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Industrie

Pour Michelin, le pneu 100 % durable n'a plus rien d'utopique

Publié le 26 novembre 2021

Par Romain Baly
8 min de lecture
Lors d'un évènement à Ladoux, le siège de sa R&D, le groupe tricolore a défendu sa vision du développement durable. Un sujet aux multiples facettes sur lequel Michelin investit énormément depuis 30 ans. Et s'il faudra attendre encore quelques années pour avoir un pneu entièrement recyclé, de probants résultats sont déjà bien réels.
Président du groupe, Florent Menegaux (ici aux côtés du concept Vision) juge que "Michelin a le devoir d’agir pour répondre aux enjeux environnementaux qui sont les nôtres". ©Michelin

Le temps d'une journée, jeudi 25 novembre 2021, Michelin a convié la presse française et internationale à Ladoux (63), siège de sa R&D mondiale, pour parler de développement durable. Un sujet qui n'a rien de nouveau pour le groupe tricolore, Gary Guthrie, directeur de la BU Automobile, rappelant au cours d'une des présentations, que le premier ePrimacy était sorti en 1992… Nonobstant cette antériorité sur le sujet, Florent Menegaux, le président du manufacturier, a tenu, en préambule, à rappeler toute l'importance pour son groupe de s'en emparer.

 

Boucler la boucle

 

"Comme l’ensemble des acteurs de la mobilité, Michelin a le devoir d’agir pour répondre aux enjeux environnementaux qui sont les nôtres. Les entreprises, parce qu’elles sont en prise directe avec les aspirations des clients et de la société, sont du côté des solutions", juge le président. Tout au long de la journée, ses équipes se sont attachées à présenter non pas une vision globale du sujet mais bien une stratégie aux multiples facettes. Car la question du développement durable n'a rien d'unilatérale.

 

Matériaux de fabrication, outils de production, chaîne d'approvisionnement, usage du pneumatique, recyclage et valorisation… les problématiques soulevées sont nombreuses et ont permis, in fine, de boucler la boucle pour comprendre que le pneu 100 % recyclé n'a plus rien d'une utopie. Un gros effort de recherche et développement est notamment enclenché pour mettre au point des matériaux durables. A date, les enveloppes du Bibemdum en sont pourvus à hauteur de 28 %, part qui montera à 40 % en 2030 et 100 % en 2050.

 

Les pistes offertes par Pyrowave, Environ ou Clarios

 

Pour réussir ce tour de force, Michelin s'est rapproché de plusieurs spécialistes qui contribuent à accélérer la démarche. Avec les Canadiens de Pyrowave, le groupe est allé chercher une technologie permettant de transformer du polyester en styrène par le biais des micro-ondes (de quoi réduire de 64 % les émissions de CO2 de la production). Avec les Suédois d'Enviro, c'est la pyrolyse qui a suscité son intérêt, une technologie qui permet de décomposer la vielle matière et de récupérer le noir de carbone, l'acier ou encore l'huile de pyrolyse (pour produire du gasoil).

 

Explorer un maximum de piste et faire en sorte d'intégrer d'ici 2050 uniquement des matériaux durables dans la conception des pneumatiques, tel est l'ambition ultime de Michelin.

 

Parlons également de Carbios, première et unique société au monde à être capable de recycler des déchets en PET (comme des bouteilles ou des pots de yaourts) pour les transformer en un autre produit du même type ou en filage, très utile pour le renfort des pneumatiques. Et puis il y a le projet Bio Butterfly, développé avec IFP Energies Nouvelles et Axens, qui ambitionne de fabriquer à grande échelle du butadiène (matière servant à la conception du caoutchouc synthétique) issu de matière durable. Un expérimentateur est en construction à Bassens (33) et une production à grande échelle est espérée pour 2028-2029.

 

Produire et transporter mieux

 

De production, il en a aussi été question pour évoquer le besoin de rendre le parc d'usines du groupe plus écoresponsable. La part de solvant a diminué de 72 % depuis 2014 et sera réduite à néant d'ici 2030. L'efficacité énergétique des sites a, quant à elle, été améliorée de 35 % ces six dernières années tandis que Michelin ambitionne de réduire de 50 % sa consommation d'énergie à horizon 2050. Les émissions de CO2 des usines seront par ailleurs réduites grâce à un apport toujours plus important du solaire qui contribue aujourd'hui à 12 % des besoins électriques.

