La nouvelle Ami(e) de Citroën
Est‑il arrivé au bon moment ? Probablement. Pourtant, l’idée n’est pas nouvelle. Renault avait déjà ouvert la voie en 2011. Mais trop tôt, avec une stratégie commerciale discutable dans un premier temps (un prix d’achat élevé avec en plus la location de la batterie), le Twizy n’a pas vraiment su trouver sa place, malgré quelques succès d’estime. Alors, lorsque Citroën présente à la presse en 2020 son quadricycle pouvant être conduit à partir de 14 ans, la marque est attendue au tournant.
Les résultats n’ont pas tardé. "En France, entre 2019 et 2021, le marché du quadricycle est passé de 12800 à 21973 unités, nous indiquait, en février dernier dans Le Journal de l’Automobile, Philippe Colançon, fondateur du groupe Aixam (Aixam, Mega). 2021 a battu la période 2006‑2007 qui représentait 15000 ventes."
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La raison d’une telle progression ? L’Ami. Depuis le début de l’année, elle truste la deuxième place du marché du quadricycle léger. Une performance qui chamboule profondément ce marché, jusqu’alors assez stable et couvert par deux grands acteurs, Aixam et le groupe Ligier. Et ces résultats ne sont pas propres à la France. Dans les neuf pays où l’Ami est commercialisée, Citroën a enregistré quelque 25000 commandes (à mi‑septembre 2022).
Véhicule de la ruralité
Ce véhicule semble correspondre à des besoins, bien qu’ils soient éloignés de ceux prévus initialement par le constructeur lors de son lancement. Les clients de l’Ami se trouvent, en effet, bien plus dans les zones rurales que dans les métropoles. En France, 42 % d’entre eux vivent dans des petites villes de 2000 à 20000 habitants et 26 % à la campagne. "Il y a effectivement un décalage entre la communication de lancement et la réalité du marché", reconnaît Alain Le Gouguec, chef de produit Citroën Ami.
La raison ? "Le véhicule correspond parfaitement aux besoins des clients pour pallier le manque de transports en commun dans les zones rurales et où il est facile de se recharger", note‑t‑il. "À la campagne, notre clientèle est composée de jeunes dont les parents ne veulent pas les voir sur un deux‑roues, considéré comme trop dangereux, et de gens qui n’ont pas leur permis de conduire ou qu’ils l’ont perdu, observe Étienne Copinet, directeur de la concession Citroën à Reims (51), détenue par le groupe Bernard. En ville, nous avons une clientèle de jeunes, mais également d’urbains plus sensibilisés aux problèmes d’environnement et des sociétés qui utilisent l’Ami comme un outil publicitaire." Au total, les particuliers représentent 84 % des ventes, mais ce pourcentage pourrait évoluer, la version utilitaire ayant été lancée plus récemment.
Une distribution classique
À son lancement, Citroën n’avait pas non plus prévu d’inclure le réseau. Le constructeur voulait, en effet, une distribution « disruptive » et digitale. Dans ce but, il s’était allié avec le réseau Fnac‑Darty, une première dans la distribution d’un produit automobile.
Las, cette solution n’a pas été très payante. Ces enseignes culturelle et d’électroménager représentent aujourd’hui moins de 5 % des ventes. "Ce partenariat, qui est toujours d’actualité et qui va perdurer dans les pays où le groupe est présent (Espagne, Portugal, NDLR), nous a permis de toucher une nouvelle clientèle, de communiquer autrement", tempère Alain Le Gouguec.
Il explique également ce déséquilibre par la force du réseau Citroën qui a finalement intégré la distribution. "Au départ, il ne devait y avoir que 80 sites. Aujourd’hui, l’Ami est disponible dans 200 concessions, à mettre en parallèle avec les 40 magasins Fnac et Darty en France", poursuit‑il. Citroën n’abandonne d’ailleurs pas l’idée de partenariats autres qu’avec le réseau. En Italie, la marque travaille avec un opérateur de téléphonie, même si les volumes restent très mesurés.
Pas de vendeurs dédiés
Côté réseau, l’arrivée de l’Ami dans les showrooms a été saluée. Même si l’achat proprement dit se fait en ligne, sur un site propre. "Elle a surtout montré que malgré la volonté des marques de vendre en 100 % digital, même pour un produit aussi simple que l’Ami, les clients ont besoin de se rendre dans les concessions pour avoir du conseil et essayer le véhicule", observe Étienne Copinet qui réalise une centaine de ventes d’Ami par an.
Pour ce dernier, l’Ami est un bel outil de communication. "La grande majorité des clients n’était jamais entrée chez Citroën ou chez DS Automobiles avant d’acheter une Ami", présente‑t‑il. "Nous touchons une clientèle CSP+ qui ne va pas habituellement chez Citroën", complète un distributeur du centre‑ouest de la France qui en écoule quatre à cinq par mois.
