Marketplaces VO : la course au leadership
Quand au début des années 2010, Jean‑Roch Piat parlait de place de marché, il interpellait le public des premières éditions des États‑Majors du VO. Dans la salle, les yeux se plissaient. On tentait d’imaginer un monde où les voitures se troqueraient contre des deniers sur des plateformes aux allures de site d’Amazon. Celui qui quelque temps plus tard allait prendre la direction de BCAuto Europe avait une vision claire de l’évolution du secteur.
Dans le sillage du géant du remarketing, d’autres projets ont fleuri. Une décennie plus tard, le paysage n’est plus le même. Les places de marché sont en passe de devenir pour les revendeurs des lieux incontournables pour se fournir en véhicules d’occasion.
Les pure‑players ne sont plus les seuls à proposer le service. Des centrales d’achat ont enrichi leur environnement d’une place de marché. Le dernier exemple en date est à trouver du côté de Lyon (69). De Saint‑Fons plus précisément, le fief du groupe Starterre qui a lancé, au début du mois d’octobre 2023, la plateforme Caméléon. "Certains acteurs font très bien le travail en se contentant de gérer des flux de données. Nous avons investi plus lourdement pour nous impliquer dans le reconditionnement et assurer un niveau de qualité. Nous y ajoutons aussi notre expérience du métier", pose Christian Fernandez, directeur général du groupe.
Un phénomène de mode ?
Un propos qui résume à merveille le contexte. Les places de marché se font maintenant directement concurrence. Il appartient à chacun des entrepreneurs aux manettes de trouver un moyen de se démarquer. Souvent, ils mettent en avant le portfolio de services à disposition des acheteurs.
Chez Eveho, qui a lancé une plateforme en septembre 2023, l’argumentaire repose sur l’interconnexion avec tous les outils DMS majeurs du marché. Un moyen pour les fournisseurs d’exposer sans effort sur la place virtuelle bordelaise.
Arrivé dans la partie au printemps 2022 avec la société Entre Marchands Auto (EMA), le provençal Tristan Rubis juge que les contraintes administratives constituent la principale problématique des marchands. Il souhaite donc suivre cette voie pour encourager les professionnels à se connecter sur son site. "Le modèle de la marketplace attire depuis quatre ans dans tous les secteurs d’activité confondus, relève Tristan Rubis. Il y a clairement un phénomène de mode. Mais à terme, nous devons avoir conscience qu’il sera impossible de compter plusieurs acteurs dans l’automobile d’occasion." Il ne manque pas de rappeler que des projets ont déjà rejoint le cimetière des bonnes idées. "Y aura‑t‑il des rapprochements stratégiques, des rachats par des investisseurs ou des disparitions naturelles ?", s’interroge‑t‑il.
Le choix du modèle d'affaires
Les places de marché ne sont finalement qu’un moyen de concentrer des centrales d’achat sur une interface familière et agrémentée de services facilitant la logistique. Alors, comment capter des utilisateurs ?
La question que se pose quotidiennement Antoine Paul, le fondateur d’Autolity, doit obséder tous les nouveaux venus. La plateforme d’origine stéphanoise opère historiquement auprès de professionnels dotés de véhicules haut de gamme. "Je pense que nous sommes tous techniquement au point maintenant. Le volume et la qualité des annonces sont les principaux sujets", partage‑t‑il. La prochaine étape du développement d’Autolity consistera, à l’instar d’Eveho, à ouvrir les accès aux DMS. Il faudra attendre 2024 pour Cardiff et Planet VO².
Le modèle économique a aussi son importance. Dans le métier, les têtes pensantes des places de marché ont opté pour l’abonnement. Elles sont revenues sur leur décision. Désormais, le modèle de la rémunération à la performance fait loi. Rares sont celles qui appliquent encore un système d’engagement dans la durée.
C’est notamment le cas de Fastback. La place de marché belge qui mise une partie de son avenir sur son expansion en France perçoit 1 650 euros par compte. Et depuis peu, elle prélève une commission de 1 % sur chaque vente. Ce qui a pour objectif de dissuader les acteurs qui ne jouent pas pleinement le jeu, notamment en matière de positionnement tarifaire des voitures exposées.
Eveho a adopté la même ligne commerciale. Par souci de lisibilité, seuls trois packs existent. Les tarifs d’abonnement mensuels sont de 49 euros, 129 euros ou 399 euros pour disposer de différentes spécificités. "Les deux formules supérieures offrent des avantages aux clients indéniables par rapport à notre ancien catalogue. Les options ont été intégrées directement", précise Armand Faure, CEO d’Eveho. Ensuite, Eveho touchera de manière forfaitaire 20 euros par transaction réalisée sur la place de marché.
Après avoir abandonné les formules d’abonnement pour un mécanisme de commissionnement, EMA y songe à nouveau. Elles correspondront à un niveau premium et la plateforme s’engagera à rembourser le montant de la souscription à la première transaction réalisée.
L’idée étant d’encourager à jouer le jeu de la place de marché en positionnant les voitures à des prix raisonnables, d’un côté, et en formulant des propositions pour soutenir l’offre, d’un autre côté.
L’Europe pour la taille critique
Coder une plateforme et la mettre en ligne demande de solides ressources. Il faut donc générer un grand nombre de transactions et ajouter des ventes complémentaires pour l’amortir. Ce qui ne s’avère pas chose aisée en ce moment. Entre le calme ambiant et la rivalité des enchéristes aux structures toujours plus affirmées, les places de marché ont de nombreux défis à relever.
"Beaucoup font moins de 2 000 transactions par an, voire moins de 1 000. Le volume reste la clé pour amortir les investissements, martèle Guillaume Fonteneau, responsable France de Fastback. Notre nouvelle organisation s’avère plus coûteuse, mais notre modèle économique nous assurera de la pérennité pour accompagner nos clients."
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Le point rassurant est qu’après trois trimestres, les transactions de VO entre professionnels sont à la hausse en 2023. Selon AAA Data, 147 189 voitures sont passées d’une société à une autre, soit 2,6 % de plus que l’année précédente quand l’exceptionnelle pénurie frappait le secteur.
En moyenne, les produits échangés ont une ancienneté de quatre ans et les marques les plus prisées sont Renault (26 041 unités ; ‑4 %), Peugeot (23 293 unités ; +5,9 %) et Citroën (12 167 unités ; +23,7 %).
La taille critique pour les places de marché s’atteindra avec l’internationalisation. Elles y pensent toutes ou presque. En débarquant en France et en trouvant un actionnaire d’Europe de l’Est, Fastback a un coup d’avance. Starterre a construit Caméléon en ce sens et Antoine Paul, chez Autolity, confie avoir programmé un plus large déploiement dès 2024.
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