Automobile européenne : McKinsey alerte sur 440 milliards d’euros en danger d’ici 2035
L’industrie automobile européenne reste un pilier de l'économie et de l'emploi avec près de 13,8 millions de salariés. Cependant, le secteur qui pèse 7 % du PIB de l’Union européenne et 170 milliards d'euros d’exportations affronte la mutation la plus profonde de son histoire.
L’électrification, les véhicules définis par logiciel, l'IA, la connectivité et la conduite autonome deviennent des facteurs de différenciation essentiels pour le secteur. Selon une récente étude du cabinet McKinsey, les dix principales entreprises automobiles européennes (constructeurs et fournisseurs de voitures particulières) ont vu leur valorisation chuter de 71 milliards d'euros depuis 2015 (-19 %), contre un quadruplement des valeurs technologiques des nouveaux entrants numériques dans le secteur des véhicules électriques.
Si ces transformations ouvrent des opportunités sur toute la chaîne de valeur, elles révèlent aussi des fragilités structurelles. Dans son analyse, McKinsey estime qu’un scénario "hautement perturbateur" pourrait détruire jusqu’à 440 milliards d'euros de valeur d’ici 2035, soit environ un tiers de l’activité actuelle. Selon le cabinet, le secteur doit faire face à de multiples vents contraires, selon l’expression qu'avait déjà évoquée en son temps l'ancien patron de Stellantis, Carlos Tavares.
Faire face aux défis complexes
La révolution technologique : le passage du moteur thermique aux groupes motopropulseurs électriques réduit mécaniquement la valeur ajoutée produite localement. Quand un véhicule thermique fabriqué en Europe génère 85 à 90 % de valeur sur le continent, ce chiffre tombe à 75 % pour un véhicule électrique assemblé localement, et à seulement 15-20 % pour un modèle importé.
Les coûts et tensions géopolitiques : l’énergie est deux fois plus chère en Europe qu’aux États-Unis ou en Chine, et plus de 95 % des terres rares importées proviennent de Chine, accentuant la dépendance stratégique du secteur.
Et enfin, les contraintes structurelles et réglementaires : la rigidité des normes sociales et environnementales ralentit les restructurations, alors que les nouveaux concurrents chinois et américains déploient une agilité redoutable.
Les leviers pour rebâtir la compétitivité
L’industrie automobile européenne prévoit de lancer environ 350 nouveaux modèles électriques d’ici 2032, dont plus de 70 % entièrement électriques. Elle investit déjà près de 150 milliards d’euros par an en recherche, développement et capacités industrielles, ce qui en fait le premier moteur d’innovation de l’Union européenne.
Mais, au-delà du volume d’investissements, l’enjeu est désormais d’allouer les ressources plus efficacement et plus rapidement. McKinsey identifie cinq leviers. Selon le cabinet, il s'agit de se concentrer sur la vraie valeur client en simplifiant les conceptions héritées du moteur thermique. Réduire le coût des batteries en passant plus rapidement vers la technologie LFP, tout comme diviser par deux les délais de mise sur le marché sont indispensables. Enfin l'exploitation de l'IA dans l'industrie serait susceptible de générer plus de 100 milliards d'euros d'économies.
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Pérenniser la chaîne de valeur
Selon McKinsey Battery Insights, l’Europe pèse moins de 10 % de la capacité mondiale de cellules. Or, la demande en batteries pourrait atteindre entre 600 et 800 GWh en 2030, soit trois à quatre fois la capacité installée en 2024 en Europe. Or, les défaillances récentes, comme celle de Northvolt, ont fait tomber de 600 GWh les capacités annoncées.
Pour les consultants de McKinsey, l’effort financier pour bâtir une filière compétitive s'élèverait entre 200 et 300 milliards d'euros, d’ici 2035. Si tout ne doit pas être localisé, des contrôles stratégiques en matière de raffinage, de production de cellules, et en amont sont indispensables.
Risque de grave récession
"Sans action radicale et décisive dès maintenant, le risque d'une grave récession pour le secteur automobile est immense", indique le rapport. À condition que les États créent les conditions nécessaires à la réussite de ces transformations. Mais cela signifie de mettre en place une réglementation simplifiée, des incitations ciblées et des investissements dans des infrastructures critiques telles que les énergies renouvelables, la connectivité numérique et la résilience de la chaîne d'approvisionnement.
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