Entretien avec Nathalie Huron, directrice des ventes et du réseau financement auto & moto de GE Money Bank : "Les femmes sont moins douées pour faire savoir ce qu'elles font bien".
...femmes durant leur carrière. Au sein de GE, le réseau Elektra, est là pour les y aider.
Journal de l'Automobile. Bien qu'évoluant indirectement dans le monde automobile, comment le jugez-vous ?
Nathalie Huron. Je dirais que mon métier de base est avant tout la vente. Elle a jalonné tout mon parcours professionnel. J'ai intégré GE Money Bank il y a sept années et depuis quatre ans je m'occupe du financement automobile. Aujourd'hui, je suis directrice des ventes et du réseau de GE Money Bank, une activité qui s'appuie sur une équipe de 135 personnes qui visitent les distributeurs automobiles. Je suis donc arrivée par hasard dans le monde de l'automobile, via la banque. Mais je dois dire que je suis passionnée par ce milieu, car les concessionnaires, qui sont nos clients, sont eux-mêmes passionnés et passionnants. Ce sont en général des entrepreneurs, souvent des self made men, qui ont des parcours tout à fait intéressants. Les rencontrer est un plaisir, il est toujours enrichissant de mieux comprendre comment ils ont transformé leur entreprise souvent familiale en un grand groupe de distribution. Ils sont devenus de vrais business men.
JA. Durant tout votre parcours, le fait d'être une femme a-t-il constitué un avantage ?
NH. Ce n'est ni un avantage ni un inconvénient d'être une femme dans ce milieu. La compétence prime avant toute chose. L'essentiel est de répondre aux attentes et aux besoins de nos clients, que vous soyez un homme ou une femme n'a aucune importance. Je n'ai jamais ressenti un quelconque problème d'intégration dans le milieu automobile, ou dans le milieu bancaire, parce que j'étais une femme. De plus, GE est une entreprise qui prône la diversité en général. Pas moins de vingt-huit nationalités se côtoient dans la tour de la Défense. Que vous soyez d'origine française ou non, black, blanc, beur, peu importe, l'essentiel est que vous soyez compétent. J'insiste sur ce point.
JA. Votre charme vous a-t-il déjà aidé ou au contraire joué des tours ? Avez-vous une anecdote sur ce sujet ?
NH. Je n'ai malheureusement pas d'anecdotes croustillantes à vous faire partager ! La seule chose que j'ai remarquée, et qui me fait sourire, se passe souvent au restaurant. En effet, au moment de payer l'addition, les hommes, clients que j'invite, se sentent un petit peu gênés. Certains d'entre eux, lors d'un repas en face à face, ont encore du mal à se laisser inviter par une femme.
JA. Est-ce difficile de concilier votre carrière professionnelle et votre vie familiale ?
NH. Oui, c'est effectivement difficile, ce serait mentir de vous dire l'inverse. Une situation difficile pour moi mais également pour mon conjoint puisqu'il m'a suivi, à Marseille, à Bruxelles puis à Paris. Il a donc dû abandonner son emploi pour suivre sa femme. Les incidences sont aussi nombreuses pour ma fille, car "maman" est en voyage en moyenne deux jours par semaine, puis le reste du temps "maman" part très tôt le matin et rentre tard le soir. Mais beaucoup de femmes, quel que soit le secteur d'activité, sont dans le même cas, voire plus difficiles. Prenez l'exemple des infirmières qui travaillent toute la nuit ou les femmes commerçantes ou concessionnaires, qui ferment à 19 ou 20 heures et qui travaillent même le samedi. Cette situation demande une très bonne organisation. Durant le temps que l'on passe avec sa famille, il faut mettre en avant la qualité. Il y a des jours où cela se passe très bien, d'autres où je suis un peu moins parfaite, il faut savoir l'accepter.
JA. Durant ces moments privilégiés, à quelles activités vous adonnez-vous ?
NH. Le week-end est vraiment entièrement consacré à notre fille. Nous pouvons privilégier les parcs lorsqu'il fait beau afin de faire du vélo, aller se promener ou aller à la piscine… L'hiver, nous allons au cirque, au cinéma, visiter des expos, etc. Tout est fait pour elle. Pour l'heure, mes passions sont mises de côté.
JA. Votre évolution professionnelle vous a-t-elle obligé à gommer certains traits de caractère ?
NH. Au contraire, j'essaie de toujours rester naturelle, car jouer un rôle dans ces métiers n'est pas synonyme de longévité. Mon métier ressemble un peu à celui d'un entraîneur de football. Pour moi, cela ne recommence pas tous les samedis soirs mais tous les mois avec des objectifs à atteindre. Si vous les réalisez, vous êtes une star. Si vous enchaînez trois mois de suite, vous êtes une super star. Mais si vous commencez à ne plus les réaliser, cela devient vite difficile. La sérénité, la détermination, la poursuite d'une stratégie commerciale constituent les maillons de la réussite. Des éléments qui demandent que l'on reste soi-même. Je possède un leadership naturel, un caractère bien trempé, qui m'oblige quelquefois à faire attention, des traits naturels que je conserve.
JA. Vous êtes arrivée chez GE Money Bank pour développer un projet de croissance des activités. Quel était-il ?
