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Constructeurs

Carlos Tavares, Stellantis : "Les zones géographiques de protection peuvent nous conduire à la même situation qu'au Vénézuela !"

Publié le 17 octobre 2022

Par Catherine Leroy
4 min de lecture
Protectionnisme, pouvoir d'achat, inflation... Les sujets d'inquiétude ne manquent pas pour Carlos Tavares, le dirigeant de Stellantis. Les décisions règlementaires et politiques font peser de graves risques d'instabilités sociales.
Carlos Tavares, directeur général de Stellantis.

Les motorisations hybrides doivent continuer à être soutenues sous peine de conséquences sociales insoutenables : le message de Carlos Tavares, directeur général de Stellantis, est sans appel. Lors d'un échange avec la presse, sur le Mondial de l'Automobile, ce dernier ne s'est pas privé de remettre une charge sur le dogmatisme des décisions prises par la Commission européenne et notamment l'arrêt du moteur thermique en 2035.

 

"Cette décision dogmatique a des conséquences sociales qui seront bientôt ingérables. Avant le vote européen, les conséquences sur l'emploi étaient visibles mais aujourd'hui l'inflation vient également rebattre les cartes d'un point de vue social. Si nous interdisons la liberté de mouvement aux classes moyennes, nous risquons de graves mouvements sociaux", a-t-il prévenu tout en précisant que la hausse du prix des matières premières retarde la possibilité de produire une véhicule électrique à 20 000 euros dans les trois à cinq ans.

 

Soutenir le mild hybride jusqu'en 2035

 

Les chiffres sont têtus : le parc automobile est composé de véhicules dont la moyenne d'âge atteint douze ans et dont les émissions sont aujourd'hui supérieures à 200 g de CO2/km. Alors qu'aujourd'hui une compacte de segment B mild hybride émet moins de 100 g de CO2.

 

"Si vous ne gardez pas une offre de modèle dont le prix est compris entre 15 000 et 20 000 euros, les classes moyennes vont garder leur voiture et l'impact environnemental des ventes de véhicules électriques sera marginal. En revanche, renouveler un parc en divisant par deux les émissions de CO2, aura un effet volume important et des conséquences positives pour la planète", a détaillé Carlos Tavares.

 

Ce phénomène d'exclusion des classes moyennes est actuellement accentué par les stratégies des dirigeants mondiaux avec "la création de bulles de protection, américaine, européenne et chinoise". A l'intérieur de ces bulles, la fabrication des sous-ensembles et des véhicules est protégée, à l'instar de l'Inflation Réduction Act mise en place par Joe Biden, président des Etats-Unis.

 

Créations de bulles protectionnistes

 

"Si entre ces différentes bulles, des taxes à l'importation sont instaurées, ce qui est la tendance actuelle, il faudra que nous produisions en Europe pour l'Europe mais la question est quel bénéfice les citoyens vont-ils en tirer", s'interroge le dirigeant de Stellantis qui précise que pendant 30 ans, le pouvoir d'achat des classes moyennes  était basé sur des productions réalisées hors d'Europe. "La hausse des prix sera la conséquence de ce schéma de pensée", poursuit-il.

 

Mais l'instauration de ces zones de protection arrive au moment où la réglementation impose les motorisations électriques en 2035, le prix des matières premières explose venant renchérir le coût total de fabrication.

 

"Notre point mort est fixé à 40 % de nos recettes, nous sommes donc bien armés pour résister mais bien sûr nous devons préserver nos marges pour assurer notre avenir et rendre l'entreprise neutre en carbone en 2038. Mais, lors de créations de bulles,  il ne fait oublier que le système va s'organiser pour créer une insuffisance d'offres, venant alimenter l'inflation. Cette dérive va devenir insupportable car l'inflation génère une hausse des taux d'intérêt, nécessitant toujours plus de subventions et nous allons finir comme au Vénézuela !, " s'alarme Carlos Tavares qui demande aux dirigeants politiques de faire attention à la superficialité dans les raisonnements.

 

Selon ce dernier, le meilleur moyen de répondre à cette tendance de créations de zones protégées serait au moins d'appliquer aux constructeurs chinois les mêmes conditions d'entrée sur le sol européen que ces derniers imposent aux constructeurs européens à l'entrée de leur propre marché, "au lieu de leur dérouler le tapis rouge, nous devons appliquer une symétrie des conditions d'entrée".

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