Tribune : Reconquérir la qualité de l’air !
Fin octobre, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a organisé pour la première fois une conférence réunissant pendant trois jours de nombreux pays de tous les continents autour des questions liées à la pollution de l’air et à ses conséquences sur la santé humaine. L’impact sanitaire de la pollution de l’air est avéré, et ce constat est largement partagé dans le monde entier. Nous estimons à 7 millions le nombre annuel de décès prématurés liés à la pollution de l’air. Cela concerne aussi bien l’air ambiant extérieur que l’air intérieur de nos habitations ou autres lieux de vie fermés. Ces 7 millions de morts par an (dont près de 50 000 en France) représentent un quart des décès liés à l’environnement. La pollution de l’air est maintenant qualifiée de "tueur invisible".
Au cours de cette conférence internationale, il a été rappelé que 90 % de la population mondiale respire actuellement un air de faible ou mauvaise qualité. La dégradation de la qualité de l’air nous impacte donc tous et partout (y compris en milieu rural), même si l’intensité de cet impact et la nature des pollutions ne sont pas réparties de la même manière en tout lieu.
Ayons aussi à l’esprit que l’impact de la pollution de l’air n’est pas limité à la santé ! C’est une question environnementale majeure, qui a un lien d’interdépendance évident ave le changement climatique et qui exerce un impact sur la biodiversité. C’est aussi une question sociale et économique essentielle. Le constat est sans appel. Pour lutter contre cette pollution, nous n’avons que deux solutions : ne plus respirer ou agir ! Nous n’avons donc pas le choix : il nous faut agir afin de reconquérir la qualité de l’air de nos pays.
Il faut agir pour diminuer la pollution globale au dioxyde de carbone (CO2), qui n’exerce pas d’impact sanitaire, mais engendre les dérèglements climatiques que l’on connaît. Il faut aussi lutter contre la pollution atmosphérique de proximité (particules fines, oxydes d’azote, ozone…), qui menace notre santé. En France, la baisse des émissions de polluants de proximité, amorcée il y a une quinzaine d’années, a permis une amélioration globale de la qualité de l’air. Les concentrations moyennes de certains polluants diminuent et les dépassements des normes pour la protection de la santé affectent moins de zones, même si les valeurs limites sont encore trop souvent dépassées. Il reste donc beaucoup à faire, notamment pour faire diminuer la pollution de fond, cette pollution "moyenne" à laquelle beaucoup de nos concitoyens sont soumis. Les pics de pollutions, qui permettent de rendre plus "visible" l’invisible, ont la vertu d’aider à la prise de conscience. Mais ils peuvent parfois nous faire oublier la pollution de fond, qui, par sa constance et son ampleur, représente le véritable fléau sanitaire contre lequel il nous faut lutter.
Les sources émettrices des polluants sont multiples et connues (transports, résidentiel, agriculture, industries…). Chacune et chacun peut donc agir, individuellement mais aussi collectivement. Les consciences sont de plus en plus éveillées, l’exigence sociétale est là, il nous faut donc passer aux travaux pratiques ! Sur le plan individuel, nous pouvons réinterroger nos modes de vie, de consommation ou de déplacement, et décider de contribuer à améliorer la qualité de l’air que nous respirons tant en milieu extérieur qu’intérieur.
En ce qui concerne l’action publique, des solutions existent pour diminuer la pollution. Ces solutions peuvent par ailleurs permettre de créer des emplois et de générer du développement économique. Toutes les politiques publiques doivent néanmoins mieux prendre en compte les questions liées à la pollution de l’air. Nous devons agir politique par politique et sortir du cloisonnement qui est trop souvent la marque de l’action publique. Même si c’est moins confortable pour chaque responsable politique, il nous faut adopter une approche transversale. Il y a en effet un lien évident entre l’amélioration de la qualité de l’air et l’action en matière de mobilité, d’énergie, d’agriculture, d’urbanisme, d’industrie, d’habitat, de gestion des déchets ou encore d’occupation des sols.
Lors de la première conférence mondiale dédiée de cette fin octobre, de nombreux pays ont annoncé des engagements forts qui restent à traduire en actions concrètes et cohérentes sur le plan international. Puisque la pollution de l’air ne connaît pas les frontières, l’action commune contre ce fléau sanitaire ne doit pas en connaître non plus !
La France a, quant à elle, pris des engagements forts depuis le Plan climat présenté en juillet 2017 : prime à la conversion des véhicules les plus polluants, plan hydrogène, mesures fiscales incitatives pour la rénovation thermique, mise en place progressive de Zones à Faibles Emissions, réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires, renforcement des plans de protection de l’atmosphère de plusieurs zones géographiques, surveillance de l’air intérieur en milieu scolaire, etc. Ces engagements permettent d’agir aussi bien sur la pollution de proximité que sur la pollution globale liée aux gaz à effet de serre. En traitant la question climatique, on traite donc la question de la pollution de l’air de proximité, et réciproquement. A l’heure où le débat s’ouvre sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) que nous devons adopter pour les dix ans qui viennent, et au moment où l’opinion s’interroge sur le niveau des taxes sur les carburants fossiles, il me semble important d’avoir à l’esprit la nécessité de réduire simultanément notre impact sur la quantité de polluants que nous générons et sur l’exposition aux pollutions qui en découle.
L’air d’aujourd'hui et de demain constitue un bien commun que l’on doit mieux partager et protéger pour offrir à chacune et chacun la possibilité de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. En tant que président du Conseil national de l’Air, je souhaite contribuer à la reconquête de la qualité de l’air en fédérant les différents acteurs autour des engagements actuels et d’engagements nouveaux de façon à ce que l’action publique de la France soit plus forte, mieux partagée et plus efficace dans les mois et les années à venir. C’est à cette condition que nous pourrons reconquérir la qualité de l’air de nos villes et nos campagnes.
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