Vol de véhicule : de nouvelles technologies pour faire front
Toutes les quatre minutes, une voiture est dérobée à son propriétaire. Voilà ce que révèle la statistique en France. Pour donner un nombre absolu, retenons qu’en 2024, 140 269 cas de vol de véhicule ont été officiellement comptabilisés par les autorités compétentes. La bonne nouvelle dans tout cela ? Après deux années successives de hausse, la courbe s’aplanit.
La mauvaise nouvelle reste que le chiffre s’est stabilisé au niveau le plus haut de l’histoire. "Je pense même qu’il y a eu un effet bénéfique des Jeux Olympiques, commente Thomas Fournier, directeur général délégué de Roole. Il y a eu une forme d’accalmie en raison de la forte présence policière à Paris, Marseille et Lille, des villes habituellement très exposées au risque. Nous avons observé une baisse de 10 % en août et septembre." De là à dire que sans cette parenthèse festive, les cas auraient encore augmenté, il n’y a qu’un pas.
600 millions d’euros de préjudice
Les marques généralistes et celles de grande diffusion sont particulièrement exposées. Dans les données, il y a une surreprésentation des SUV (66 %) et une moitié de motorisations hybrides. En raison de l’inflation des prix d’achat des véhicules de ces catégories, la valeur du préjudice a augmenté de 11 % pour franchir la barre des 600 millions d’euros.
Pour les Français, l’exposition au risque a grimpé de 3,4 %, estime‑t‑on chez Coyote Secure. Les résidents des régions Provence‑Alpes‑Côte d’Azur, Île‑de‑France et Auvergne‑Rhône‑Alpes sont les plus exposés, mais le nombre de sinistres a spécifiquement bondi dans les Hauts‑de‑France. Leur portefeuille sera donc mis un peu plus encore à contribution cette année.
En effet, après une réévaluation de 3,3 % en 2024, une nouvelle hausse des primes d’assurance de l’ordre de 5 % en moyenne va s’appliquer. "La facture va gonfler de 4 à 8 %. Entre le vol de véhicule ou de pièces détachées et les catastrophes naturelles, la prime pourrait même monter de 10 % prochainement", analyse Christophe Dandois, cofondateur de Leocare, le néoassureur digital.
De manière très claire, les voleurs n’ont plus recours à la violence. Dans plus de neuf cas sur dix, les véhicules retrouvés ne portent aucune trace d’effraction. Christophe Dandois appuie : "Il n’y a pas de solutions miracles. Nous invitons les automobilistes comme les concessionnaires à sécuriser les clés. Pour notre part, nous compilons un maximum de données pour aider les constructeurs à progresser."
Il ne s’agit plus seulement des coffrets de rangement, mais aussi de fabriquer des cages de Faraday autour des clés pour éviter que les ondes soient interceptées par des équipements capables de recréer le signal pour duper le système du véhicule.
Mis sous pression pour dégager des marges, les industriels automobiles ont‑ils réellement la possibilité de mieux sécuriser les voitures les plus exposées. Chez Roole, la direction émet des doutes légitimes. La société n’est d’ailleurs pas la seule à le faire dans le paysage. Ils sont davantage dans le secteur à penser que le temps est venu de se rassembler pour trouver des solutions. La capacité à inverser la courbe des vols passera par un effort collectif pour ne pas dire collaboratif.
Selon Coyote, près d’un quart des véhicules volés est retrouvé à l’étranger. ©AdobeStock-Anurak
Un groupe de travail pour établir une norme
En sa qualité de groupe de réflexion, l’Institut Choiseul s’est penché sur la question, invitant des constructeurs, des équipementiers, des fabricants de boîtiers, mais aussi des assureurs et courtiers, des associations de consommateurs et les forces de l’ordre à s’asseoir autour de la table. "La technologie joue en faveur des malfrats, résume tristement Guillaume Farde, enseignant à Sciences Po et spécialiste des sujets police‑justice qui participait à la rencontre. Seuls 60 % des véhicules sont retrouvés et le taux d’échec passe à 90 % après 48 h. Nous devons trouver un moyen de dissuader, sinon de compliquer l’acte de vol et, bien évidemment, de faciliter la récupération des voitures."
La piste étudiée consiste à établir un standard pour le matériel. Il permettrait aux consommateurs de s’y retrouver face à l’offre pléthorique de boîtiers et autres émetteurs, dont une grande partie n’a rien de fiable. À l’instar des antivols physiques, le standard pourrait donner une note de confiance. Elle servirait aussi bien à l’automobiliste pour évaluer la performance qu’à l’assureur pour calculer le risque. "Nous pousserons les fabricants à sécuriser l’équipement dès la conception, ce qui éliminera les mauvais élèves", entrevoit Guillaume Farde.
Pour porter ce projet d’envergure, les membres du groupe de réflexion ont pensé à l’Association française de normalisation (Afnor). En tant qu’organisation qui représente la France auprès de l’Organisation internationale de normalisation et du Comité européen de normalisation, elle permettrait un rayonnement bien au‑delà des frontières. Un enjeu crucial quand près d’une voiture sur quatre est récupérée à l’international, selon les statistiques de performance de Coyote Secure, qui joue les premiers rôles dans le débat.
