Guillaume Faurie, ANFA : "Ne pas chercher à attirer plus de femmes dans nos métiers, c’est comme vouloir travailler d’une seule main !"
Le Journal de l’Automobile : Qu'en est-il de la formation aux métiers de la filière automobile en France en 2024 ? Combien de jeunes sont actuellement formés ?
Guillaume Faurie : À la rentrée 2023, les services de l’automobile comptaient 71 000 jeunes inscrits dans des formations allant du CAP à la licence professionnelle (BAC+3) et titre d’ingénieur (BAC+5), en passant par les certifications de branche. On retrouve nos métiers iconiques en tête des filières populaires : la maintenance de véhicules particuliers, avec 43 000 inscrits, puis la carrosserie-peinture, avec 15 000 inscrits. Ces chiffres en constante progression prouvent l’engouement de nos métiers chez les jeunes. Ils croient en l’avenir de l’automobile et à l’utilité de leur futur job. Et paradoxalement, si le véhicule électrique peut faire grincer des dents les amoureux de la mécanique, nos métiers intéressent de plus en plus les curieux de nouvelles technologies. Les perspectives de carrière se multiplient.
J.A. : L'alternance est-elle de plus en plus recherchée par les jeunes ?
G.F. : Oui ! L’alternance est devenue en 2020 le mode de formation numéro un. Depuis, l’écart se creuse à chaque rentrée. Nos métiers requièrent des compétences techniques ou manuelles. Et cette expérience s’acquiert bien plus vite sur le terrain. Les jeunes l’ont compris. C’est aussi un mode de prérecrutement plébiscité par les entreprises.
Attention, ce n’est pas toujours facile pour un jeune de démarrer un contrat d’apprentissage dès 15 ans. On lui demande davantage de responsabilité à cet âge que dans les filières générales. Un maître d’apprentissage doit aussi jouer le jeu et consacrer du temps à son apprenti. Mais à la fin, tous les partis sont gagnants : le jeune qui démarre dans la vie active et l’entreprise qui a besoin de profils qualifiés (donc mieux rémunérés). On ne le répètera jamais assez.
J.A. : Comment se passe l'insertion professionnelle une fois que ces jeunes sont formés ? Trouvent-ils rapidement et facilement un emploi ?
G.F. : Plus le niveau de formation augmente, plus le taux de recrutement accroît également. Ensuite, cette progression est favorisée par l’alternance : 75 % des apprentis diplômés en 2022 étaient en emploi en six mois, là où les lycéens n’atteignaient que 46 % d’insertion. Je dois également souligner l’efficacité des dispositifs créés par l’ANFA selon la réalité du terrain : des CQP (certificat de qualification professionnelle) et TFP (titre à finalité professionnelle) qui permettent à neuf diplômés sur dix de trouver un emploi en six mois. En bref, la branche recrute mais priorise les profils qualifiés.
Au total en 2022, un établissement sur cinq n’a pas pu recruter selon ses besoins
J.A. : Quels sont les services/les branches de la filière qui recrutent le plus ? Et au contraire, ceux qui ont le plus de mal à recruter ?
G.F. : La branche a dénombré 45 000 recrutements en 2022. Les métiers qui embauchent le plus sont également ceux qui peinent à atteindre leurs objectifs de recrutement. La maintenance automobile, par exemple, avec 15 000 embauches et 10 000 emplois non pourvus, ou la carrosserie peinture, avec 5 000 embauches et 3 300 emplois non pourvus. Le secteur de la maintenance de véhicules industriels est aussi en tension, comme celui du contrôle technique. Au total en 2022, un établissement sur cinq n’a pas pu recruter selon ses besoins.
J.A. : Comment lutter contre la pénurie de main-d'œuvre et attirer de nouveaux jeunes pour qu'ils se forment aux métiers des services de l'automobile ?
G.F. : À première vue, le nombre de jeunes inscrits en formation pourrait aider à renverser cette pénurie. Mais la déperdition de jeunes pendant la formation est un élément encore difficile à maîtriser et qui représente un certain manque à gagner. Les entreprises ayant recours à l’apprentissage doivent être en mesure d’accueillir et d’encadrer ces jeunes, de les accompagner et de les écouter, en particulier ceux qui doutent de leurs parcours. Côté promotion des métiers, la branche s’active toute l’année pour créer des vocations, en multipliant les canaux et modes d’action : salons, semaine des services de l’automobile et de la mobilité, réseaux sociaux, tv/radio et cinéma, bande dessinée…
J.A. : Qu'en est-il des femmes ? Leur proportion au sein des effectifs a-t-elle augmenté cette année ?
G.F. : La part des jeunes femmes en formation a augmenté de près de 20 % lors de la précédente rentrée, avec une avancée marquée en carrosserie-peinture. Les lignes bougent doucement mais sûrement, et la fin des stéréotypes nous paraît plus nécessaire que jamais. Nos secteurs en tension doivent répondre aux besoins d’un parc de 49 millions de véhicules. Ne pas chercher à attirer plus de femmes dans nos métiers, c’est comme vouloir travailler d’une seule main !
J.A. : Quels seront les enjeux de formation de demain pour pérenniser l'avenir du secteur ?
G.F. : La branche des services de l’automobile propose des emplois de proximité et non délocalisables dans des métiers qui ont du sens, de l’utilité pour le quotidien de millions de Français. L’enjeu pour nous consiste dorénavant à anticiper les besoins en formation pour répondre aux innovations en cours et à venir, afin de conserver ces compétences dans les entreprises. C’est le cas par exemple avec les métiers en lien avec la maintenance et le démontage de batteries de véhicules électriques.
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