Gérald Richard, Amplitude : "Les distributeurs sont les mieux placés pour devenir les centres névralgiques de la mobilité"
Journal de l'Automobile : Comment évolue la demande automobile et quelles évolutions voyez-vous dans le comportement des clients pour leur mobilité ?
Gérald Richard : Très peu de clients arrivent aujourd'hui avec des certitudes et beaucoup se posent des questions. L'impact est sans doute différent selon les régions et la mise en place ou non de futures ZFE, mais il n'en demeure pas moins que les consommateurs sont conscients que ce qui se passe dans certaines agglomérations va également arriver chez eux. Donc les questions sur la mobilité sont nombreuses et nous sentons un ralentissement de la demande. C'est pourquoi le marché des commandes est morose, en tout cas dans la mobilité à 4 roues.
J.A. : Pensez-vous que nous sommes désormais dans une crise de la demande et non plus de l'offre ?
G.R. : Pas réellement. Mais les hausses de tarifs à répétition, les baisses de conditions commerciales, les incertitudes sur la production, sur l'état des livraisons par rapport aux commandes… tous ces phénomènes finissent par lasser les candidats à l'acquisition et nous connaissons beaucoup d'attentisme chez nos clients. En réalité, nous sommes moins dans cette frénésie de consommation que nous avons connue après les périodes de confinements.
J.A. : Le mouvement vers une sobriété énergétique ou plus largement vers une société moins consommatrice va-t-il impacter la mobilité ?
G.R. : Je suis un concessionnaire de province en premier lieu et dans nos régions il est utopique de penser pouvoir se passer de la voiture. Les transports en commun ne sont pas adaptés sur les villes desservies par exemple par le groupe et le covoiturage reste quelque chose de tout aussi irréalisable. Il faut bien comprendre qu'il ne se passe rien en province en matière de partage du véhicule. Et les tentatives d'alternative à la voiture ne sont pas crédibles. La prise de conscience pour être plus économe en terme de consommation d'énergie existe mais la réalité rattrape les Français, car tous les jours, il faut aller au travail. C'est toujours le même problème : d'un point de vue sociétal, tout le monde a envie de faire des efforts mais la réponse individuelle à la mobilité reste la voiture. De plus, même si les consommateurs entamaient une démarche vers l'électrique, l'augmentation annoncée et promise de l'électricité vient de mettre un gros coup de froid à ce type d'achat.
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J.A. : Les annonces gouvernementales annoncées pendant le Mondial pourront elles avoir un impact sur la transition du parc ?
G.R. : A chaque fois qu'un gouvernement ou les instances européennes décident d'un mouvement, le soutien à une évolution de ce mode de consommation est nécessaire. Je suis satisfait de la mise en place des dispositifs pour permettre aux consommateurs d'accéder plus facilement à ces nouvelles obligations. Mais force est de constater que sur le sujet des aides, il n'y a jamais de permanence. C'est sans doute ce qu'il y a de plus terrible. Il faudrait avoir un plan à long terme pour cette transition de consommation automobile et surtout qu'il soit lisible Aujourd'hui, ce plan ne l'est pas. Personne ne s'y retrouve. D'ailleurs, je n'ai pas vu de clients se précipiter en concession depuis les annonces d'Emmanuel Macron sur le bonus.
J.A. : La France doit-elle s'engager comme l'ont fait les États-Unis sur une aide au long cours pour accompagner la transition énergétique ?
G.R. : Le parc automobile affiche plus de 11 ans d'âge. Ce qui veut dire que l'achat automobile est un investissement au long cours. Et donc, qu'un grand nombre de clients ne sont qu'à un tiers du chemin vers le renouvellement. Ils ne sont pas prêts encore à profiter de ce soutien. Pour qu'une mesure s'installe dans l'esprit des consommateurs, il faut la garantir pendant un certain temps. Et une dizaine d'années paraît être une bonne période pour une transition efficace. On ne peut pas tordre le bras aux consommateurs pour qu'ils achètent tout de suite, sous peine de ne plus pouvoir bénéficier de soutien.
J.A. : Thierry Breton, commissaire européen, a rappelé toute l'importance de la clause de revoyure en 2026, avant l'échéance de l'interdiction de vente de véhicule thermique prévue pour 2035. Peut-on revenir en arrière sur cette décision européenne ?
