Autopsie d'une stratégie chinoise, comment BYD a supplanté le modèle Tesla
L’offensive automobile chinoise est un fait connu. Dans son étude annuelle sur l’état de l’industrie automobile mondiale, AlixPartners fait un focus sur cette stratégie en documentant ses différents leviers.
En premier lieu, les constructeurs automobiles chinois sont assis sur un marché extrêmement puissant et surtout acquis à une croissance robuste à long terme (+3,4 % d’ici 2030). Les analystes du cabinet d’audit ont déterminé que l’empire du Milieu était le seul marché au monde à enregistrer une croissance annuelle moyenne supérieure à la phase de rattrapage qui avait suivi le Covid (+2,5 % entre 2020 et 2023).
La Chine et l’Asie du Sud-Est représenteront la moitié de la croissance mondiale d’ici 2030. L’Europe devrait voir sa croissance annuelle moyenne ralentir d’ici 2030 (0,9 % par an contre 2 % pendant la phase post-Covid). Le peu de croissance proviendra essentiellement des marchés de l’Est dont le taux d’équipement est encore très bas.
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Les marques chinoises disposeront donc d’un marché domestique solide. D’autant qu’elles continuent de progresser. Elles ont franchi les 50 % de parts de marché en 2023 et devraient s’accaparer 72 % des immatriculations en 2030, au détriment des marques occidentales. Cette trajectoire est exponentielle quand on compare la situation à 2020, lorsqu'elles représentaient seulement 37 % du marché.
Les Chinois raffolent de voitures électriques
Fortes de cette montée en puissance sur le premier marché du monde, les marques chinoises devraient être encore plus compétitives sur la voiture électrique.
D’après le sondage mené par AlixPartners, 97 % des Chinois jugent que leur prochaine voiture sera 100 % électrique. En Europe, cette intentionnalité plafonne à 43 % (stable depuis 2021). Même stagnation aux États-Unis, où seulement 35 % des Américains ont déclaré une telle intention.
D’après AlixPartners, cette intentionnalité écrasante en faveur de la voiture électrique doit beaucoup à l’intense guerre des prix en cours en Chine. De sorte que l’écart de prix s’est fortement réduit entre les électriques et les voitures thermiques. En Europe, ou aux États-Unis, l’écart reste élevé.
Du coup, les perspectives du cabinet d’audit donnent le marché chinois à 50 % en électrique en 2030, contre 5 % en 2020. Sur un marché qui passe de 24 à 33 millions de voitures neuves par an, cela revient à une explosion des ventes de voitures électriques en volumes.
Pour AlixPartners, l’offensive chinoise sera massive partout dans le monde, y compris sur des marchés dont la bascule dans l’électrification sera secondaire. En Amérique latine, les marques chinoises passeront de 7 à 28 % de part de marché d’ici à 2030. Ce sera encore plus fort dans la région Afrique-Moyen Orient, où cette part passera de 8 à 39 %.
En Russie, les chinois deviendront tout puissants avec 69 % du marché (33 % en 2024). Les marques chinoises mettront en difficulté leurs homologues japonaises et coréennes en Asie du Sud-Est en passant de 3 à 31 % du marché. Au niveau mondial, les marques chinoises contrôleront un tiers du marché, contre 21 % aujourd’hui.
Tesla remplacé par BYD
Pour les analystes d’AlixPartners, le monde est passé du modèle Tesla, véritable benchmark du marché, au modèle BYD. La croissance exponentielle du constructeur chinois coiffe au poteau celle de Tesla.
BYD est un modèle d’industrie très intégré verticalement et qui est dans une démarche de prise de risque très offensive. Son organisation par marque est extrêmement agile et à très forte autonomie décisionnelle.
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Les marques chinoises sont prêtes à des compromis qualitatifs pour pouvoir aller plus vite dans la conception de véhicules. Elles s'appuient également sur des mises à jour logicielles après la vente pour réajuster un certain nombre d'équipements et de caractéristiques. Elles ont ainsi appris à concevoir des véhicules en seulement 20 mois, au lieu de 40 pour les constructeurs historiques.
En outre, les ingénieurs sont fortement sollicités chez ces acteurs de l’automobile. Les équipes R&D de Nio, Li Auto, XPeng ou Leapmotor comptent entre 70 et 100 heures supplémentaires par mois par ingénieur.
Dans une moindre mesure, Geely et Chery intensifient également le travail des ingénieurs. Les marques historiques ne dépassent pas les 20 heures par mois.
Un catalogue plus jeune
Résultat, les entreprises chinoises multiplient les lancements de nouveaux modèles. L’âge moyen des catalogues des marques historiques non-chinoises est de 5,4 ans, contre 3,5 pour les entreprises chinoises historiques. Ce chiffre descend même à 1,6 an lorsqu’il s’agit des nouvelles marques électriques du pays.
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Dernier levier de compétitivité, la rentabilité. Les marques chinoises affichent des Ebitda très inférieurs à ceux de leurs homologues historiques. "Cela illustre bien la stratégie offensive des marques chinoises qui sont plus dans une logique de conquête, tandis que les constructeurs historiques sont beaucoup plus focalisés sur la rentabilité", explique Alexandre Marian, directeur de la branche industrie automobile d’AlixPartners.
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