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Industrie

Lobbying automobile : 1 point pour les ONG - 0 pour les constructeurs

Publié le 1 juillet 2022

Par Catherine Leroy
4 min de lecture
Le dossier des émissions de CO2 à horizon 2035, débattu au sein des instances européennes, a mis en lumière un malaise profond au sein de l'industrie automobile. La voix des constructeurs ne porte plus et celles d'organisations environnementales disposent d'un écho grandissant.
Les fédérations européennes de l’industrie ont dépensé 32 millions d’euros pour le lobbying en 2021.

C’est désormais un fait établi : depuis le Dieselgate, en septembre 2015, où plutôt le "Volkswagengate" comme aiment à le rappeler les concurrents du constructeur, la parole des industriels dans les couloirs de la Commission européenne ou même du Parlement se fait de plus en plus sourde jusqu’à en être presque inaudible.

 

C’est en tout cas une des leçons à retirer du vote du parlement européen, puis du Conseil de l‘Union européenne sur l’interdiction de vente des véhicules thermiques en 2035. "C’est clair, depuis cette date, il nous est de plus en plus difficile de nous faire entendre", se lamente un constructeur qui a préféré rester anonyme. L’anonymat sera d’ailleurs la seule condition pour mes interlocuteurs acceptent de s’exprimer.

 

"Sans doute, n’avons-nous pas fait suffisamment de travail d’argumentation, d’apport d’études. Pourtant près de 300 scientifiques avaient écrit aux parlementaires européens démontrant les risques évidents que ce soit d'un point de vue industriel ou même environnementaux liés à ces 100 % électriques. Mais très vite, ces arguments se sont heurtés au mur de la suspicion : les scientifiques ont été accusés d'être en lien avec le secteur automobile", ajoute cet autre habitué des luttes de pouvoir.

Stellantis fait bande à part

 

Une défiance qui s'est accumulée au fil des mois à tel point que Carlos Tavares, patron du groupe Stellantis a décidé de claquer la porte de l'Acea, l'organe européen de représentation de ces industriels. Officiellement, il s'agit de créer un "forum sur la liberté de mouvement", sous forme de réunion annuelle.  Ce dernier sera "basé sur des faits", une formulation proche de celle employée dans le domaine climatique où l'on parle de politiques ou de stratégies "basées sur la science", comme l'indiquait le groupe automobile.

 

"Dans le cadre de cette initiative, Stellantis annonce qu'elle cessera d'être membre de l'Association des constructeurs automobiles européens (ACEA) d'ici la fin de cette année", écrit le groupe, sans expliciter les raisons de ce départ. Tout juste dit-il vouloir accomplir une transition du lobbying vers "une interaction plus directe avec les citoyens et les parties prenantes".

 

En "off",  le discours est nettement moins polissé. Visiblement, le patron de Stellantis a appliqué la règle de retour sur investissement qui prévaut désormais et si l'adhésion coûtait au groupe près de 700 000 euros comme semble le dire certains confrères, le vote du Parlement européen, en faveur du 100 % électrique a donc eu raison de ce budget. De plus, comme nous l'explique un lobbyiste, "l'Acea vit une crise actuellement. Son directeur général Eric-Mark Huitema a quitté le navire en plein milieu de la tempête et un groupe automobile qui pèse 14 marques automobile a décrété qu'il pouvait se passer d'une organisation qui ne servait plus à grand chose."

 

En revanche, le groupe serait le seul à se désolidariser. Il est vrai que si d'autres grands constructeurs désertaient l'organisation syndicale, son avenir sera complètement remis en cause à un moment où d'autres textes sont également en cours de négociations et notamment ceux concernant les normes Euro 7.

 

Selon Neil Makaroff, du RAC (Réseau Action Climat), interrogé par le site reporterre.net, les fédérations européennes de l’industrie ont dépensé 32 millions d’euros pour le lobbying en 2021. Elles ont 121 personnes accréditées à Bruxelles, des lobbyistes professionnels. Pascal Canfin, président de la commission de l'Environnement au Parlement européen n'hésitait pas à évoquer le "tsunami de lobbys" avant le vote des eurodéputés le 7 juin 2022. Mais visiblement  ce déferlement n'a pas suffit et la victoire revient sans conteste aux organisations environnementales qui ont pris du poids au sein des instances européennes.

 

Transport & Environment en tête

 

L'ONG Transport & Environment ne cache pas sa satisfaction sur ce dossier : "Cette décision brise l'emprise de l'industrie pétrolière sur les transports. La présidence française à su tenir bon face aux sirènes des lobbies ".  Xavier Horent, délégué général de Mobilians nous l'indiquait en commentant le vote du Conseil : "Un point de vigilance ressort de ces rounds de négociations : la filière doit rebâtir une crédibilité solide et parler à l'opinion publique. À défaut, elle perdra d'autres batailles."

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