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Constructeurs

Recyclage automobile : l'Europe revoit ses ambitions à la baisse

Publié le 12 décembre 2025

Par Mohamed Aredjal
4 min de lecture
Le Conseil et le Parlement européens sont parvenus à un compromis sur les nouvelles règles de circularité dans le secteur automobile. La réglementation octroie notamment un délai supplémentaire aux constructeurs pour parvenir à 25 % de plastique recyclé dans les véhicules neufs. Les ONG environnementales y voient un recul contre-productif.
Actuellement, le taux de recyclage des plastiques issus des véhicules en fin de vie plafonne à 19 %, tandis que les métaux, bien que recyclés à 85 %, sont le plus souvent broyés sans valorisation optimale. ©AdobeStock-Quality Stock Arts

Il ne s'agit pour l'heure que d'un accord provisoire, conclu le 12 décembre 2025, entre la présidence du Conseil et les représentants du Parlement européen. Le règlement devra ensuite être formellement approuvé avant son adoption définitive, et entrera en vigueur deux ans plus tard.

 

Toutefois, pour Magnus Heunicke, ministre danois de l'Environnement, cette avancée constitue "un cadre solide qui comble les lacunes et garantit que les matériaux précieux restent dans l'économie de l'UE".

 

Il remplace deux directives existantes et étend considérablement leur champ d'application. Désormais, au-delà des voitures particulières et des utilitaires légers, les poids lourds, les motos et les véhicules à usage spécial seront soumis aux obligations de collecte, de dépollution et de démontage.

 

 

Que prévoit le nouveau règlement ?

 

Le texte impose pour la première fois des objectifs chiffrés en matière de plastiques recyclés dans les véhicules neufs : 15 % dans les six ans suivant l'entrée en vigueur, puis 25 % au bout de dix ans. Une disposition particulière exige qu'au moins 20 % de ces plastiques proviennent du recyclage en boucle fermée, c'est-à-dire de matériaux issus de véhicules hors d'usage (VHU).

 

La Commission européenne devra également établir, sur la base d'une étude de faisabilité, des objectifs futurs pour d'autres matériaux comme l'acier, l'aluminium ou les matières premières critiques.

 

 

Cette mesure répond à un constat alarmant : alors que l'industrie automobile consomme plus de sept millions de tonnes d'acier et six millions de tonnes de plastiques chaque année dans l'UE, elle n'utilise actuellement qu'une infime part de matériaux recyclés.

 

Le taux de recyclage des plastiques issus des véhicules en fin de vie plafonne à 19 %, tandis que les métaux, bien que recyclés à 85 %, sont le plus souvent broyés sans valorisation optimale.

 

Un dispositif durci contre les "véhicules fantômes"

 

Pour faire face à la multiplication des véhicules disparus des radars administratifs, le règlement précise désormais les conditions dans lesquelles un véhicule est juridiquement qualifié de déchet. Une fois ce seuil franchi, le véhicule ne peut plus être ni cédé ni exporté en tant que voiture d’occasion : son passage par un centre de traitement agréé devient obligatoire.

 

Le texte renforce également le contrôle des transferts de propriété réalisés par les opérateurs économiques. Il introduit une logique d’analyse des risques pour les transactions entre particuliers, en particulier lorsque le véhicule est déclaré économiquement irréparable par un assureur ou lorsqu’il est vendu en ligne sans remise physique effective.

 

Autre évolution majeure : l’exportation de voitures d’occasion ne respectant pas les exigences de mise en circulation sera interdite. Cette mesure, dont l’application est toutefois différée de cinq ans après l’entrée en vigueur du règlement, vise à limiter les contournements du dispositif.

 

Cette orientation s’inscrit dans une volonté plus large d’éviter que l’Europe n’exporte sa pollution vers des pays tiers, tout en conservant sur son sol les matières premières issues des véhicules en fin de vie.

 

Dans cette logique, la responsabilité élargie des producteurs (REP) est sensiblement renforcée, notamment par la mise en place d’un mécanisme transfrontalier obligeant les constructeurs à financer le traitement des VHU, quel que soit l’État membre où ils arrivent en fin de vie.

 

Les ONG environnementales restent très critiques

 

Malgré les avancées introduites par le texte, les organisations environnementales ne désarment pas. Le Bureau européen de l’environnement (EEB) et l’ONG allemande Deutsche Umwelthilfe estiment que le projet final s’est sensiblement éloigné de ses ambitions initiales, sous l’influence du lobby des constructeurs.

 

Selon elles, l’Union européenne a manqué l’occasion d’engager une véritable transformation du secteur. "Au lieu de favoriser moins de véhicules, plus compacts et plus réparables, les législateurs européens ont choisi de recycler de vieilles erreurs", regrette Fynn Hauschke, responsable des politiques d’économie circulaire à l’EEB.

 

Les ONG critiquent en particulier la baisse des exigences en matière de plastique recyclé, dont l’objectif a été revu à la baisse par rapport aux 25 % initialement envisagés dès la sixième année. Elles dénoncent également le report de dispositions jugées structurantes, notamment les garde-fous visant à limiter l’exportation de véhicules fortement polluants.

 

De son côté, Barbara Metz, directrice générale de Deutsche Umwelthilfe, qualifie de "scandaleux" le niveau d’obligations imposées aux constructeurs, rappelant l’affaire du cartel antirecyclage mise au jour cette année par la Commission européenne.

 

Pour les ONG, l’enjeu reste pourtant clair : contraindre les industriels à concevoir des véhicules plus sobres en ressources, réellement réparables et intégrant des filières de réutilisation et de recyclage à haute valeur ajoutée.

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