Un débat qui dorénavant portera sur des aspects techniques. Les entreprises doivent trouver un terrain d’entente. Guillaume Farde se veut rassurant. L’enseignant souligne qu’aucune dimension législative n’entre en considération. "C’est aux gens du métier de faire avancer le sujet, d’établir une règle et d’en assurer la promotion pour la vendre aux consommateurs", présente‑t‑il les prochaines étapes.
En travaillant sur des standards, l’industrie pourrait parler d’une seule voix avec d’autres. Certains imaginent, à titre d’exemple, des protocoles de communication qui permettraient aux boîtiers de communiquer constamment avec des équipements extérieurs. Cela comprendrait aussi bien d’autres véhicules en circulation que des bornes Wi-Fi ou diverses infrastructures communicantes. "Ce qui n’a rien d’aisé", tempère un des acteurs.
À chacun son segment de marché ?
Commercialement, les fournisseurs de solutions de protection et de récupération de véhicule semblent de plus en plus trouver un terrain de jeu propre. Ils continuent toutefois de jouer des coudes pour s’installer dans le catalogue des concessionnaires.
Comptant parmi les exposants du récent salon Rétromobile, Coyote y présentait son nouvel assistant à la conduite. Mais ce que le fabricant français n’a pas montré au grand public – pour des raisons évidentes de sécurité – c’est le Nano 2.0. Ce nouvel équipement arrivera chez les distributeurs au printemps.
Le fabricant a revu à la hausse les caractéristiques, notamment en termes de connectivité et d’autonomie puisqu’il sera capable de tenir près de cinq ans. L’entreprise qui travaille avec Autosphere, BYmyCAR, Gueudet ou encore GCA rapporte avoir activé 100 000 équipements en 2024 pour porter le total à 500 000 unités en France.
L’ambition avec le nouveau Nano serait de permettre à la division Coyote Secure de croître de 40 %. Dans la bataille des chiffres, il faudra compter sur Roole. À fin 2024, quelque 520 000 balises Rx seraient en circulation selon les données partagées par la société parisienne qui en dénombrait 160 000 unités sur les routes un an auparavant. "Nous en aurons activé un million à fin 2025", lance Thomas Fournier.
Et le directeur général délégué de Roole de promettre des évolutions de la balise pour lui permettre justement d’être repérée par des infrastructures comme les péages d’autoroute ou les bornes Internet des villes et des ports avec l’accord des différentes parties. Plein d’appétit pour le marché français, Targa Telematics a choisi de s’adresser aux gestionnaires de parc. Avec un certain succès puisque d’une manière générale, le taux de vol dans les flottes de véhicules surveillés a diminué de plus de 30 % par rapport au taux moyen de vol des véhicules en circulation de moins de 5 ans, comme le rapporte Samia Arfaoui, responsable de Targa Telematics en France.
Les statistiques françaises attirent forcément d’autres acteurs. C’est notamment le cas de LoJack qui vient de créer une filiale dont les commandes ont été confiées à Benoist Gary, ancien membre du directoire du groupe Coyote après le rachat de Traqueur.
La société américaine a installé sa base européenne en Italie pour centraliser les effectifs et réduire les frais. Mais la stratégie sera pensée dans l’Hexagone. Et le directeur a une idée assez claire de l’angle d’approche. "De plus en plus de véhicules sont commercialisés avec un contrat locatif et il y a une part grandissante de cas de défaut de paiement ou d’escroquerie. Nous pouvons accompagner les constructeurs et les établissements financiers dans la gestion de ces litiges pour aller récupérer les biens", explique Benoist Gary qui met en avant le manque à gagner durant les 12 à 18 mois de procédure.
LoJack a pratiquement tout à construire en France. Il ne reste plus grand‑chose de l’époque où la marque fonctionnait sous licence avec Traqueur. Mais Benoist Gary va tirer profit des investissements conséquents consentis par la maison mère, le groupe CalAmp, un spécialiste des boîtiers télématiques présent dans 40 pays. "Nous avons une maîtrise complète de la technologie, rappelle le directeur de la filiale tricolore. LoJack va donc déployer des innovations régulières."
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Des VE sous menace
Les bornes électriques sont devenues la nouvelle cible des hackers. ©AdobeStock-mmphoto
Regroupant des experts en cybersécurité offensive et recherche de vulnérabilités, la société Synacktiv s’est penchée sur le cas des voitures électriques dans le cadre du concours international Pwn2Own Automotive 2025. Les hackers éthiques ont signalé plusieurs failles exploitables. Des bornes de recharge sont mises en cause. Parmi les risques identifiés, il y a celui de l’intrusion dans les réseaux internes des opérateurs de recharge et des constructeurs, celui de la manipulation des flux d’énergie altérant ainsi la distribution ou la facturation et celui de la mise en défaut du matériel. Les assaillants pourraient tout autant passer par la borne pour infiltrer les systèmes critiques des véhicules. Face à ces menaces croissantes, Synacktiv appelle l’ensemble des acteurs du secteur à une plus forte collaboration. Le résultat du travail a valu à la société française la deuxième place au concours.
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