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Constructeurs

Tommaso Pardi, Gerpisa : "Face au retour de Trump, le rapport Draghi serait une bonne réponse de l'Europe"

Publié le 7 novembre 2024

Par Nabil Bourassi
4 min de lecture
Le président américain élu a promis un retour à une politique en faveur du moteur à combustion, assortie de mesures très protectionnistes. Les décisions de Donald Trump pourraient mettre sous pression les Européens s'ils ne parviennent pas à trouver la bonne parade. Pour Tommaso Pardi, économiste et chercheur au CNRS, président du Gerpisa, le rapport de Mario Draghi est une partie de la réponse.
Tommaso Pardi et voiture électrique
Tommaso Pardi, économiste et chercheur au CNRS, estime que les Européens doivent s'inspirer du rapport Draghi pour répondre à l'élection de Donald Trump. ©Tommaso Pardi

Le Journal de l'Automobile : Donald Trump a promis de revenir sur une politique "pro" moteurs à combustion, est-ce que cela pourrait mettre l’Europe et son agenda CAFE sous pression ?

Tommaso Pardi : Il y a un effet pendule aux États-Unis avec une nouvelle politique industrielle à chaque nouveau président. Mais en réalité, il y a un facteur de stabilité qui sont les prérogatives des États. La Californie, par exemple, pourra maintenir sa politique favorable à la voiture électrique, de la même manière que le Texas n’a pas basculé dans cette technologie à la faveur des aides promues par l’administration de Joe Biden. De ce point de vue, le retour de Donald Trump ne sera pas un tremblement de terre dans la trajectoire de progression des voitures électriques qui restera plus lente qu’en Europe. En revanche, il est possible que son élection redonne de la voix aux mouvements populistes en Europe, et parmi eux, les tenants d’un retour en arrière sur les ambitions environnementales européennes. 

 

J.A. : L’arrivée de Donald Trump, c’est aussi le retour du protectionnisme…

T. P. : C’est l’un des enjeux majeurs auxquels seront confrontés les Européens. Donald Trump a promis un durcissement du protectionnisme vis-à-vis de la Chine, ce qui mettra l’Europe sous pression, car les Chinois voudront écouler leurs stocks sur le marché européen. Or, les Européens ont davantage besoin de la Chine que les Américains pour se fournir en batteries ou pour des partenariats s'ils veulent tenir leur objectif de 2035. L’autre enjeu, c’est que le protectionnisme promis par Donald Trump concernera également les Européens, et c’est une très mauvaise nouvelle pour l’Allemagne qui souffre déjà de la baisse des exportations en Chine.

 

A lire aussi : Donald Trump élu, quel avenir pour la voiture électrique ?

 

J.A. : Berlin pourrait-il faire pression sur Bruxelles pour assouplir sa politique ?

T. P. : Les Allemands n’ont pas réussi à empêcher les sanctions contre les constructeurs chinois. Ils n’ont pas non plus obtenu d’Ursula von der Leyen, réélue cet été à la tête de la Commission européenne, de revoir l’agenda de 2035 comme ils l’espéraient. L’influence allemande n’est peut-être pas aussi forte qu’on le pensait. Mais l’arrivée de Trump pourrait être un argument que certains partis utiliseront pour faire avancer leurs idées. Toutefois, le processus législatif européen est long et complexe… 

 

J.A. : Entre le ralentissement du marché européen et le contexte international, les constructeurs automobiles européens semblent pris en étau. Comment sortir de ce piège ?

T. P. : Il y a une forme de dramatisation. Les constructeurs automobiles agitent des profit warning, mais il faut se rappeler qu’ils ont enregistré des profits exceptionnels ces trois dernières années. Et les marges annoncées autour de 6 à 7 %, contre les 10 à 12 % précédents, restent des marges tout à fait convenables. Après, il est vrai que la conjoncture est difficile. Les fermetures d’usines annoncées par Volkswagen ont focalisé l’attention de l’opinion publique, même si elles n’ont pas encore été formellement confirmées. Mais la stagnation du marché des voitures électriques entre 2023 et 2024 était prévue. Le ralentissement est juste plus fort qu’attendu. Les constructeurs automobiles avaient programmé leur agenda produit pour avoir des nouveautés en 2025 et être en phase avec la nouvelle norme des émissions de CO2.

 

A lire aussi : Tommaso Pardi, Gerpisa : "Reporter l'échéance de 2035 nous conduirait au chaos"

 

J.A. : L’Europe n’a-t-elle pas intérêt à être plus offensive dans sa doctrine industrielle ?

T. P. : Il y a deux attitudes à avoir. D’un côté, la stratégie du repli avec des fermetures d’usines. Ce que fait un peu l’Allemagne qui a du mal à négocier le virage de l’électrique. L’autre piste serait de s’inspirer du rapport écrit par Mario Draghi pour se donner les moyens de soutenir notre transition énergétique. C’est une manière de s’inspirer des recettes qui ont permis à la Chine d’avoir le leadership actuel : politique volontariste, réglementation ambitieuse, investissements massifs… Les sommes consacrées ne seront pas de l’endettement, mais de l’investissement. De ce point de vue, l’année 2025 sera cruciale parce que ce sera le moment pour les Européens de faire les bons choix et de donner de nouvelles perspectives à l’industrie automobile européenne. L’arrivée de Donald Trump est une fantastique opportunité pour l’Europe de reprendre position là où les Américains seront en repli.

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