Xavier Chardon, Volkswagen Group France : "Nous devons passer de la vente de véhicules à celle de services"
Le Journal de l’Automobile : Comment analysez‑vous les résultats annuels du groupe Volkswagen en 2022, qui termine l’année avec un volume en baisse de 11,7 % à 195 183 immatriculations, alors que le marché s’est réduit de 7,8 % ?
Xavier Chardon : Nous connaissons tous l’état du marché, mais le niveau des commandes n’est pas du même acabit. Le volume des commandes en portefeuille sur le marché n’a jamais atteint ce niveau. C’est le cas notamment pour le groupe Volkswagen avec plus de 100 000 véhicules commandés, en hausse par rapport au bilan semestriel de l’été 2022. Ce volume est toujours lié à la pénurie de semi‑conducteurs et donc aux problèmes de production. Nous avons quelques contraintes logistiques, mais cela reste faible. Car, par exemple, en décembre 2022, nous avons réussi à facturer plus que notre objectif notamment grâce aux concessionnaires qui ont joué le jeu et sont venus chercher des véhicules sur les parcs.
JA. Quelles sont les marques du groupe qui ont le plus souffert ?
X.C. : Volkswagen reste stable par rapport à 2021, Audi a perdu 0,2 point de part de marché, Skoda progresse. Mais la marque qui a le plus souffert est Seat, avec ‑ 0,7 point de pénétration, en partie compensé par une belle progression de Cupra. En schématisant, la perte de performance du groupe est inhérente à Seat. Mais il ne faut pas oublier de noter la bonne progression de la marque Volkswagen VU qui a bondi de 0,7 %.
JA. Comment expliquez‑vous la plus faible performance de Seat ?
X.C. : Tout d’abord à cause des contraintes de semi‑conducteurs qui ont nécessité des choix dans l’allocation de la production. L’avantage a été donné à Cupra, qui est une nouvelle marque. Par ailleurs, Seat reste la marque la moins rentable du groupe.
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JA. A quel moment, la hausse des volumes de production est‑elle attendue en 2023 ?
X.C. : La bonne nouvelle est que cette hausse est déjà visible depuis le dernier trimestre 2022. Ce qui nous laisse augurer un meilleur démarrage cette année. Mais la situation s'avère très différente en fonction des modèles et même des marques. Nous avons des portefeuilles très élevés en véhicules utilitaires et chez Skoda. Chez Audi, par exemple, nous revenons à des situations presque normales pour les thermiques. Mais les difficultés sont encore bien présentes notamment sur les modèles hybrides rechargeables et électriques.
JA. Dans ce contexte, quelle sera la rentabilité du réseau ?
X.C. : Il est un peu tôt pour avoir des chiffres précis, mais nos estimations nous amènent à tabler sur une rentabilité de 1,5 % en moyenne. Ce qui est une très bonne année et un très bon résultat que le réseau n’a pas connu depuis dix ans en France. C’est l’aspect positif d’une année qui reste compliquée en vente de véhicules neufs, mais finalement, la baisse des volumes impacte peu le compte d’exploitation.
JA. Pourtant, le CA a forcément diminué…
X.C. : Certes, il va manquer un peu de chiffre d’affaires, mais la baisse des volumes est compensée par une bonne maîtrise des remises et un panier moyen qui est en augmentation de plus de 6 % à 34 500 euros. De plus, nous avons réussi une très bonne année en véhicules d’occasion. C’est même la première fois que le VO est plus rentable que le VN en termes de contribution. Nos concessionnaires ont su adapter leur stratégie avec du sourcing européen, des actions d’achat sec pour compenser le manque de reprises, un changement d’affectation des canaux avec plus de ventes à particulier et un bon management du prix également.
Nous observons aussi une belle augmentation de la LOA sur le VO (+ de 20 % pour nos meilleurs opérateurs). Le grand motif de satisfaction reste l’après‑vente et la vente de pièces de rechange. Les frais fixes sont maîtrisés, même si nous avons quelques inquiétudes notamment liées à la hausse du prix de l’énergie. Mais beaucoup de leviers restent à actionner.
JA. En 2023, le groupe a décidé d’arrêter le label VO Das WeltAuto, pourquoi ?
X.C. : Le label touchait toutes les marques du groupe sauf Audi qui avait gardé son propre programme. Das WeltAuto était intéressant dans une logique de mutualisation physique des stocks, mais nous nous sommes rendu compte, qu’après plusieurs années d’existence (près de dix ans), sa notoriété n’est pas exceptionnelle et les clients passent directement par l’univers de nos marques pour acheter leur occasion. Il vaut mieux consolider la notoriété de nos marques et le flux naturel dans nos sites. Et c’est d’ailleurs un constat européen.