NH. A mon retour de Belgique, je pris une fonction à la direction marketing automobile avec pour mission de réfléchir aux moyens à mettre en place pour générer 20 % de croissance en deux années. J'ai alors réfléchi à de nouveaux produits qui apparaissent aujourd'hui sur le marché comme cette nouvelle offre pour le financement de camping-cars ou l'extension de garantie offerte dans le financement du véhicule neuf. Ce but passe également par le développement de nouveaux canaux de distribution et de nouveaux modes d'animation en concession automobile avec davantage de segmentations. En effet, face à une distribution automobile où des groupes côtoient des concessions de taille plus petite nous nous devons de répondre à des attentes forcément différentes vu leur taille. Nous avons réalisé un test pour animer les petits concessionnaires à distance, par téléphone. Ce dernier a été concluant, me conduisant à lancer une nouvelle agence d'animation à distance basée à Lille. Je dirais que j'ai été dans la chambre de fabrication, dans le laboratoire, avant de basculer du côté opérationnel.
JA. Si vous deviez changer de vie, de métier, quels secteurs autres que l'automobile et le financement vous attireraient ?
NH. Je suis frustrée de n'avoir qu'une seule vie ! Il y a tellement d'autres métiers que j'aurais souhaité exercer, comme avocate, médecin ou travailler dans la publicité. Il faut savoir rester à l'écoute des opportunités qui peuvent se présenter dans notre vie. Pour l'heure, je me plais dans le secteur bancaire et le financement automobile. J'ai encore beaucoup de chose à y apprendre. Cependant, rien n'est figé. Une carrière est une véritable course de fond et cela fait seulement 15 ans que je travaille. Je devrais encore exercer une profession pendant au moins trente ans encore, donc cela laisse de nombreuses possibilités. La distribution des produits de luxe en est une qui m'attire.
JA. Y a-t-il suffisamment de femmes dans l'automobile selon vous ?
NH. Si je regarde les statistiques dans mon équipe, qui compte environ 135 personnes, il y a 60 % de femmes. En revanche, si l'on s'arrête sur les postes de manager, de directeur d'agence ou de directeur régional, il n'y en a plus que 14 %. Les équipes commerciales, sur le terrain, sont également constituées à 40 % de femmes donc la base est là. Ces femmes ont de l'ambition et réussissent dans leur fonction mais il faut les aider à gravir les échelons. Chez GE, nous avons créé un réseau de femmes dont je fais partie. Le but du Réseau Elektra, qui se réunit une fois par mois, est d'aider au développement des femmes dans l'entreprise. Nous travaillons beaucoup sur la mise en valeur des compétences. En effet, j'ai remarqué que les femmes sont souvent plus réticentes ou moins douées que les hommes pour faire savoir ce qu'elles font bien. Je vous donne un exemple récent de l'un de nos ateliers. J'ai remarqué que les femmes, contrairement aux hommes lorsqu'elles parlent d'une expérience particulièrement bien réussie, n'arrivent pas à se mettre en valeur, à dire "je". Elles vont se contenter de "nous avons réussi", "nous avons eu beaucoup de chance", "j'étais là par hasard". Les hommes, eux, vont davantage se mettre en avant : "j'ai fait cela, j'ai entrepris, j'ai pris cette décision, j'ai eu tel résultat". Voilà un exemple de travail afin de permettre aux femmes de prendre conscience de leur valeur.
JA. Quelle est l'ampleur de ce réseau ?
NH. Nous sommes une quinzaine de femmes de la société membres du "comité exécutif" d'Elektra. Une appellation formelle qui ne reflète toutefois pas la réalité, car nous nous y amusons également. Toutefois, ce comité est à l'origine de toutes les initiatives. L'une de mes tâches au sein de ce groupe est de transmettre les résultats de nos discussions, de nos initiatives, dans nos vingt agences régionales. De plus, il m'arrive d'animer des ateliers sur la gestion de carrière. Nous invitons souvent des femmes et des hommes qui ont des postes à responsabilités dans d'autres sociétés. Ils viennent partager avec nous leurs expériences professionnelles, tant heureuses que difficiles, qui leur ont permis de gravir ces échelons. Un échange très intéressant.
JA. Quelle a été la réaction des hommes dans votre entourage professionnel ?
NH. Ils connaissent ce réseau depuis cinq années déjà. Au départ, je vous avoue que lorsque nous nous réunissions, ils se demandaient sarcastiquement si nous nous échangions des recettes de cuisine. Nous leur répondions d'ailleurs, avec humour, que nous allions leur faire passer les recettes de tel ou tel gâteau. Mais, plus sérieusement, nous ne voulions surtout pas nous marginaliser, donc l'ensemble de nos collègues masculins sont invités aux principaux événements. Nous partageons ainsi le résultat de nos travaux avec eux.
JA. Mais un réseau n'est-il pas une arme à double tranchant ? N'est-ce pas admettre finalement une différence entre les hommes et les femmes ?
NH. Je pense qu'il y en a effectivement une. Nous prenons moins le temps de discuter, d'échanger, à cause d'une charge de travail très importante. De plus, la réalisation, même parfaite, de ce travail ne suffit pas pour que l'entreprise vienne nous proposer une promotion. Cela ne se passe pas comme cela ! Il faut non seulement faire ce travail parfaitement, c'est le ticket d'entrée pour tout le monde, mais ensuite je crois qu'il faut savoir se créer des opportunités. Le réseau permet de se créer des opportunités. Les hommes sont meilleurs que nous sur ce point. Nous devons mieux nous organiser, ne pas nous contenter de bien faire, nous devons créer nos opportunités.
Propos recueillis par Christophe Jaussaud
Curriculum vitae |
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.