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Distribution

Plateforme VO : une stratégie marketing qui se rôde

Publié le 3 février 2022

Par Gredy Raffin
8 min de lecture
[Abonnés] Pour accroître leur notoriété et se faire une place dans le paysage, les plateformes digitales spécialisées dans le commerce de véhicules d'occasion ne lésinent pas sur les investissements. Sur le long terme, elles entendent ainsi encourager les consommateurs à s'approprier les parcours d’achat novateurs qu'elles mettent en oeuvre.
Les plateformes ne cachent plus leur ambition de changer le VO à l'échelle européenne.

La photo de classe a bien changé. C’est la première constatation que fait l’un des agitateurs de la toile. "En l’espace de 18 mois, nous avons vu déferler une vague de lancements de sites de vente en ligne de véhicules", retient‑il de la période qui vient de s’écouler. Qui pourrait le contredire ? Début 2019, le paysage français du VO digital comptait une poignée de références dont Aramis, Reezocar ou encore Qarson."Il n’y avait pas encore de stratégie claire ni même de moyens, se souvient notre interlocuteur. Tout a évolué rapidement."

 

La France est devenue le terrain de jeu privilégié des plus entreprenants. "Il y a un phénomène évident : la digitalisation des ventes de VO est passée à une échelle industrielle et les moyens sont colossaux", observe Éric Saint‑Frison, consultant spé­cialisé dans les processus de digita­lisation. CarNext.com, suivi d’Au­tohero et récemment de Cazoo. À ceci, s’ajoutent des initiatives de constructeurs comme Spoticar chez Stellantis ou Heycar pour le trio Volkswagen‑Mercedes‑Benz‑Re­nault.

 

Mais ne leur parlez pas de bataille à livrer. "Nous ne sommes pas des rivaux car dans l’absolu, nous avons un combat commun, milite Stan Deveaux, directeur de CarNext.com en France. Nous avançons de front pour convaincre les consommateurs de céder à la tentation de l’achat en ligne. "Leur cible n’est donc pas le monde de la distribution traditionnelle. Pas tout de suite. Les plateformes cherchent à réduire la part des transactions entre particuliers dans le bilan. Celles qui représentent encore deux remises à la route sur trois dans nos contrées. "Nous évoluons dans une sphère de saine concurrence qui tend à démo­cratiser le procédé, abonde Guil­laume Limare, directeur marketing d’Aramis Group. Plus nous sommes nombreux, plus nous sommes cré­dibles."

 

Des coûts d’acquisition encore très haut

 

Tous avancent le même argument : la facilité. Tous ont adopté la même stratégie : la réassurance. Il n’y aura pas de véritable essor sans confiance généralisée. Les consommateurs apprécient la praticité de chercher un véhicule depuis leur canapé et la richesse des informations qu’un vendeur n’est pas capable d’apporter. "C’est un modèle économique qui fait de plus en plus ses preuves. Après une première phase compliquée, à l’instar des sommes pharaoniques engagées par Carvana pour créer la marque aux États‑Unis, chacun peut voir que le schéma fonctionne, concède Olivier Hanoulle, du cabinet Roland Berger. Les économies réalisées sur le foncier et les forces commerciales compensent les frais de logistique et de marketing."

 

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Il est vrai que sur le plan de la com­munication, les compteurs de Kantar Media s’affolent. Les dépenses vont bon train pour vendre des voitures. Au premier semestre 2021, Arami­sauto a consacré près de 29 millions d’euros bruts selon les estimations du cabinet spécialisé, soit 154 % de plus que l’année précédente. Dans le même laps de temps, CarNext.com est passé de 85 000 à 21,4 millions d’euros bruts. Depuis le début de la saison sportive, Autohero s’est associé au Paris Saint‑Germain et Cazoo en­tend faire de même avec un autre club pour mettre sa marque en valeur. "Il ne suffit pas de s’afficher sur un maillot de football pour réussir dans l’industrie du VO", ne cache pas son scepticisme le cadre d’un groupe de distribution.

 

Dans ce registre, face à l’envolée des budgets, Laurent Potel, fondateur de Reezocar, se félicite de sa stratégie de construction organique. "Notre trafic est plus naturel, cela a été parti­culièrement mis en lumière pendant le premier confinement. Quand tous les investissements ont baissé, leur nombre de visites a subi un repli, dresse‑t‑il un point de la situation. La recherche, la recommandation et le renouvellement sont les trois vecteurs de trafic sur notre site".

 

L’opacité des statistiques de vente ne permet pas de faire un ta­bleau des ratios des sommes investies par véhicule immatriculé. Cepen­dant, Hervé Miralles, président du groupe Emil Frey France, l’assure : aucun des rivaux de sa marque com­merciale Autosphere ne parvient à un niveau aussi bas que le sien et, de fait, à son niveau de pérennité. Yorick Hessel, son directeur de la cellule di­gitale, entend tout de même accen­tuer les efforts publicitaires en 2022. Le budget consacré aux mots‑clés sera maintenu, tandis qu’une pres­sion supplémentaire s’appliquera sur les médias vidéo, la télévision et YouTube en tête. "Avec 2 millions de visites l’an passé, nous avons généré 20 000 leads, partage‑t‑il quelques statistiques. 25 % de nos ventes de VOP sont issues du site Autosphere et 4 % ont même été réalisées à distance. Des chiffres qui nous encouragent à travailler davantage la notoriété."