 

Dans la même logique, le groupe tente de réduite l'impact de sa logistique sur l'environnement en valorisant les circuits-courts et en transportant mieux. Un but qui consiste à optimiser les chargements, à miser sur le fret ferroviaire ou maritime, et à soutenir des projets innovants comme Neoline qui souhaite développer les liaisons transatlantiques avec des voiliers ou encore celui Zero Emissions Valley qui milite en faveur du développement des véhicules à hydrogène.

 

Performer dans la durée

 

L'usage du pneu s'avère en outre fondamental dans la thématique actuelle puisque son usure (résistance au roulement) représente à elle-seule 75 à 90 % de l'impact environnemental du pneumatique. Si Michelin a réussi à diviser par deux la résistance de ses enveloppes depuis 1992, plus globalement, du chemin reste à faire. Selon une étude menée par Dekra sur plus de 2 000 pneus, les résultats sont très disparates d'une références à une autre. Pour un jeu de 4 pneus et 20 000 km/an, une enveloppe Michelin émet 1,5 kg de particules contre 3,5 kg pour la moyenne et jusqu'à 8 kg pour les moins bons ! De quoi inciter le groupe à militer en faveur d'un seuil qui régulerait le marché et éliminerait les moins performants.

 

Parmi les solutions innovantes exposées figure celle de Carbios qui propose de recycler des déchets en PET pour en concevoir, par exemple, du filage très utile aux renforts des pneumatiques.

 

Ces efforts se corrèlent avec un autre combat. Un viatique cher au manufacturier qui milite depuis des années pour que les performances des pneus soient jugés sur la durée et que l'on incite davantage les automobilistes à aller jusqu'à la limite légale de leur gomme (1,6 mm). "C'est un sujet qui nous tient très à cœur, abonde Gary Guthrie. Avec ça, on économiserait 128 millions de pneus par an et on réduirait de 6,6 millions de tonnes les émissions de CO2". "C'est un enjeu environnemental mais aussi sécuritaire", rappelle Cyrille Roget, directeur de la communication scientifique et innovations, soulignant encore une fois que cette idée permettrait de faire le tri entre les bons et les moins bons pneus du marché…

 

Une filière exemplaire sur le plan du recyclage

 

Dernier point évoqué, celui de la fin de vie et du recyclage. A l'échelle de l'Europe, 1,6 milliard de pneus sont collectés chaque année, soit 97 % de la production déclarée (et même plus de 100 % en France, signe que les organismes collecteurs récupèrent aussi des enveloppes passant sous les radars). Un point positif qui fait du pneu une filière exemplaire d'autant que celle-ci sait utiliser sa vieille matière avec à la fois de la valorisation dans les matériaux et dans l'énergie. Ceci étant, moins de 1 % des déchets sont aujourd'hui réintroduits dans un nouveau processus de fabrication de pneus et c'est précisément l'enjeu des partenariats évoqués plus haut avec Pyrowave, Enviro et Clarios.

 

Pour aller encore plus loin, Michelin joue aujourd'hui la carte du collectif. Le projet BlackCycle, dont le clermontois est la figure de proue, regroupe des acteurs d'horizons variés (groupes industriels, organismes de recherche et de technologie, pôle d'innovation). Chacun apportera ainsi son expertise et contribuera à upgrader le niveau des recherches.

 

Alliance avec Bridgestone

 

Par ailleurs, le manufacturier a tout récemment annoncé son rapprochement avec son confrère et principal concurrent Bridgestone. Ensemble, les deux groupes lancent un appel aux fournisseurs, chercheurs, startup ainsi qu'à leurs concurrents pour favoriser les recherches et l'utilisation à grande échelle du noir de carbone issu des montes en fin de vie.

 

Le concept Vision, présenté en 2017, préfigure la vision du pneumatique de demain de Michelin.

 

"Michelin n'a pas inventé le pneu mais a été à la source de quasiment toutes les grandes innovations", a souligné en conclusion Florent Menegaux. Aujourd'hui encore, le manufacturier se pose comme un acteur moteur sur cet enjeu pour le futur de notre planète. En s'associant avec de multiples partenaires, en intégrant des écosystèmes jusqu'ici inexplorés et en se tenant main dans la main avec son plus grand rival, Michelin entend préparer le futur et pérenniser sa place de leader. "Le pneu 100 % durable est un immense défi pour toutes les équipes du groupe […] C’est une illustration parfaite de la raison d’être de Michelin qui innove en permanence pour rendre la mobilité toujours plus sûre, plus accessible, plus efficiente et plus respectueuse de l’environnement", a conclu le président.

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