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Constructeurs

Fabrice Martin-Blas, Kia : "Nous restons focalisés sur la rentabilité, pas sur les volumes"

Publié le 12 novembre 2024

Par Christophe Bourgeois
7 min de lecture
Jusqu'à cette année, Kia avait toujours connu des ventes dans le vert et une part de marché en progression. Mais depuis 2024, la situation dégringole : immatriculations en baisse de 8,6 %, pénétration qui s'effrite... Le mécontentement gronde dans le réseau. Fabrice Martin-Blas, directeur général de Kia Motor France, donne ses explications.
Fabrice Martin-Blas Kia Motor France
Fabrice Martin-Blas, directeur général de Kia Motor France, compte s'appuyer sur l'EV3 pour se développer sur le marché électrique. ©Kia Motor France

Le Journal de l'Automobile : Quelle est votre analyse du marché qui connaît une forte baisse ?

Fabrice Martin-Blas : Elle est beaucoup plus complexe que les chiffres le laissent paraître. Début 2024, nous avions encore livré une partie non négligeable des commandes de 2023, ce qui a permis d'avoir un marché en progression. Mais depuis trois mois, nous observons que les commandes, toutes marques confondues, enregistrent une baisse de 7 %, ce qui est historique et n'augure rien de bon pour les mois à venir.

 

J. A. : Et ça, sur tous les canaux de distribution ?

F. M-B. : Oui, et particulièrement sur le marché des ventes à société qui connaît actuellement un certain ralentissement, en attente des décisions concernant la loi de finances qui seront prises.

 

Le plus difficile va être désormais de convaincre la plus grande majorité des clients

 

J. A. : On observe également un ralentissement sur le véhicule électrique...

F. M-B. : Le marché du véhicule électrique est en pleine mutation et nous arrivons aujourd'hui à un effet de seuil, dans un contexte moins favorable à cette technologie. Le plus difficile va être désormais de convaincre la plus grande majorité des clients. Nous sommes entrés dans un marché de masse. Nous l'avons d'ailleurs observé à notre niveau avec l'EV6 qui a connu un excellent démarrage, avec des clients qui étaient convaincus du bien-fondé de cette technologie, mais qui connaît aujourd'hui un certain ralentissement.

 

J. A. : Ce ralentissement va-t-il durer ?

F. M-B. : Nous sommes convaincus que le véhicule électrique va progresser, mais la question est désormais : "À quel rythme ?". C'est un mariage entre les décisions politiques, les produits proposés par les constructeurs et l'appétence des clients pour cette technologie qui vont dicter le rythme.

 

J. A. : Comment se positionne Kia sur ce sujet ?

F. M-B. : En France, 57 % de notre mix sont des véhicules électrifiés (hybrides simples – FHEV –, rechargeables – PHEV – ou électriques – BEV –) alors que le marché national est à l'opposé, à 57 % thermique, incluant les microhybrides. Dans le détail, chez Kia, les FHEV couvrent une part de marché de 35 % contre 18 % au niveau national, les PHEV 10 % contre 8 %. Il n'y a que sur les électriques où nous sommes en dessous, avec une part de marché de 12 % contre 17 %. Mais avec l'arrivée de l'EV3, puis l'année prochaine du EV4 et du EV5, nous ambitionnons de couvrir une part de marché de 25 % et l'EV3 fera la moitié de nos parts sur l'électrique.

 

Notre relative faible part de marché sur l'électrique est liée à notre plan produit

 

J. A. : N'est-ce pas une part de marché ambitieuse ?

F. M-B. : Nous sommes assez confiants sur notre plan produit, ce qui va permettre au réseau de retrouver des couleurs. Nous avons commencé sur l'électrique avec des modèles sur les segments supérieurs, avec les EV6 et EV9, afin de rentabiliser nos investissements dans le cadre du Plan S mis en place il y a cinq ans.

 

Le Kia EV3 affiche une autonomie et une habitabilité assez inégalées sur son segment. ©Kia

 

J. A. : Kia a perdu 8,6 % depuis début 2024, une première depuis des années, et a vu sa part de marché reculer de 0,2 point à 2,6 %. Quelles sont les raisons de cette baisse qui semble pénaliser la rentabilité du réseau ?