 

Une grande diversité de parcours

 

Le parcours proposé au consommateur tient toute son importance. Et là, un élément frappe dans cet univers en constitution : il n’y a pas deux enseignes qui offrent la même expérience. Aux scénarios homogénéisés de la distribu­tion traditionnelle, les plateformes de commercialisation opposent des vi­sions des plus variées, reflétant l’identité propre de chacune. L’héritage et l’actionnariat exercent parfois leur influence sur les choix retenus.

 

Avec un réseau de tout juste une tren­taine d’agences en France, Aramisauto prône le phygital. Au‑delà des fron­tières, le groupe tricolore entend rayonner avec des marques locales : les entités reprises, à savoir Cardoen en Belgique, CarSupermarket en Grande‑Bretagne et Clicars en Es­pagne, vont demeurer à long terme "pour témoigner de notre accultura­tion". "Le nom Aramis ne viendra pas se substituer", explique Guillaume Li­mare. En France et en Belgique, si le directeur marketing constate un ni­veau de notoriété spontanée de 65 % environ, d’après une enquête de You­Gov, le chemin est encore long sur les deux autres territoires où 20 à 35 % des sondés anglais et espagnols connaissent les marques en place.

 

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L’autre français, Reezocar, prépare son évolution. Modèle 100 % en ligne avec un unique point de retrait à Bou­logne‑Billancourt (92) pour ceux qui ne veulent pas être livrés à domicile, la plateforme pourrait être complétée par d’autres moyens. Dans les bureaux lil­lois partagés avec la Société Générale, les équipes élaborent une solution qui amènera les agences bancaires sur le territoire national et le site Internet de la banque à devenir des canaux de dif­fusion des offres de véhicules. "Cette idée est rendue possible parce que nous sommes les seuls à avoir un modèle économique et technique ouvert, glisse Laurent Potel. Nous avons toujours défendu la vision de marques blanche et grise qui nous associeraient à des partenaires. "Le groupe bancaire sera le premier du genre, dès 2022, tandis que d’autres discutent les termes d’un accord.

 

Lancée en France au printemps dernier, la marque Autohero se réserve exclusi­vement au Net. Les quelque 40 000 VO qui ont trouvé preneur en Europe ‑ dont une large partie chez nous ‑ ont tous été commandés en ligne et livrés devant la porte du client par des ca­mions de la flotte privée. Nulle agence relais pour l’acteur allemand, dont les acheteurs semblent a priori être majo­ritairement des jeunes CSP+ urbains au budget moyen de 12 000 euros. Les outils suffisent à traiter la demande. D’ailleurs, les prochaines évolutions permettront dans les semaines à venir de réaliser des reprises à domicile, ré­vèle Alexandru Marin, vice‑président du groupe en charge de la France. "Le prix sera négocié à l’avance et la techno­logie nous permet d’avoir le niveau de finesse suffisant pour ne pas faire varier grandement le montant une fois sur place", lâche‑t‑il.

 

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Un attachement au Web bien moins prégnant chez Cazoo. Outre‑Manche, la licorne a fini par mailler le territoire de Customer Centers, soit des agences pour venir toucher le véhicule, re­vendre ou prendre livraison et en cas de besoin, rencontrer un être humain à qui exposer son problème. Ce sera le cas aussi en France où une quaran­taine de centres ouvriront à terme, laissait entendre Alex Chesterman, président‑fondateur.

 

Le lieu de repré­sentation : un élément d’importance selon Stan Deveaux, chez CarNext. com. À Maurepas, dans les Yvelines, son enseigne s’est dotée d’un point de vente sans commune mesure fin 2020. Là, elle dispose de près d’un millier de places de stationnement pour ex­poser le stock aux visiteurs. Il n’existe pas de sites dédiés aux VO aussi vastes en Île‑de‑France, un comble pour une plateforme de ce type. Mais les dernières études menées en interne confortent la direction dans cette stra­tégie. 28,6 % des sondés expriment le besoin de voir le véhicule et 19 % de l’essayer avant de sauter le pas. En plus, cela génère de la confiance dans le site Web, un facteur clé pour 27,8 % des personnes, et facilite la prise de contact avec un conseiller, ce qui im­porte à 18 % des répondants. "Nous avons beaucoup travaillé sur ces items et nous continuerons de défendre une solution hybride au nom des clients qui ont parfois envie d’alterner les points de contact en fonction de l’avancée du pro­jet d’achat", décrypte le directeur de CarNext.com France. Toujours est‑il que la moitié de ses clients ne dé­couvrent le véhicule qu’en ouvrant la porte de chez eux.

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