Philippe Dugardin : "Trouver le bon équilibre dans la monétisation des services de mobilité"
2022 a été une année très riche pour le groupe Dugardin. Vous avez notamment lancé un nouveau label dans lequel vous avez intégré de nouvelles marques. Pour quelle raison l'avez-vous mis en place ?
P.D. : Nous avons effectivement créé Dugardin Electric Brand, label dans lequel nous avons intégré de nouvelles marques électriques, comme Seres et Leapmotor. Ce label a pour vocation d'abriter une proposition de véhicules électriques en dehors des marques déjà existantes et qui ne correspondent pas toujours, ou peu, aux besoins des clients, comme notamment une voiture électrique à moins de 20 000 €. Les constructeurs "traditionnels" ne couvrent pas encore tous les secteurs de l'électrique alors qu'il y a un réel besoin. Je note que l'électrique est aujourd'hui un sujet décomplexé, que les clients comprennent mieux aujourd'hui la voiture électrique. Aujourd'hui, la différenciation ne se fait plus sur le moteur, mais bien sur l'autonomie et sur la vitesse de recharge de la batterie.
J.A. : Comment attirer les clients vers ces autres acteurs, totalement inconnus du public ?
P.D. : Notre premier travail est de les rassurer, de leur monter que nous sommes là en cas de problème. En venant chez nous, ils achètent de la confiance et un savoir-faire, peu importe la marque, puisque ces dernières n'ont pas d'image. Et cela fonctionne, car j'observe que le taux de concrétisation après l'essai est assez élevé.
J.A. : Dugardin Electric Brand a-t-il vocation à accueillir d'autres marques ?
P.D. : Bien sûr. Certaines d'entre elles ont fait le choix de distribuer en dehors d'un réseau de distribution et on observe que le succès n'est pas au rendez-vous. Il existe donc des opportunités de développement. Mais peu importe les marques, elles seront toujours électriques.
A lire aussi : Le groupe Dugardin modernise son site internet
J.A. : Sous cette enseigne, allez-vous développer des solutions de recharge ?
P.D. : Par nature, je ne suis fermé à aucune idée, mais ce n'est pas encore le cas, car aujourd'hui, je n'ai pas encore trouvé de rentabilité sur ce service. Le marché de la recharge est très éclaté, avec beaucoup de concurrence et je note que la rentabilité n'est pas en rendez-vous. En revanche, nous accompagnons nos clients dans leurs démarche et nous travaillons avec un prestataire local qui a d'ailleurs équipé toutes nos points de vente.
J.A. : Vous disposez également de l'enseigne Dugardin Mobility, dédiée aux nouvelles mobilités. Dans quelle mesure cette offre est-elle complémentaire par rapport à votre activité principale ?
P.D. : Il ne s'agit pas ici d'opposer automobile et nouvelles mobilités, mais bien au contraire de proposer une offre de mobilité globale, une mobilité plurielle. Le scooter électrique ou le vélo à assistance électrique sont des modes de déplacement alternatifs et/ou complémentaires à la voiture. 80 % de la clientèle de Dugardin Mobility n'était jamais venue chez nous. Allons-nous leur vendre une voiture ? C'est trop tôt pour le dire, mais s'ils sont satisfaits du service que nous leur proposons, ils reviendront peut-être. Car ce qui est important pour nous, c'est avant tout de vendre notre image de marque et notre savoir-faire.
J.A. : Elle est donc complémentaire à votre offre automobile ?
P.D. : Comment intégrer ces nouveaux moyens de locomotion dans une offre plus globale ? Est-ce que cela passe par de l’abonnement ? Ce mode de rémunération a été développé par des acteurs comme Netflix ou Deezer, mais encore faut-il trouver la rentabilité, ce qui est loin d'être gagné dans l'automobile. Il faut en effet saisir le bon équilibre dans la monétisation de ces services, de cette flexibilité apportée aux clients. Elle a un coût, mais le client est-il prêt à le payer ? Et à quel prix ? Pourtant, cette flexibilité correspond à de nombreux besoins, comme par exemple celui d'un collaborateur qui a besoin d'un véhicule quelques mois pour une mission.
J.A. : Vous distribuez également des véhicules sans permis. Quelle est votre analyse du marché ?
P.D. : Est-ce une offre de mobilité pour ceux qui ont le permis de conduire ? Clairement pas. Le véhicule sans permis, qui devrait d'ailleurs changer de nom, ne remplacera pas l'automobile dans les villes, mais il peut s'inscrire dans une offre de flexibilité, sujet que nous venons d'aborder. En outre, il séduit une nouvelle clientèle, celle des jeunes de plus de quatorze ans pour qui il s'agit d'un excellent outil de liberté et d'indépendance. Le marché d'ailleurs connaît une belle croissance sur ce segment de clientèle, il est vrai depuis le lancement de l'Ami. Mais les produits que nous proposons n'ont rien à voir avec ce modèle et nous avons aujourd'hui des offres de financements attractives, comme c'est le cas chez Microcar avec une proposition à 99€/mois. Je pense que c'est un marché qui va encore se développer car il n'est pas encore assez mature chez les jeunes.
J.A. : Vous avez mis en place un service de bornes interactives pour l'après-vente, ce qui vous a permis de remporter en 2021, le prix de l'Innovation lors des Grands Prix de la Distribution Automobile du Journal de l'Automobile. Après un an d'usage, quel est votre recul ?
P.D. : Cela fonctionne très bien, mais nous avons fait une erreur que nous allons très rapidement corriger. Nous avons installé ce système sur un site où les amplitudes horaires de l'atelier, à savoir 7 heures - 20 heures, sont déjà très larges. Nous avons observé que cela fonctionne encore mieux lorsque les heures d'ouverture des points de ventes sont plus classiques, du type 8h00 - 12h00/14h00 - 18h00. En outre, nous notons que le parcours client n'est jamais sur l'intégralité du service. Ou il dépose les clés de son véhicule le matin dans la boîte et il vient le récupérer aux horaires d'ouverture pour échanger avec le réceptionniste ou c'est l'inverse. En outre, avec l'outil Video Check, nous gardons en permanence le lien avec notre client.
J.A. : Quelle est votre perception pour 2023 ?
P.D. : L'électrification va faire un vrai bon en avant car les offres arrivent de toutes parts. J'observe que la demande sur les véhicules existe toujours, mais que les clients ne veulent pas suivre les tarifs imposés pas les constructeurs. Ce ne sont d'ailleurs pas ces derniers qui vont contraindre le marché, peut-être contrairement à ce qu'ils pourraient penser, mais bien les clients, qui au final décident. Et si les produits s'avèrent trop chers, ils se tourneront vers d'autres offres. C'est pourquoi je pense que 2023, par rapport à 2022 où nous avons connu un arrêt brutal des offres commerciales, risque d'être fort différente.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.