F. M-B. : Trois raisons expliquent cette baisse des immatriculations. La première est liée à l'arrêt de la Rio, un modèle qui était commercialisé sur un segment qui représente 25 % de part de marché en France. La Picanto, une des rares offres sur le segment A, est arrivée cet été et n'a pas encore compensé les pertes de la Rio. La seconde porte sur le PHEV. Nous avons une offre très riche sur cette technologie, mais le marché connaît actuellement une baisse, principalement à cause du marché des flottes, qui s'orientent plus vers des modèles FHEV, voire électriques. Enfin, notre relative faible part de marché sur l'électrique est, comme indiqué plus haut, liée à notre plan produit. En parallèle, nous avons été impactés par l'arrêt du bonus, même si nous avons compensé.

 

La composition de cette rentabilité est en train d'évoluer

 

J. A. : Dans ce contexte, le réseau se trouve-t-il dans une position délicate ?

F. M-B. : Nous n'avons pas encore de résultat concernant la rentabilité, nous espérons qu'elle sera positive. Mais je note que la composition de cette rentabilité est en train d'évoluer. Elle porte désormais moins sur la vente de véhicules que sur l'après-vente, ce qui est nouveau pour notre réseau, plus habitué à gagner de l'argent sur les ventes de véhicules. Nous disposons désormais d'un parc de 340 000 véhicules à sept ans. Nous assistons actuellement à une bascule, d'autant plus que nous vivons une période assez concurrentielle sur le VN.

 

J. A. : Quelle politique déployez-vous pour soutenir le réseau ?

F. M-B. : Nous avons recentré le plan commercial sur le BtoC, ce qui devrait permettre au réseau de bien finir l'année. Nous voulons retrouver un meilleur mix auprès des particuliers. Pour rappel, aujourd'hui, nos ventes se partagent à niveau égal entre le BtoC et le BtoB. Nous ne courons pas après la part de marché, mais nous souhaitons une croissance saine pour notre réseau dans un contexte qui sera compliqué en 2025. Ce n'est donc pas le moment de reprendre les vieux réflexes de course au volume, mais d'assurer avant tout de la rentabilité.

 

Nous travaillons la fidélisation avec le financement

 

J. A. : Kia connaît depuis quelques années une nette montée en gamme. Cela nuit-il à la fidélisation des clients ?

F. M-B. : Nous travaillons la fidélisation avec le financement, même si aujourd'hui c'est plus compliqué avec l'augmentation des taux. La garantie sept ans nous aide beaucoup et nous avons renforcé la qualité du parcours client ainsi que celle de l'après-vente. Mais nous ne faisons pas des miracles, nous perdons effectivement une partie de la clientèle, une perte compensée par la conquête.

 

J. A. : Quelle est la situation du réseau Kia ?

F. M-B. : Nous disposons de 215 points de vente, détenus par 80 investisseurs. Notre réseau est stable, nous travaillons avec des partenaires de longue date qui connaissent bien la marque. Nous avons une gamme très large, qui va de 15 990 euros avec la Picanto à 78 000 euros avec l'EV9, ce qui est un challenge pour le réseau. C'est pourquoi, nous sommes en train de revoir notre politique de formation pour mieux accompagner cette largeur de gamme et intégrer la gamme EV. Nous allons ainsi doubler la taille de notre centre de formation. Pour l'anecdote, un vendeur passera deux fois plus de temps sur un modèle électrique lors de la livraison au client qu'il ne le faisait il y a quatre ans sur un modèle thermique.

 

J. A. : Comment appréhendez-vous 2025 ?

F. M-B. : Chez Kia, nous nous appuyons sur l'électrification de notre gamme et une croissance saine. Nous fixerons des objectifs réalistes à notre réseau en espérant avoir un marché stable. Nous comptons ainsi beaucoup sur l'EV3 qui se positionne sur un marché à volume. Il propose de nouveaux standards sur l'autonomie et l'habitabilité. Nous comptons non seulement faire de la conquête auprès de clients de véhicules thermiques, mais également le proposer comme premier véhicule dans les foyers.

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