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Est-il raisonnable de faire payer par la collectivité le soutien à la voiture électrique ?

Publié le 23 février 2022

Par Catherine Leroy
5 min de lecture
Une étude de la Fnaut pose clairement le sujet des pertes de recettes fiscales et de la hausse des aides que va engendrer la montée en puissance du véhicule électrique. Au moins 9 milliards d’euros par an vont manquer dans les caisses de l’État.
Electric car charging battery at the station

La Fnaut (Fédération nationale des usagers de transport en commun) vient de réaliser une étude très fouillée sur le soutien à l’électromobilité par la puissance publique. L’objectif est de quantifier le coût pour la collectivité du soutien de cette transition vers l’électrique. Que ce soit sous forme de subventions et de crédits d’impôts mais également en envisageant le différentiel de fiscalité entre les carburants conventionnels et l’électricité.

 

Sur la période 2013-2020, l’étude a révélé que la somme totale des aides à l’achat d’un véhicule électrique s’est élevée à 1,7 milliard d’euros (soit environ 0,5% des dépenses totales de l’État central, hors dépenses sociales, comme le précise l’étude). En 2020, le montant des aides versées a atteint 700 millions d’euros contre 250 millions d’euros en 2019.

 

L’essentiel du montant des aides au véhicules électrique est porté par deux dispositifs. D'une part, le bonus écologique (601 millions d’euros en 2020) et, d'autre part, la prime à la reconversion (74 millions d’euros en 2020). A ces montants, il convient d’ajouter le soutien public à l’installation de bornes de recharge. En excluant le programme ADVENIR, financé par des acteurs privés, la Fnaut estime qu’entre 268 et 300 millions d’euros seront alloués au soutien à l’installation de bornes sur la période 2014-2023. L’essentiel de ces sommes provient des programmes nationaux d’investissements (PIA et France Relance) et du crédit d’impôt à la transition énergétique, devenu depuis 2021 Ma Prime Renov’.

Une perte comprise entre 430 et 640 euros par an et par véhicule

 

L’analyse du rendement des taxes indexées sur les carburants thermiques montre qu’un véhicule essence rapporte de 570 euros par an (dans les zones urbaines) à 650 euros par an (dans les zones rurales) à l’État, et de 700 à 790 euros par an pour les véhicules diesel. Cette différence étant liée au fait que les véhicules diesel roulent en moyenne davantage que les véhicules essence.

 

A lire aussi : Les taxes sur l'automobile, l'énorme manne financière des États

 

L’étude estime que le rendement fiscal d’un véhicule électrique est compris entre 140 et 150 euros par an. En moyenne et dans les conditions actuelles, le remplacement d’un véhicule thermique par un véhicule électrique fait donc perdre entre 430 et 640 euros par an de recette fiscale.

Un manque à gagner d’au moins 9  milliards d’euros par an en 2030

 

Une fois ce constat établi, la Fnaut a dressé six scénarios d’évolution des taxes et incitations fiscales d’une part et de croissance de la mobilité électrique d'autre part. Le scénario le plus haut prend comme base un volume de 7 millions de véhicules électriques en 2030 et le plus bas de 5 millions. Le schéma de base qui laisse tous les paramètres inchangés par rapport à la situation actuelle implique un manque à gagner de 17 à 23 milliards d’euros par an en 2030 par rapport à la situation de 2021.

 

Un scénario "incitation au développement de la mobilité électrique" dans lequel la TICPE suit la progression initialement prévue en 2018 avant la crise des Gilets Jaunes et où le montant du malus par véhicule double en 2030 par rapport à la situation actuelle conduit à un manque à gagner de 8 à 14 milliards d’euros par an en 2030. Enfin, un scénario de "baisse des aides" dans lequel la fiscalité est inchangée, le montant moyen du malus par véhicule double et le montant moyen des aides par véhicule (bonus, prime à la reconversion...) baisse de moitié en 2030 par rapport à la situation actuelle entraine un besoin de financement de 9 à 12 milliards d’euros par an en 2030. Cela représente entre 1 et 1,3 trois fois le budget total du ministère de la Justice (8,9 milliards d’euros en 2022).

 

Enfin, la fédération a cherché à évaluer la croissance de la fiscalité de l’électricité nécessaire pour résorber le manque à gagner, évalué précédemment. Deux possibilités de taxation sont évaluées. Dans un premier cas, l’ensemble du manque à gagner est absorbé par les utilisateurs de véhicules électriques. Dans un second cas, la fiscalité supplémentaire est appliquée à la consommation des véhicules électriques ainsi qu’à l’ensemble du secteur résidentiel.

Hausse du coût de détention d’un véhicule électrique

 

La première solution conduit à une hausse extrêmement brutale des coûts d’un véhicule électrique (+30 % sur l’ensemble du cout total de détention). Les coûts variables augmentent de plus de 50% et passent largement au-dessus de ceux du véhicule thermique. Ce scénario apparait donc difficilement compatible avec la poursuite d’une électrification importante du parc. La seconde solution consiste à reporter la hausse de l’électricité sur l’ensemble du secteur résidentiel ainsi qu’à la consommation des véhicules électriques.

 

La hausse de la fiscalité sur le KWh est donc plus modérée (elle est multipliée par 2 contre 10 dans le cas précédent). Le coût total de détention du véhicule électrique n’augmente que de 11 % et les coûts variables de 17 %. Ils demeurent inférieurs dans tous les cas à ceux d’un véhicule thermique neuf.

 

Poids de la fiscalité sur l’ensemble de la collectivité ?

 

Ces résultats montrent que le développement de l’électromobilité entraîne des coûts trop massifs pour être supportés par les seuls utilisateurs de véhicules électriques. D’un système de mobilité thermique, dans lequel les utilisateurs de la voiture génèrent des ressources fiscales, on bascule dans un système où la mobilité en voiture est financée par le contribuable via sa facture d’électricité.

 

"Ce changement pose d’inévitables questions d’équité sociale. Dans la mesure où le véhicule électrique se diffuse surtout dans les classes les plus favorisées de la population, il revient à un financement de la mobilité des plus riches par l’ensemble des Français, soit une redistribution en sens inverse", estime la Fnaut.

 

Lire l'intégralité de l'étude sur le soutien à l'électromobilité par la puissance publique de la Fnaut

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