Nous allons remettre un label VO dans chaque marque pour pouvoir profiter de leur puissance. Pour Volkswagen, le programme s’appellera Volkswagen Occasions Garanties. Il s’agit également de nous différencier des plateformes numériques, telles que La Centrale ou Le Bon Coin, sachant que nous avons notre propre plateforme générique avec Heycar. Cela ne veut pas dire que nous allons refondre complètement les sites et les halls d’exposition de nos concessionnaires multimarques. Nous allons avoir beaucoup de pragmatisme avec des équipes communes et une approche digitale à partir de nos marques. Mais dès le 1er avril 2023, nous aurons effectivement une organisation différente.
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JA. En 2022, le groupe a également mis sur pied de nouveaux contrats d’agent pour son réseau. Où en êtes‑vous aujourd’hui dans cette nouvelle organisation ?
X.C. : 100 % des concessionnaires ont signé le nouveau contrat pour la distribution des véhicules électriques, pour les marques Volkswagen VP, VU, Skoda, Audi et la procédure était déjà lancée pour Cupra. Et nous avons démarré avec l’ID. Buzz mais nous avons décalé le lancement pour les autres modèles du groupe (ID.3, 4 et 5), mais aussi pour les marques Skoda et Audi. L’objectif est d’avoir une montée en cadence plus étalée dans le temps pour roder nos systèmes et notamment ceux informatiques, car nous ne sommes pas encore prêts à 100 %.
JA. Quels sont les problèmes rencontrés ?
X.C. : Tout ce qui est automatisation des flux, traitement de la commande client. Nous avons mis en place un back‑office commun à toutes les marques pour la facturation, la comptabilité, l’encaissement des premiers loyers… Mais il doit monter en puissance progressivement. Nous voulons éviter ce que nous avons connu avec Cupra au départ de ces nouveaux contrats. Nous serons prêts pour la fin du premier semestre 2023.
JA. Ce changement est important pour le distributeur, mais il l’est également pour le constructeur qui voit augmenter ses charges. Est‑ce une source d’inquiétude ?
X.C. : Peut‑être pas une inquiétude mais il est certain qu’il s’agit d’un nouveau métier, même si nous avons un peu d’expérience avec les ventes directes. Ce qui est nouveau, c’est le traitement du client en direct. Et nous nous rendons compte que nous n’avons pas le même niveau d’exigence que notre réseau. Même si nous sommes consumer centric dans notre stratégie, dans la réalité, nous ne le sommes pas encore. Et c’est le gros avantage avec le système d’agent, car nous pourrons nous mettre au diapason avec notre réseau, pour traiter le client de la meilleure manière possible.
JA. Si 100 % du réseau a signé le nouveau contrat, qu’en est‑il du protocole d’accord ?
X.C. : Environ la moitié. Mais nous n’avons pas d’objectif sur ce point. Aux concessionnaires de décider s’ils veulent notre soutien financier ou non.
JA. Oliver Blume, nouveau CEO du groupe, a livré son plan stratégique. Quelles sont les évolutions à venir ?
X.C. : Le premier point important à préciser, c’est qu’il n’y a pas de remise en cause de la stratégie du groupe. Et la volonté d’Oliver Blume est même d’accélérer. D’où ce plan pour préparer davantage le groupe aux mutations du monde automobile. Deux de ces points concernent la consolidation de nos ventes en Chine, un développement de notre chiffre d’affaires aux États‑Unis, mais aussi l’implantation des gigafactories ou encore le déploiement de la nouvelle plateforme logicielle.
JA. Ce plan prévoit également une plus grande différenciation entre les marques du groupe. Quel est l’axe de travail ?
X.C. : Il faut y voir la volonté de redéfinir plus précisément ce qu’est une marque et quelle est la contribution de chaque produit dans les marques. Ce travail a été fait chez Skoda. Les mêmes éléments sont en cours chez Volkswagen, Audi… pour renforcer le poids de chaque marque et la raison de chacun des modèles. Certains ne seront pas reconduits pour laisser la place à de nouvelles opportunités, notamment les 50 nouveaux véhicules électriques qui arriveront d’ici 2030. Le tout avec des ambitions renouvelées dans la qualité de nos produits et de nos services.
JA. Vous avez créé une nouvelle direction de la mobilité en 2022 en France. Quel est son champ d’action ?
X.C. : Cette direction des nouvelles mobilités se base sur trois piliers : l’activité BtoB (ventes aux sociétés) car nous devons passer de la vente de véhicules à celle de services. Le véhicule d’occasion y figure également en bonne place car il existe une forte synergie notamment par le biais des valeurs résiduelles et le remarketing. Enfin, cette direction chapeaute également les nouvelles formes de mobilité avec des sujets tels que l’abonnement et sans doute d’autres éléments de mobilité durable et douce.
Je pense particulièrement à l’intégration d’autres véhicules ou d’autres services. Nous avons déjà démarré les offres sans engagement chez Seat. La formule a été étendue chez Volkswagen sur le T‑Roc et le Taigo. Nous allons tester des modèles différents pour 2023 sur une offre de mobilité afin de couvrir un segment entre la très courte durée et la longue durée (entre 7 et 18 mois) sur un choix de véhicules plus restreint voire de l’occasion. Mais d’autres offres seront intégrées que ce soit en termes de services ou de produits : des véhicules, des deux‑roues électriques…
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