Jérôme Moinard, Jean Rouyer Automobiles : "Nous réfléchissons à la distribution de motos"
Le Journal de l'Automobile : Quels défis attendent le groupe Jean Rouyer Automobiles en 2024 ?
Jérôme Moinard : Nous allons lancer notre centre logistique à Sainte-Luce-sur-Loire (44), dans l'agglomération de Nantes. Il s'agit d'un événement important, car ce site va nous permettre d'optimiser la gestion des pièces détachées. En parallèle, nous allons réorganiser nos concessions en fonction de cette nouvelle structure. La plateforme sera située à l’épicentre de nos affaires et sera organisée pour servir en moins de 2 heures nos 17 points de vente et nos 162 agents. Les travaux doivent prendre fin en avril et la plateforme sera pleinement opérationnelle d'ici la fin de l'année. Elle va référencer entre 17 000 et 18 000 pièces et plus de 30 000 pneus. Ensuite, la reprise de Kia à Cholet en janvier dernier va nous permettre de nous développer avec la marque. Il s'agit de notre quatrième point de vente et nous allons inaugurer un nouveau showroom tout début avril.
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J. A. : Cette première acquisition en 2024 va-t-elle être suivie d'autres rachats ? Prévoyez-vous d'ouvrir votre portefeuille à d'autres marques ?
J. M. : Nous sommes bien entendu ouverts à toutes possibilités et nous avons des projets dans les mois à venir. Nous distribuons aujourd'hui 14 marques et il n'est pas, pour l'instant, question de travailler avec d'autres. Nous souhaitons au contraire nous développer avec celles-ci et rester sur notre territoire habituel. J'ai effectivement été sollicité par des constructeurs chinois, qui proposent, du moins dans un premier temps, des conditions assez alléchantes, mais je n'ai pas donné suite.
J. A. : Vous avez récemment ajouté une corde à votre arc en vous lançant dans la distribution de deux-roues. Quelle est votre stratégie pour ce marché ?
J. M. : Nous avons essayé de vendre des vélos à assistance électrique dans les concessions automobiles, mais sans surprise, cela n'a pas fonctionné. Nous avons donc décidé de séparer la distribution de ces produits de celle de l'automobile. Nous avons ouvert un showroom dédié aux nouvelles mobilités aux Sables-d'Olonne (85). En plus des vélos, nous distribuons également des scooters électriques de la marque française Oxygo.
Nous avons décidé de séparer la distribution des vélos de celle des voitures
J. A. : Pourquoi Les Sables-d'Olonne ?
J.M. : Une cité balnéaire nous paraît l'endroit idéal pour ce genre de produits. Il est en effet impossible d'y circuler pendant les mois d'été. Outre la vente, nous proposons également une offre de location et de courtoisie. Notre ambition n'est pas d'être concurrent des enseignes sportives déjà présentes sur ce marché, mais d'apporter autre chose, une autre qualité de services. Nous avons recruté un vendeur dédié pour la partie commerciale, tandis que toute la communication et le marketing sont gérés par nos équipes internes.
J. A. : Prévoyez-vous de vous développer dans cette activité ?
J.M. : Le deux-roues est un test. Si cela fonctionne, oui, nous prévoyons effectivement d'ouvrir un autre site, mais dans un premier temps, toujours avec la même approche, dans une ville avec de l'activité touristique. Nous pourrons donc ouvrir une adresse à Trignac (44) (dans l'agglomération de Saint-Nazaire, proche de Pornichet, NDLR). En revanche, si le deux-roues ne fonctionne pas, nous passerons à autre chose et cela ne changera pas la structure du groupe.
J. A. : Du scooter à la moto, il n'y a qu'un pas...
J.M. : Effectivement, nous réfléchissons à la distribution de motos, d'autant plus que je suis moi-même motard. Mais elle doit être bien pensée pour que cela fonctionne. Les habitudes de consommation sont totalement différentes de celles de l'automobile. Il faut l'envisager avec un regard plus global sur l'écosystème ; elle doit être envisagée sous forme d'un village, avec en plus un magasin d'équipements et d'accessoires, des commerces annexes, etc.
Les habitudes de consommation dans la moto sont totalement différentes de celles de l'automobile
J. A. : Comment analysez-vous le début de l'année 2024 ?
J.M. : Il a été boosté par le leasing social, ce qui a permis de mettre un important coup de projecteur sur le véhicule électrique. J'estime cependant que cette motorisation ne décollera vraiment que lorsque les constructeurs auront une offre sur les segments A et B en dessous des 25 000 euros. Les véhicules électriques plus volumineux ne sont pas au cœur des demandes des automobilistes. Mais d'une manière générale, pour répondre à votre question, nous n'avons pas observé un écroulement des ventes sur ces deux premiers mois de l'année. Les experts tablent sur un volume annuel sensiblement le même qu'en 2023 et si nous restons sur cette trajectoire, nous y arriverons. Néanmoins, j'observe que certaines marques peuvent être à la traîne, car elles n'ont pas profité de la communication autour du leasing social.
J. A. : Observez-vous une tension sur les offres commerciales ?
J.M. : La guerre des prix est revenue, car nous sommes aujourd'hui de nouveau dans un monde où il n'y a plus de problème d'approvisionnement et où il est clairement plus difficile d'aller chercher les clients. Ces derniers se posent d'ailleurs beaucoup de questions. Outre le fait qu'ils ont du mal à choisir la technologie, ils se demandent quel est le vrai prix d'une voiture, d'autant plus que le leasing social est venu quelque peu modifier leur perception. Pour la même voiture, les mensualités passent du simple au triple en fonction de l'éligibilité au leasing social.
Notre challenge est de récupérer les VO électriques avec de bonnes valeurs résiduelles
J. A. : Et sur le marché du véhicule d'occasion ?
J.M. : Je reste très prudent sur le sujet, sur la remontée du VO, sur les prix, etc. Avec la guerre des prix qui s'annonce, il faut que l'on reste prudent sur les valeurs de reprise. En parallèle, notre challenge est de récupérer les VO électriques avec de bonnes valeurs résiduelles. Nous observons de la demande pour ce genre de produits, mais pas à n'importe quel prix.
J. A. : Certains constructeurs poussent leurs distributeurs à se (re)lancer dans la carrosserie. Quelle est votre stratégie sur le sujet ?
J.M. : C'est un sujet qui me parle ! Vous savez que nous sommes un acteur important dans la formation. À la rentrée prochaine, nous allons ouvrir, en partenariat avec la chambre de commerce et d'industrie du Maine-et-Loire, une école de la carrosserie à Cholet (49), qui délivrera un diplôme d’État. En parallèle, nous continuons notre politique de centralisation de nos carrosseries. Nous en avons actuellement une à Cholet, deux à Nantes, une à La Roche-Sur-Yon (85) et nous prévoyons d'en ouvrir une à Angers (49) en 2025. Ce maillage nous permettra d'avoir une belle couverture sur notre territoire.
J. A. : Ce développement a-t-il pour objectif de pallier la possible perte d'activité en après-vente due à l'électrification du parc ?
J.M. : Je ne suis pas très inquiet à ce sujet. Certains experts estiment que la perte en après-vente pourrait être de 8 à 10 % d'ici 2030, mais je pense que l'activité va perdurer pour les dix ans à venir et à un niveau similaire. Néanmoins, il faut rester à l'écoute du marché et se préparer en cas d'évolution.
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