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Pour la direction de Banque Stellantis France, "le financement est le levier pour rendre abordable l’automobile"

Publié le 6 septembre 2023

Par Catherine Leroy
11 min de lecture
Depuis avril 2023, Stellantis Financial Services opère en Europe avec de nouveaux accords. En France, l'entité est pilotée en partenariat à 50-50 avec Santander et couvre les activités de financement de toutes les marques du groupe. Laurent Aubineau et Jean-Paul Duparc, les dirigeants, nous expliquent la mise en œuvre de la nouvelle structure.
Laurent Aubineau et Jean-Paul Duparc dirigeants de Banque Stellantis France
Laurent Aubineau et Jean-Paul Duparc, respectivement directeur général et directeur général délégué de Banque Stellantis France. ©Banque Stellantis France

Le Journal de l'Automobile : Vous êtes respectivement directeur général et directeur général délégué de Banque Stellantis France et de Crédipar. Pourquoi parle-t-on encore de Crédipar ?

Laurent Aubineau : Crédipar est l'entité juridique qui, depuis très longtemps, porte les effectifs ainsi que les contrats de location (LLD et LOA). Si nous avions décidé de changer le nom, nous aurions dû effectuer un changement de propriété et un transfert de carte grise pour toute la flotte financée. Ce qui aurait été très onéreux. Le changement s'opère au niveau de la holding, PSA Banque France avant le 4 avril 2023, qui est devenue Banque Stellantis France. Elle ne porte aucun effectif.

 

J.A. : Quelle a été l'organisation mise en place et les conséquences sur le périmètre de l'activité ?

L.A. : Depuis le 3 avril 2023, date du closing pour la nouvelle structure, Banque Stellantis France exclut le financement de la location longue durée (LLD) à destination des entreprises. Elle conserve le financement de l'ensemble des réseaux de distribution des marques Stellantis en France, quelle que soit la technique de financement, pour toutes les autres typologies de clientèle. Crédipar conserve également les activités de wholesale (portage des VN, VD, VO et pièces de rechange), ainsi que toute l'activité bancaire des distributeurs (comptes courants, prêts amortissables, etc.) pour l'ensemble des réseaux de distribution des marques du constructeur en France.

 

Jean-Paul Duparc : L'objectif étant de rendre notre organisation plus rationnelle et plus logique. Il ne fallait pas brouiller les pistes à ce niveau, le tout dans un souci d'efficacité.

 

J.A. : Cette nouvelle organisation a-t-elle eu un impact sur les effectifs ?

L.A. : Nous avons transféré 157 collaborateurs de Crédipar vers Leasys (NDLR : entité qui gère la LLD pour la clientèle des entreprises, construite conjointement avec CACF). Ces salariés avaient essentiellement pour mission le traitement de la LLD. Cependant nous n'avons pas vendu notre portefeuille de flottes de véhicules et c'est Leasys qui le traite pour le compte de Crédipar. Parallèlement à cela, nous avons intégré, au sein de Crédipar, les 76 salariés de la structure OVF (Opel Vauxhall Finance France). Dans ce cas, il n'y pas eu non plus de cession de portefeuille et nous gérons l'encours d'OVF avec nos effectifs. Enfin, sur la base du volontariat, nous avons intégré 16 collaborateurs de FCA Bank qui ont souhaité nous rejoindre. Donc le nombre de collaborateurs, autour de 750, est resté quasiment identique.

 

J-P.D. : Le "big bang" s'est très bien passé, c'est-à-dire qu'au 3 avril 2023, nous avons démarré sur les nouveaux périmètres, de façon très fluide et positive. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les taux de pénétration sur acceptation des nouvelles marques, sans parler de la production, sont au même niveau que ceux de Peugeot, Citroën et DS. C'est un vrai succès dans lequel les équipes ont été embarquées.

 

 

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J.A. : Quels sont vos objectifs ?

