Les constructeurs doivent sécuriser leurs ressources pour fabriquer les batteries
L’accès aux métaux clés pour fabriquer les batteries sera le nerf de la guerre dans le futur de l’automobile.
Les ressources dans ces matériaux sont très limitées et l’offre très concentrée en Asie, ce qui oblige les constructeurs à se positionner sur ce terrain, soit en passant des contrats avec des exploitants de mines comme l'a décidé Stellantis avec GME en Australie pour l’achat de sulfate, de nickel et de cobalt, soit en entrant aux capitaux de ces entreprises comme le groupe Volkswagen.
Le groupe allemand a multiplié les annonces depuis deux ans : création d’une coentreprise avec Umicor, prise de participation dans la start-up de fabrication de batteries 24M Technologies, ouverture de six méga-usines de cellules en Europe en s’alliant au suédois Northvolt par joint-venture, entre autres.
L'ONG Transport & Environnement analyse de manière approfondie les chaînes d'approvisionnement des constructeurs en plusieurs points pour élaborer un classement de leurs stratégies en fonction des objectifs d'électrification à l'horizon 2030.
Un top 3 solide et hétéroclite
Tesla est en tête du classement des stratégies de chaîne d'approvisionnement en batteries avec 80 points sur 100. Elle glane cette position grâce à la production de ses 4 680 cellules de batteries dans son usine du Texas.
En terme de sécurisation de la matière première, Tesla se classe très bien également. L’entreprise américaine ne mise pas sur le cobalt et compte se tourner entièrement vers des produits qui n'en utilise pas (haute teneur en nickel, haute teneur en manganèse et batteries lithium-fer-phosphate) d'ici 2030. Ce qui lui offre le luxe de ne pas avoir à sécuriser son approvisionnement et lui laisse le temps de se concentrer sur les nombreux contrats dont elle dispose pour le lithium et le nickel.
Fort d'une stratégie ambitieuse, le groupe Volkswagen se classe deuxième avec 75,1 points. Depuis son lancement en juillet 2022, la filiale du constructeur allemand, PowerCo SE a choisi d'implanter trois usines de fabrication de cellules de batteries à Salzgitter (Allemagne), Valence (Espagne) et Saint-Thomas (Canada).
Volkswagen doit sa place aux nombreuses stratégies qu'elle a noué avec plusieurs autres entreprises, en plus de celles déjà citées. Figurent ainsi des joint-ventures pour le nickel et le cobalt avec Huayou Cobalt et Tsingshan en Indonésie. Et en ce qui concerne les matériaux cathodiques, c'est avec Umicore et encore Huayou que le constructeur s'est lié. Cela fait du groupe allemand le constructeur automobile européen le plus impliqué dans la chaîne d’approvisionnement.
L’étude publiée par Transport & Environnement atteste même que Volkswagen "a également adopté un ensemble complet de politiques sur l'approvisionnement responsable en matériaux de batterie, la diligence raisonnable et les droits humains, de bonnes politiques ainsi qu'un contrat pour acheter du lithium sans CO₂ auprès de Vulcan Energy", tout cela lui rapportant des points supplémentaires et lui permettant de devancer la troisième entreprise de ce classement, BYD.
BYD termine troisième avec 75 points également grâce à un quasi-carton plein sur la stratégie de production que l’entreprise a démarré bien avant les européens et son approvisionnement en métaux.
Le constructeur chinois a adopté une stratégie différente de celle des constructeurs historiques, car il a choisi, comme la plupart des équipementiers chinois, de passer à une chimie sans nickel et sans cobalt pour éviter d’en devenir dépendant. Il lui suffit donc de sécuriser sa chaîne d'approvisionnement en lithium, marché que la Chine domine largement en exploitant son propre sous-sol et également des mines sur toute la planète.
BYD fait également partie des premiers à s'impliquer dans la production de batteries sodium-ion. Le constructeur prévoit son propre projet minier et possède des investissements directs dans des mineurs de lithium ainsi que d'autres contrats d'approvisionnement. Cependant, BYD est l'entreprise la moins bien classée sur la partie "approvisionnement responsable" de l’indice ce qui lui coûte très probablement la première place, n'y ayant obtenu aucun point.
Ford et Stellantis, derrière mais dans le coup
Ford arrive quatrième avec 72 points. La figure 2 le montre, selon Transport & Environnement, Ford est l’entreprise qui détient le plus grand pourcentage de matière première sécurisée à l’échelle mondiale.
L’ONG a estimé qu'au moins 60 % de sa demande en lithium et 74 % de ses besoins en nickel en 2030 sont garantis et Ford a un investissement direct dans un projet de nickel qui produira également du cobalt. La stratégie de Ford repose principalement sur deux coentreprises : une avec SK aux États-Unis et une avec LG Chem et Koç Holding en Turquie.
Ford se démarque comme le constructeur automobile avec la meilleure divulgation des détails importants de ses contrats. Le groupe a deux contrats pour acheter du lithium provenant de sources géothermiques.
Stellantis, deuxième européen du classement, arrive cinquième avec 64 points. Le groupe dispose d'une stratégie globale en matière de cellules de batterie, basée principalement sur sa coentreprise Automotive Cells Company (ACC) avec Mercedes-Benz et TotalEnergies.
Pour le reste, Stellantis a choisi d'investir directement dans des sociétés minières détenant des participations dans au moins quatre sociétés pour du lithium, du nickel et du cobalt. Le groupe se démarque également par ses partenariats dans les matériaux bas carbone avec deux contrats pour le lithium extrait de saumures géothermales (eaux très concentrées en sel et en lithium, après évaporation de l'eau il ne reste qu'à récupérer le métal) et un pour le nickel traité avec un processus de biolixiviation (principe d'extraction d'un produit soluble par un solvant) économe en énergie. Stellantis participe à la production européenne de matériaux cathodes dans le cadre de l'accord de fourniture entre ACC et Umicore.
Cela reste insuffisant
Seules cinq entreprises – Tesla, BYD, VW, Renault et Stellantis – ont conclu des contrats à long terme pour chacun des trois métaux clés ou prévoient de modifier la composition chimique des batteries pour mettre fin à leur dépendance à l'un de ces métaux, selon l'étude.
Globalement, cela montre que les douze entreprises classées ici ont encore un long chemin à parcourir en termes de sécurisation de leur chaîne d’approvisionnement en matières premières pour réussir la transition vers les véhicules électriques.
En ce qui concerne le lithium, le nickel et le cobalt, les contrats publiquement annoncés par les constructeurs ne couvrent que 16 % de la demande mondiale de matériaux en 2030 pour produire les véhicules.
Marie Chéron, responsable politiques véhicules à T&E France, explique: "Il y a un décalage évident entre les objectifs des constructeurs automobiles en matière de véhicules électriques et leurs stratégies sur les métaux critiques. Tesla et BYD ont une longueur d'avance sur la plupart des acteurs européens, qui commencent seulement à prendre conscience du défi que représente la sécurisation des métaux des batteries. Nous tirons la sonnette d'alarme et appelons les PDG et les investisseurs à s'engager plus en amont sur les chaînes d'approvisionnement."
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