la pollution atmosphérique", avance le rapport.

 

Dix métropoles ont mis en place aujourd’hui une ZFE-m, il y en aura plus de 40 en 2025 d’après l’obligation instaurée par la Loi Climat et Résilience qui concerne toutes les villes de plus de 150 000 habitants. Or, pour que ces déploiements de ZFE-m puissent se faire dans les meilleures conditions, une réflexion profonde doit être menée sur les périmètres et les habitants concernés et donc sur leur éligibilité aux aides pour être également accompagnés dans la transition vers la mobilité propre.

 

Inégalités des aides dans les modes de transport

 

Les inégalités sont aussi visibles entre les modes de transports eux-mêmes. Les voitures particulières et les vélos à assistance électrique sont avantagés par rapport aux autres modes de transport dits intermédiaires (scooters et quadricycles notamment). Selon l'Iddri, ce constat ne permet malheureusement pas de répondre à la diversité des usages des Français et ainsi de proposer un accompagnement le plus sur-mesure possible aux particuliers et aux professionnels.

 

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Au-delà de la complexité et du morcellement des aides existantes, les conditions pour en bénéficier sont également variables. Certaines sont liées au niveau de revenu, d’autres au périmètre géographique, ou encore au coût d’achat ou au mode d’acquisition. Aucune aide ne se ressemble et les démarches pour en bénéficier sont toutes cloisonnées entre le national et le local, les rendant alors bien souvent inaccessibles aux plus précaires. Il est primordial de simplifier l’accès et de mieux informer les Français sur les aides existantes, ainsi que sur les critères d’éligibilité et les montants disponibles.

 

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Selon l'Iddri, bon nombre de Français risquent de basculer dans la précarité mobilité en raison de plusieurs facteurs, parfois cumulatifs : variation des prix des carburants, ancienneté du véhicule qui entraîne des coûts supplémentaires, distances à parcourir… Cette situation rend d’autant plus urgent et nécessaire un meilleur ciblage des Français les plus vulnérables dans les aides qui sont proposées au niveau national, comme au niveau local.

 

A ce titre, l'organisme pointe le leasing social comme une vraie solution dans de nombreuses situations, c’est pourquoi il doit faire l’objet d’une mesure allant bien au-delà de l’expérimentation. De même, contre le morcellement des aides, conclut le rapport, l’une des solutions consisterait à mettre en place un guichet unique permettant d’homogénéiser et de simplifier les démarches pour bénéficier de ces aides.

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