G.R. : Cela m'inquiète, voire m'effraie, de voir à quel point nos dirigeants changent souvent d'avis. Après avoir annoncé, que c'en était fini pour les véhicules thermiques, Thierry Breton, qui siège dans ces mêmes instances européennes, nous annonce que peut-être que finalement il faudra aménager cette décision. Je ne suis pas rassuré de voir ce manque de cohérence. Au-delà, je pense que, de toute façon, il faudra faire des exemptions à cette règle. Il est utopique de penser que toutes les professions pourront se passer de voitures thermiques en 2035. Je pense aux pompiers, aux secours en montagne, aux ambulances, à la police… Ces professions ne peuvent pas être tributaires d'une recharge qui dure 30 ou 40 minutes pour intervenir. Cette clause de revoyure pourra peut-être permettre de revoir les catégories de population qui pourront poursuivre leur mobilité en thermique.
J.A. : Que vous inspire l'évolution de l'organisation des constructeurs automobiles ?
G.R. : Je pense que l'industrie automobile, en général, ne court pas de risque car il y aura toujours besoin de fabriquer des véhicules quels qu'ils soient. Mais ce risque existe pour certains acteurs. Prennent-ils les bonnes décisions ? Sont-ils prêts ? Pourraient-ils disparaître au profit d'acteurs plus agiles ? Nous savons que la fabrication d'une voiture qui semblait une action très complexe et réservée à des constructeurs ou très artisanale avec une production presque à l'unité, accueille aujourd'hui de plus en plus d'acteurs parce que la technologie électrique permet une certaine simplification de la construction automobile. Les choix opérés en matière de transformation vont-ils permettre de résister à cette arrivée de nouveaux acteurs ? Nous le verrons.
Nous devons devenir les fournisseurs de toutes les solutions de mobilité mais aussi de toutes les solutions qui ont trait à la mobilité
J.A. : Dans ce contexte, finalement, le rôle de la distribution ne se trouvera-t-il pas renforcé car le client aura besoin d'une relation plus personnelle ?
G.R. : D'un point de vue commercial, les choix opérés par un certain nombre de constructeurs de tout miser sur internet et une relation directe avec le client ou occultant le distributeur local, font aussi partie des risques. Je n'ai pas de certitudes mais organisons-nous pour traverser au mieux cette période et résister dans le monde que l'on nous propose. Mon objectif est de mettre ma société en ordre de marche pour qu'elle soit efficiente dans ce nouveau monde. Nous verrons ensuite si les choix étaient bons. Je pense qu'un distributeur est un atout, un point essentiel et reste incontournable sur le territoire.
J.A. : Le mouvement actuel pour une consommation à circuit court, pour donner la préférence au local ne va-t-il pas remettre sur le devant l'importance de la distribution sur le terrain ?
G.R. : Une voiture sur deux vendue dans nos affaires, l'est parce que le client nous connaît et est satisfait de nos services. La différence se fera donc avec les groupes qui ont réussi à imposer une marque distributeur. Notre enjeu est d'être les meilleurs en termes de service et de satisfaction client quel que soit le canal. La marque distributeur offre aux clients la possibilité de faire son shopping avec l'outil qu'il lui convient : un smartphone, un ordinateur, une concession. Pour cela nous devons donc installer la notoriété de notre marque de distributeur. Ce sera également l'enjeu d'Amplitude.
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J.A. : Le groupe Amplitude a initié une démarche vers une offre multimodale de mobilité avec l'offre Amplivolt. Que montre le premier bilan de cette activité ?
G.R. : C'est quelque chose qui est encore peu utilisé parce que les clients n'y pensent pas forcément. Mais c'est à nous de le proposer car certains consommateurs se retrouveront dans cette offre. La différence entre aujourd'hui et il y a 30 ans, où nous étions dans un silo c'est-à-dire un distributeur d'une marque qui ouvrait de 8 heures à 19 heures, c'est bien la diversité de nos offres. Les consommateurs sont sans doute plus versatiles en choisissant parmi une offre complète. A nous d'évoluer et de ne pas rester des vendeurs ou des réparateurs de voitures mais de présenter une palette de mobilité à l'intérieur de nos sites et sur le digital. On peut proposer à l'achat ou à la location pendant une heure ou des mois des voitures, des scooters, des vélos, demain sans doute des motos ou des véhicules de loisirs.
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J.A. : Quel rôle jouera la distribution dans la mobilité de demain ?
G.R. : Je suis intimement convaincu que nous les sommes les mieux placés pour devenir les centres névralgiques de la mobilité sur les territoires où nous sommes présents. Et oui, nous devons devenir les fournisseurs de toutes les solutions de mobilité mais aussi de toutes les solutions qui ont un lien avec la mobilité comme la création de hubs de recharge et l'ouverture de tous nos sites aux clients pour la recharge. D'ailleurs, dans le groupe, nous travaillons sur l'installation de ces points de recharge rapides, soit à des nœuds autoroutiers, soit dans les concessions. Et nous avons créé une société qui distribue des bornes de recharge électrique pour notre clientèle. C'est un complément de notre métier.
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