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2009, annus horribilis

Publié le 30 janvier 2009

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
Emmanuel Bulle, spécialiste de l'automobile chez Fitch Ratings, annonce, lui aussi, des prévisions plutôt sombres pour le marché européen cette année. Selon lui, les constructeurs allemands sont les mieux armés pour...
...faire face à la crise et préparer la relance. A l'opposé, on trouve les français…

Avec un marché européen des ventes automobiles qui a clôturé à - 8 % en 2008 par rapport à 2007, difficile de crier à l'optimisme, surtout quand les prévisions pour l'exercice en cours, à défaut d'être très fiables, se révèlent unanimement sombres. Une fois ce postulat posé, Emmanuel Bulle, directeur senior département entreprises et spécialiste automobile chez Fitch Ratings, peut asséner que "2009 marquera vraisemblablement un recul des immatriculations en Europe d'au moins 12 % ! Cela signifie qu'en deux ans, 2008 et 2009, ce marché aura subi une récession de 20 % a minima, ce qui est considérable". Et d'enchaîner sur les difficultés de lecture que présente ledit marché : "Il est très difficile d'être précis et catégorique, car beaucoup de choses sont actuellement en suspens. Par exemple, les différents dispositifs d'aide mis en place par les Etats sont hétérogènes et leurs modalités d'application n'ont pas toujours été énoncées. De surcroît, il n'y a aucune visibilité post-2009".

Le sceau de l'incertitude

Du coup, les inquiétudes sont légion à propos de la tenue des principaux grands marchés cette année. Pour l'Espagne et l'Italie, le cas semble entendu : "Ces marchés se sont effondrés l'an passé et 2009 ne laisse pas de place à l'espoir. Dans un contexte de crise financière et de krach immobilier, aucun rebond n'est envisageable". Concernant l'Allemagne, la situation est plus nuancée car les nouvelles mesures de soutien qui viennent d'être annoncées pourraient permettre d'éviter le pire cette année. Rappelons tout de même aussi que ce marché a déjà encaissé un repli de 11 % sur les deux derniers exercices. Un cas de figure assez similaire est proposé avec le Royaume-Uni, sous un tour encore plus nébuleux, car la prise de position de la Banque d'Angleterre sur les taux d'intérêts reste à ce jour inconnue. Reste le cas particulier de la France qui, sous l'angle des volumes, n'a fait que fléchir en 2008, porté par le dispositif du bonus-malus. La prime à la casse et l'énergie déployée par le gouvernement pour soutenir la filière peuvent s'avérer de bon augure, mais Emmanuel Bulle souligne cependant qu'un "doute plane sur la longévité de ces petits effets d'aubaine…".

Les constructeurs allemands en pole, inquiétude pour les français

Au chapitre des constructeurs les mieux armés pour affronter le grain, l'analyste de Fitch se montre volontiers plus disert. Selon lui, les constructeurs allemands sont clairement les mieux placés : "Le groupe Volkswagen présente ainsi des indicateurs favorables et semble avoir le profil idoine pour faire partie des gagnants potentiels de la phase post-crise. Effet de taille, diversification des marques et des modèles avec un plan produits très cohérent, présence solide sur le marché du PL, etc., autant d'éléments qui plaident en sa faveur. Par ailleurs, Daimler dispose aussi d'un peu d'avance sur ses concurrents, notamment grâce à la marque Mercedes et à son cash. Le groupe fera vraisemblablement partie des futurs vainqueurs, même si un doute subsiste sur son équilibre sur le PL. Enfin, BMW va aussi s'en sortir, mais passera d'abord par une période difficile. Le groupe subit en effet violemment l'impact de la récession américaine, notamment sur les services financiers, parce qu'il a acheté beaucoup de parts de marché là-bas. Ceci étant, la pertinence de sa stratégie environnementale et sa solidité financière sont des gages de succès". Vient ensuite le sujet qui peut fâcher… A savoir l'analyse du positionnement des constructeurs français. Emmanuel Bulle ne se veut pas forcément très rassurant : "Il y a de réels motifs d'inquiétude à leur sujet. Ainsi, le niveau d'endettement de Renault pose clairement problème. Son profil financier se révèle très fragile et s'est dégradé avec le recul de Nissan et celui de Volvo sur le front du PL notamment. PSA apparaît un cran au-dessus, mais l'édifice demeure incertain, comme en témoignent les difficultés actuelles de Peugeot par exemple. En outre, le groupe manque de diversification géographique et produits". Enfin, pour être exhaustif sur le périmètre européen, le groupe Fiat est évoqué, sachant pro memoria que Fitch fut la première agence de notation à remettre le groupe sur le devant de la scène auprès des investisseurs. "Le groupe fait valoir une bonne diversification marchés et une stratégie pertinente, mais l'inquiétude reste de mise, surtout si la crise dure. En fait, il peut passer entre les gouttes, mais combien de temps ?" (ndlr : entretien réalisé avant l'annonce du rapprochement entre Fiat et Chrysler).

Pas de grosses fusions/acquisitions dans un avenir proche

Au final, si Fitch travaille naturellement sur la base de plusieurs scenarii, l'hypothèse la plus probable est la suivante : une année 2009 cauchemardesque, puis une année 2010 plutôt morne. Si un rebond doit intervenir, ce ne sera pas avant le 2e semestre 2010 et encore, rien n'est certain. "Nos prévisions ne sont pas engageantes. En fait, nous nous attendons à un profond remodelage de l'industrie automobile, à l'échelle européenne comme mondiale. Plutôt que de pronostiquer de grosses acquisitions ou autres fusions, nous pensons que des alliances plus légères vont intervenir, de type Renault/Nissan. Des rapprochements stratégiques pour développer un nouveau moteur ou un nouveau modèle sont aussi à attendre. Cependant, d'ici trois à cinq ans, un ou deux constructeurs devraient disparaître purement et simplement", souligne Emmanuel Bulle, avant de conclure sur une note plus optimiste : "Si on considère l'explosion programmée du parc mondial, cette industrie a des perspectives souriantes à plus long terme. D'ici là, il y aura simplement des gagnants et des perdants".

Photo : "D'ici trois à cinq ans, un ou deux constructeurs devraient disparaître purement
et simplement", assène Emmanuel Bulle.

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