Honda résilie son réseau en Europe et sème la consternation
Depuis plus d'une décennie, Honda a une place compliquée en Europe. En 2023, la marque n'a écoulé que 60 606 véhicules*, en baisse de 9,8 %, alors que le marché était en hausse de 13,7 %. La marque n'a réuni que 0,5% de parts de marché.
Certes, 2024 paraît bien meilleure. Depuis janvier, la marque japonaise progresse de 29,7 % pour atteindre 65 712 immatriculations, mais le contraire aurait été inquiétant, puisqu'il s'agit de l'année de commercialisation de toutes les nouveautés révélées en 2023, à savoir le renouvellement de son best-seller, le CR-V, et le lancement du ZR-V et de l'électrique e:NY1.
Pourtant, nous sommes assez loin des heures de gloire de la marque. Surtout, elle n'arrive pas à retrouver des couleurs en France, et ce, malgré le lancement de ces nouveautés. Depuis la pandémie, les ventes n'ont cessé de s'écrouler. En 2020, elles étaient de 5 802 unités et en 2023, de 4 881 unités. En 2024, le réseau finira péniblement à 4 300 immatriculations. Des chiffres à comparer au 14 500 voitures vendues en 2009.
Dans ce contexte, la filiale européenne a décidé de revoir de fond en comble sa distribution. Ici, pas de contrat d'agent, on conserve le contrat de concessionnaire, mais la restructuration passera par une résiliation de distributeurs européens, avec pour objectif la réduction du nombre de points de vente. Une décision qui passe mal auprès du réseau.
18 adresses en moins
"Nous avons reçu les courriers il y a quelques semaines", nous indique un important distributeur. Une surprise ? La filiale avait indiqué au réseau lors d'une convention en janvier 2024 que la stratégie de la marque concernant la distribution allait évoluer. Mais le réseau ne s'attendait probablement pas à une évolution de cette ampleur.
Selon nos informations, le réseau, qui est actuellement constitué de 84 points de vente détenus par 50 investisseurs, va perdre 18 adresses, pour tomber à 66 sites. Un choix assumé par la filiale. "Nous allons nous concentrer sur les acteurs qui disposent de plusieurs points de vente dans une région", explique Jean-Alexis Bidet, à la tête de la direction automobile de Honda France.
Et ce dernier de citer, par exemple, les groupes Sofipel, qui couvre désormais toute la Bretagne, Clim et ses cinq points de vente dans le Sud-Ouest, Jean Lain, Passion Automobiles, etc.
Une rentabilité en berne
"Contrairement à ce que l'on peut lire, Honda a bien l'intention de rester sur le marché européen", insiste Jean-Alexis Bidet. Cette restructuration lancée par l'Europe permettra de donner au réseau des outils pour assainir sa situation et le rendre plus profitable".
Cela passe donc par la disparition du panneau dans des territoires peu profitables. "Pour autant, nous laissons le choix aux distributeurs résiliés de conserver une représentation pour l'après-vente", poursuit-il. Pour info, le parc roulant à 10 ans de la marque Honda totalise près de 61 000 véhicules.
"Des acteurs historiques, qui affichent des pénétrations supérieures à la moyenne nationale, ont été résiliés !", rétorque le réseau, qui ne comprend pas certains choix, alors que de l'aveux même du constructeur, ce dernier compte s'appuyer sur des "distributeurs locaux, bien implantés, et ne pas être noyé dans le portefeuille de gros investisseurs multimarques."
"Honda résilie les contrats alors qu'il nous ont demandé d'investir dans les showrooms il y a quelques années et que peu d'entre nous a réussi à rentabiliser", font valoir les distributeurs. Pour rappel, en 2023, la rentabilité avait été de seulement 0,6 %, et, selon nos informations, elle sera probablement négative en 2024.
Une stratégie commerciale en dehors du marché
"Honda a réduit nos marges en nous promettant que cette baisse serait compensée par l'augmentation des volumes. Cette dernière n'est jamais arrivée, peste un distributeur. Pendant la période Covid, alors que tous les constructeurs n'arrivaient pas à livrer, nous avions des produits sur le marché. Mais la situation s'est rapidement inversée. Dès que le marché est reparti, nous n'avions plus de modèles à proposer, toute la production étant réservée à la Chine". Il convient de noter, en effet, que toutes les nouveautés du constructeur japonais disponibles en Europe sont made in China.
En outre, la stratégie commerciale et produits semble déboussoler la clientèle "qui ne s'y retrouve plus", regrettent certains distributeurs. "L'image de Honda n'arrête pas de changer, tout comme les politiques commerciales qui ne sont pas adaptées aux contraintes du marché, soulignent-ils. Nous avons reçu un soutien de la part du constructeur en octobre, mais c'était trop tard."
Sous juridiction non européenne
L'autre mesure imposée par Honda, dont la filiale européenne est basée au Royaume-Uni, est la juridiction sous laquelle les nouveaux contrats doivent être signés. "Ils sont de droit britannique", s'étouffent les distributeurs.
Alors que le Royaume-uni ne fait plus partie de l'Union européenne, cette décision semble compliquer très sérieusement les futures relations avec le constructeur. Une mesure qui pourrait pousser le réseau français à s'allier avec des groupements d'autres pays européens. "Nous y réfléchissons", confirment les interlocuteurs interrogés sur le sujet.
Au dessus des 5 000 immatriculations en 2025
Malgré ce contexte tendu, Honda se veut rassurant pour son exercice 2025 (qui se clôturera en mars 2026, selon la comptabilité japonaise, NDLR). "Nous souhaitons repasser au-dessus des 5 000 unités, voire nous rapprocher des 6 000, indique Jean-Alexis Bidet. Le restylage du HR-V qui existe depuis 2022, ainsi que l'arrivée d'une nouveauté, qui ne sera pas la Prelude (concept présenté à l'automne, NDLR), vont nous permettre de reprendre des couleurs."
Surtout, face aux recul du marché de l'électrique, Honda compte s'appuyer sur sa technologie hybride. "Sur la clientèle particulière et des professions libérales, qui a toujours été notre premier canal de distribution, le taux de conversion des essais de nos modèles hybrides est supérieure à la moyenne", indique le dirigeant.
Le réseau semble plus sceptique quant aux ambitions réelles du constructeur. "Ce n'est pas en supprimant des points de vente que la marque va augmenter ses volumes, s'exprime l'un des distributeurs, surtout dans un contexte de baisse des immatriculations et l'arrivée de nouveaux entrants".
*Europe des 27 + Islande, Norvège, Royaume-Uni et Suisse
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