Marc Hedrich, Kia France : "Notre approche n'est pas dogmatique"

Le Journal de l'Automobile : Quelle est la situation de Kia sur le marché français ?

Marc Hedrich : À fin octobre, nous réalisons un record historique avec 40 338 immatriculations, en progression de 7,1 %. Un succès qui nous permet d’envisager très sereinement de tutoyer les 48 000 immatriculations à la fin de l’année, ce qui serait également un record historique. Paradoxalement, nous arriverions à un léger tassement de notre part de marché, à 2,8 %. Cela serait la première fois en huit ans que cette dernière ne progresserait pas.

J.A. : Quelles sont les clés de cette réussite ?

M.H. : Nous ne sommes pas une marque monoproduit ou monoculture. Notre succès s’appuie sur plusieurs piliers. À commencer par celui des citadines. Alors que beaucoup de constructeurs ont décidé d’arrêter le segment A, nous avons de très bons résultats avec la Picanto qui, je le rappelle, est non seulement un produit rentable pour le constructeur, mais également pour le réseau. Elle est d’ailleurs le troisième modèle le plus vendu de la gamme (5 548 unités à fin octobre 2023, NLDR). Sur le segment des citadines, nous avons également de bons retours avec le Stonic. En revanche, nous allons arrêter la Rio, une décision qui n’est pas liée à son manque de succès, mais pour des raisons de normes antipollution. Cette décision avait d'ailleurs déjà été prise avant les discussions sur la norme Euro 7.

Le Sportage bat également des records et représente 4 % de part de marché sur son segment

J.A. : Vu les résultats des ventes, le Sportage doit également être un autre pilier ?

M.H. : Effectivement. Il s’agit du premier modèle le plus vendu de notre gamme (10 670 unités à fin octobre 2023, NLDR). Il bat également des records et représente 4 % de part de marché sur son segment, bien au-dessus de la pénétration de la marque. Le fait qu’il soit disponible en quatre motorisations (diesel, essence, hybride et hybride rechargeable) plaît beaucoup aux loueurs. Je fais d’ailleurs un aparté sur le diesel. Nous continuerons à vendre cette motorisation tant qu’il y aura de la demande, et il y en a. Nous nous devons d’offrir à nos clients toutes les solutions de mobilité adaptées à leurs besoins. Notre approche n'est pas dogmatique, car au final, c’est toujours le client qui décide. Enfin, le Niro, dont la deuxième génération démarre très bien, et la famille Cee’d, sont également des éléments moteurs dans notre croissance. Pour rappel, le Niro est notre deuxième bestseller (7 290 unités à fin octobre 2023, NLDR).

J.A. : Alors que Kia propose un vaste panel de motorisations, quelle est la stratégie de la marque sur l’électrique ?

M.H. : À l’international, Kia a pour ambition de vendre 1,3 million de véhicules électriques sur les 4,5 millions d’unités prévues à horizon 2030. L’Europe est bien entendu un élément clé de cette stratégie. Aujourd’hui, en France, les électriques, portées par le Kia Niro électrique et l’EV6, couvrent 17,6 % de nos ventes. Et sur le marché de l’électrique toutes marques confondues, nos modèles représentent une part de marché de 3,1 %, alors qu’en étant présent uniquement sur les segments où nous sommes, nous ne couvrons que 30 % du marché. Nous sommes donc très satisfaits du résultat. Nous allons poursuivre dans cette voie avec l’EV9, notre vaisseau amiral, et avec les modèles à venir. Kia a présenté il y a quinze jours, en Corée du Sud, le plan produits de la gamme EV avec quatre nouveaux modèles, dont l’EV3, un véhicule du segment B-SUV que nous présenterons au salon de Paris en 2024.

Le Kia EV9 est le vaisseau amiral de Kia en Europe. ©Kia

J.A. : Quelles vos ambitions pour l’EV9 ?