L.A. : Nous adressons neuf marques et notre première mission est d'assoir et de soutenir la stratégie de chacune d'elle. Elles ont toutes leurs spécificités même si elles appartiennent au même groupe. Pour ce faire, nous avons réorganisé la direction du marketing en créant des équipes dédiées à chaque marque. Bien qu’elles ne représentent pas le même volume sur le marché français, elles ont toutes la même importance à nos yeux. Notre deuxième objectif sera de démontrer à nos nouveaux distributeurs la valeur ajoutée que nous pouvons leur amener pour conquérir et fidéliser les clients finaux. Ce point est primordial car nous n'avons pas de relation contractuelle avec les concessionnaires, et ce, sur un marché extrêmement concurrentiel. Nous devons bien entendu maintenir et encore améliorer les performances avec les marques Peugeot, Citroën et DS, mais également démontrer notre savoir-faire aux nouveaux réseaux avec beaucoup d’humilité. C’est un challenge passionnant pour le management et les équipes de la nouvelle société ; c’est aussi un engagement que je prends.

 

J.A. : Quel est votre taux de pénétration sur les véhicules livrés du groupe ?

L.A. : Sur l'ensemble des livraisons à particulier en 2022, pour les marques Peugeot, Citroën et DS, notre pénétration atteignait 63,8 %. Ainsi, plus de six clients sur dix qui prennent livraison d'un véhicule dans ces marques signent un dossier de financement Crédipar. Il y a dix ans, ce taux n'atteignait même pas la moitié.

Trois raisons expliquent cette progression. Tout d'abord, l'augmentation du prix des voitures, sans commune mesure avec celle des salaires en France. Le financement est bien le levier pour rendre abordable l’automobile et accélérer la transition énergétique. Ensuite, nous proposons des produits fidélisants qui permettent au client particulier de ne financer que le coût d'usage du véhicule et de pouvoir ainsi anticiper le renouvellement.

Quelques chiffres sur ce sujet : chez Peugeot, Citroën et DS, en France, quand un client particulier change de véhicule, il renouvelle dans la marque, près d'une fois sur deux. Avec un financement Crédipar, ce taux de fidélisation augmente de 17 points pour atteindre 67 %. Autre chiffre : quand un client français renouvelle, cela se produit entre la 7e et la 8e année ; avec ce type de produit c’est entre la 3e et la 4e année. Nous sommes donc bien dans notre rôle d'accompagnement des réseaux et des marques dans leur objectif de conquête de clients et d'amélioration de la fidélisation. Désormais, la stratégie de Crédipar est de développer ces actions vers le 2e cycle, voire le 3e cycle de vie de la voiture. Notre volonté est de créer une relation pérenne entre le client et son distributeur.

 

J.A. : Parvenez-vous déjà à intégrer le 3e cycle de vie du véhicule dans votre stratégie ?

L.A. : Lorsque l'on parle de 3e cycle de vie, cela signifie, pour les distributeurs, la reprise des véhicules d'occasion de près de 8 ans d'âge. Cette démarche, très novatrice, est nécessaire pour conserver nos clients dans les ateliers de nos réseaux de Marques, car nous constatons que plus le VO est ancien, moins le client est fidèle à l’atelier. Je suis convaincu que tous ensemble nous pouvons infléchir cette tendance.

 

J.A. : Quels sont vos résultats en matière de financement des VO ?

L.A. : Nous sommes assez fiers de nos résultats : à fin juin, nous gagnons près de sept points de pénétration en financement VO sur les réseaux de distribution Peugeot, Citroën et DS. Nous finançons près de 38 % des mises à la route VO de l'ensemble des concessionnaires de ces réseaux. Cette progression de la performance sur un marché en légère régression s’explique exclusivement par la progression des techniques de LOA. Quelques chiffres encore : fin 2021, quand Crédipar faisait 100 dossiers VO, nous enregistrions 12 LOA. Nous nous sommes fixés de parvenir très rapidement à 40 % ; et fin 2022 nous avons atteint 32 %. C'est une très bonne performance car tous les VO ne sont pas éligibles à la LOA. Sur 2023, nous enregistrons pour l'instant 35-36 % mais notre objectif de fin de l'année est d'atteindre 40 % sur un total de 102 000 dossiers VO. Objectif ambitieux compte tenu du volume éligible, mais nous sommes en passe de l’atteindre.

 

L'évolution brutale des taux reste totalement nouvelle tant par sa rapidité que par son ampleur. C’est la raison pour laquelle il n’a pas été possible d’en répercuter la totalité sur le client final.

 

J.A. : Avez-vous les mêmes objectifs pour les autres marques ?

J-D.P. : Nous pensons que pour les nouvelles marques ex-FCA, le gisement de croissance est réel parce que les performances de pénétration, notamment sur le VO, étaient inférieures. Chez Opel, la performance était déjà à un niveau comparable à celui constaté dans les marques historiques gérées par Crédipar.