Si les concessionnaires sont très heureux d’avoir enfin pu vendre des Ami, cela reste néanmoins très anecdotique. La plupart d’entre eux n’ont d’ailleurs affecté aucun commercial sur ce produit, mais ont plutôt laissé cette activité à des collaborateurs qui exercent des fonctions transverses dans l’entreprise. "Nous ne demandons pas de vendeurs dédiés", pointe Alain Le Gouguec. "J’ai tout de suite indiqué à mes commerciaux que je ne voulais pas qu’ils s’occupent de ce produit, signale un distributeur du nord de la Nouvelle‑Aquitaine. Je l’ai laissé à une assistante qui adore l’Ami et qui fait cela très bien."
Absente des pay plans
Car la politique de rémunération des distributeurs n’encourage pas à investir dans des moyens humains. Selon nos informations, la commission oscille entre 200 et 300 euros par véhicule et il n’existe aucune prime, ni sur le volume ni sur le financement. "L’Ami n’apparaît pas dans les pay plans des commerciaux", souligne Étienne Copinet qui rappelle que les commandes, même en concessions, passent obligatoirement par le site dédié. "Nous accompagnons nos clients dans la prise de commande", explique‑t‑il.
Quant à l’occasion, l’Ami est tout simplement inexistante. "Avec 32 semaines de délai, vous pouvez imaginer que lorsque nous entrons une Ami, elle est déjà vendue, poursuit ce dernier. Le VO ne passe quasiment que La Citroën Ami en chiffres par Le Bon Coin."
Reste l’après‑vente qui fonctionne pas trop mal. "Pas mal de chocs de carrosserie liés principalement à la jeunesse des conducteurs", observe‑t‑il. Si l’Ami ne change pas l’activité des concessionnaires Citroën, elle permet néanmoins de promouvoir la marque à moindres frais et de capter une nouvelle clientèle. Au réseau de mettre les moyens en place pour retenir ces nouveaux venus.
Un succès en passe d’être international
Commercialisée dans neuf pays, la Citroën Ami prend son envol à l’international. "Nous l’avons lancée en septembre 2022 au Royaume‑Uni, alors que nous n’avions pas initialement prévu ce marché, présente Alain Le Gouguec. Bien que l’Ami conserve sa direction à gauche, nous avons noté un très fort engouement pour le concept. Nous avons déjà enregistré 2 000 précommandes et 440 commandes fermes."
En Italie, deuxième marché du véhicule, l’Ami est leader sur le segment des quadricycles avec 31 % des immatriculations ; elle séduit massivement les particuliers qui représentent 94 % des acheteurs. En Espagne, 75 % des clients sont des particuliers, alors qu’en Belgique, l’Ami séduit à hauteur de 42 % les professionnels. Au Maroc comme au Portugal, elle est notamment utilisée par la Poste. Dans ce dernier pays, elle a d’ailleurs reçu le prix de « Produit de l’année » dans la catégorie des véhicules électriques par 6 600 consommateurs. "En fonction des réglementations et des demandes des pays, l’Ami poursuivra son développement à l’international dans un avenir proche", indique Alain Le Gouguec.
La concurrence n'est pas en reste
Bien qu’elle ait présenté des concept cars au milieu des années 2010 pour répondre au Twizy, la concurrence avait vite jeté l’éponge. L’Opel RAKe, l’Audi Urban Concept ou le Toyota i‑Road n’ont jamais dépassé la phase de concept ou d’expérimentation. Il est vrai que l’on ne parlait pas encore de mobilité comme aujourd’hui. L’arrivée de la Citroën Ami semble avoir changé la donne et apporte un coup de projecteur sur ces quadricycles urbains électriques.
Le premier à dégainer sera Renault. Exit le Twizy et son concept d’assise en longueur, le constructeur français arrive avec sa marque de mobilité Mobilize qui mettra sur le marché un véhicule aux prestations similaires à celles de l’Ami. Il sera produit au Maroc, comme son concurrent.
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Le constructeur espagnol de deux‑roues électriques Silence, distribué notamment par le groupe Michel, compte également lancer un quadricycle électrique, le S04. Quant aux fabricants de voitures sans permis, ils ne veulent pas passer à côté de cette manne. Ligier vient de communiquer, sans donner aucune information technique ni tarifaire, sur un modèle 100 % électrique, la Myli, tandis qu’Aixam propose déjà un modèle électrique, mais à des prix deux à trois plus élevés que ceux de l’Ami. Une stratégie tarifaire en partie expliquée par des prestations, notamment de confort, bien supérieures à celles de la Citroën.
Dans quel pays est distribuée l'Ami ? (chiffres fin septembre 2022)
France : 14 488
Italie : 7 094
Espagne : 913
Belgique : 810
Portugal : 639 Maroc : 305
Turquie : 553
Royaume‑Uni : 440 (lancement commercial en sept 2022)
Grèce : 327
Qui achète l'Ami ?
84 % de commandes particuliers
81 % taux de conquête
77 % des clients sont des familles avec un ou deux adolescents
42 % des utilisateurs ont moins de 18 ans
16 % de commandes à professionnel (données Europe)
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