M.H. : Avec ce modèle, nous attaquons un nouveau marché. Comme je viens de vous le dire, il s’agit de notre vaisseau amiral. Nous sommes le seul constructeur généraliste à être présent sur le segment E, un segment dominé naturellement par les marques premium. En parallèle, l’EV9 affiche un tarif qui commence à 73 000 € là où cette concurrence, principalement allemande, voire suédoise, est plus chère de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Nous partons donc un peu vers l’inconnu, mais j’estime que nous avons un potentiel de mille voitures, dont 80 % à société.

Kia est le seul constructeur généraliste à être présent sur le segment E

J.A. : À ce propos, quelle est la stratégie de Kia sur les sociétés ?

M.H. : C’est notre priorité. J’attire votre attention sur le fait que Kia est aujourd’hui la septième marque auprès des leasers avec une part de marché de 4 %. Si j’additionne notre performance sur le marché du BtoB avec les ventes directes à société, nous couvrons une part de marché de 2,7 % quand nous sommes à 3,2 % sur le marché BtoC, ce qui nous place, sur ce sujet, dans le top 10 des marques. Mais au-delà des chiffres, j’observe surtout une évolution de la perception de Kia auprès des clients. Sur l’EV6, 16 % de nos reprises sont des marques premium. C’est pour Kia une première. Même constat avec le Sportage : 10 % des reprises proviennent de la concurrence premium.

J.A. : Un changement d’image ?

M.H. : Notre ambition n’est pas de devenir une marque premium, mais je note que nos produits séduisent une clientèle qui n’aurait pas forcément pensé à nous, grâce à notre design et à notre technologie, notamment sur l’électrique. Je rappelle qu’avec Hyundai, nous sommes les seuls, comme marque généraliste, à proposer une batterie 800 V. Sur le marché, il n’y a que Porsche et Audi. Avec des offres beaucoup plus chères.

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J.A. : Quelle est la situation du réseau ?

M.H. : Nous avons actuellement 215 points de vente représentés par 80 investisseurs. Ce nombre se réduit, mais il s’agit d’une réduction naturelle, liée à la concentration de la distribution, et non pas une volonté de notre part. Nous avons d’ailleurs encore des concessionnaires indépendants qui réalisent entre 5 et 6 % de part de marché sur leur territoire. Je pense notamment à la concession de Verdun (55) ou d’Alès (30), pour ne citer qu’elles, qui surperforment.

J.A. : Prévoyez-vous d’agrandir le réseau ?

M.H. : Nous couvrons 95 % du territoire, nous disposons d’une bonne capillarité. Avant d’ouvrir un point de vente, il faut que le réseau y trouve une certaine rentabilité.

La rentabilité sera probablement entre 1 et 1,1 % en 2023

J.A. : Pas d’évolution prévue concernant les contrats de distribution ?

M.H. : Le contrat d’agent est un non-sujet chez Kia.

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J.A. : Quelle va être la rentabilité au sein du réseau ?

M.H. : Elle sera probablement entre 1 et 1,1 %. C’est en dessous du pourcentage de 1,3 % enregistré en 2022.

J.A. : Quelle est la raison de cette contraction ?

M.H. : Le coût des charges fixes, avec deux points qui ont augmenté, les salaires et le coût de l’énergie, et l’augmentation des coûts financiers. Néanmoins, je relative cette baisse car, en parallèle, nous estimons que le chiffre d’affaires va progresser entre 10 et 15 %.

J.A. : Comment appréhendez-vous les années à venir ?

M.H. : Outre la gamme électrique évoquée, nous avons une stratégie très forte sur l’utilitaire. Nous prévoyons de nous lancer en Europe en 2025 avec une gamme complète, 100 % électrique, adaptée aux usages professionnels, mais cette offre sera inédite et ne copiera pas ce qui existe déjà sur le marché. Au final, Kia France vise en 2028, les 70 000 immatriculations.