 

L.A. : Il faut aussi faire preuve de beaucoup d'humilité car les réseaux n'ont pas attendu Crédipar pour avoir des partenaires financiers de qualité. Notre stratégie est bien de démontrer notre savoir-faire d'abord en VN puis en VO. Il n'est pas question d'arriver en terrain conquis. De très grands groupes ont rejoint la galaxie Stellantis et sont déjà bien organisés en matière de distribution de financements et de services, mais j’ai toute confiance en nos équipes pour leur prouver que Crédipar peut leur apporter davantage. C'est tout l'enjeu de notre nouvelle structure.

 

 

J.A. : Comment vos offres sont-elles impactées par la hausse du taux de refinancement et du taux d'usure ? Quelle performance à l'offre de Crédipar ? Comment être compétitif ?

L.A. : L'évolution brutale des taux reste totalement nouvelle tant par sa rapidité que par son ampleur. C’est la raison pour laquelle il n’a pas été possible d’en répercuter la totalité sur le client final. Nous avons donc abandonné une partie de nos marges unitaires, le challenge étant de compenser par une augmentation de la performance commerciale.

 

J.A. : Beaucoup de sociétés de financement avancent l'impossibilité de répercuter cette hausse des taux. Comment gérez-vous cette problématique ?

L.A. : Il est clair que la hausse des taux est subie. Nous avons fait le choix de ne pas casser les accords de rémunération car les réseaux de distribution ont besoin de cette activité pour contribuer à la rentabilité de leur compte d'exploitation. Mais il y a d’autres moyens d'y parvenir : par l’augmentation du montant unitaire financé et via l’augmentation de la performance commerciale et donc du chiffre d’affaires. Ce n’est que par ces deux leviers que la rémunération des réseaux pourra être maintenue et même améliorée.

 

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J.A. : Comment se chiffre cette hausse du ticket moyen ?

L.A. : Notre ticket moyen est très élevé : il y a encore quatre ans, en VO, il atteignait 6 200 euros, aujourd'hui il est supérieur à 13 000 euros, soit le double. En VN, nous avons eu la chance d'avoir deux effets cumulés : la bonne tenue du pricing power de nos marques et la progression de la LOA. Nous misons sur le renouvellement du client final en proposant des offres avec peu d’apport car nous pensons qu’il est difficile de demander à un client de verser une mensualité tout en épargnant pour reconstituer son apport. Les deux effets conjugués accompagnés de l'amélioration de la performance financière font que le chiffre d'affaires que nous amenons au réseau est conséquent. De ce fait, le ticket moyen en VN tourne plutôt autour de 25 000 euros bien qu’il diffère selon les marques.

 

J.A. : La directive européenne sur les crédits à la consommation va imposer la communication d'un taux sur la LOA. Est-ce un problème ?

L.A. : En effet. Bien que le coût total d'une opération de LOA affiche déjà une notion de taux, cela risque d’être une nouvelle contrainte. Pour autant nous ne pensons pas transférer les dossiers de LOA vers la LLD. À ce jour ce n'est pas notre stratégie, la LOA étant beaucoup plus adaptée au profil de clients particuliers qui ont la possibilité de racheter le véhicule pendant la durée du contrat. Le client n'a pas cette possibilité en LLD.

 

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J.A. : Vous avez récemment déployé votre offre de loyer sur-mesure sur les Peugeot e-208 et e-2008. Allez-vous proposer ce même type de financement sur les autres marques du groupe ?

L.A. : Nous allons probablement étendre ce type de financement à d'autres modèles, sans que ce soit systématique. Ce n'est pas dans la stratégie, même si cela correspond à notre volonté de rendre le véhicule électrique accessible au plus grand nombre. Nous avons proposé cette offre de loyer à 150 euros pour 500 km par mois parce que, depuis trois ou quatre ans, la loi de roulage du client particulier ne cesse de baisser. Dans une approche mutualisée, les clients qui roulent peu paient la même chose que ceux qui roulent beaucoup, c’est pourquoi le principe de mutualisation n'est pas toujours adapté.

La découverte et la qualification du client sont capitales pour cette offre. Elle nécessité de très bien former les équipes de vente pour bien qualifier le client et connaître ses besoins et usages. Et notre méthode de vente EFFICAR démontre ainsi tout son intérêt.

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