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Industrie

Pourquoi les constructeurs se divisent sur les futures normes CAFE de 2025

Publié le 20 septembre 2024

Par Catherine Leroy
5 min de lecture
Le durcissement des limites d'émissions de CO2, pourtant prévu de longue date, agite les constructeurs automobiles. Certains craignent de foncer dans le mur. La baisse des ventes de voitures électriques explique le branle-bas de combat, tout comme le changement du calcul des émissions selon le poids des véhicules.
La baisse des ventes de voitures électriques et le nouveau mode de calcul des émissions de CO2 font craindre le pire aux constructeurs automobiles.
La baisse des ventes de voitures électriques et le nouveau mode de calcul des émissions de CO2 font craindre le pire aux constructeurs automobiles. ©adobestock.com

À quelques semaines de la mise en application des nouvelles limites d’émissions de CO2 imposées par la Commission européenne aux constructeurs, l’industrie automobile se déchire. Certains acteurs de l'industrie espèrent un report des normes CAFE à 2027, tandis que d'autres réclament des aides d’urgence pour s’adapter.

 

Mais pourquoi, à trois mois de cette échéance, l’industrie automobile est-elle en proie à de telles divisions concernant les objectifs à atteindre ?

 

A lire aussi : Normes CAFE 2025, le défi des constructeurs automobiles en Europe

 

Ventes de véhicules électriques en baisse

 

Certes, les ventes de véhicules électriques en Europe se tassent. Depuis janvier 2024, celles-ci ont chuté de 8,3 % à 902 011 unités pour représenter 12,5 % des immatriculations. Un an plus tôt, la part des électriques dans les ventes européennes, sur la même période, frôlait les 14 %. Vendre moins de voitures électriques pèse donc lourdement dans la balance.

 

Cette baisse se répercute sur les constructeurs, d'autant plus que les normes CAFE prévoient un durcissement de 15 % des émissions moyennes de CO2 des véhicules vendus en Europe. En chiffres, cela signifie une réduction de 95 g de CO2/km à 81 g, selon les anciennes normes NEDC.

 

Si l’on considère le mode de calcul WLTP, (avec la prise en compte réelle des émissions selon la conduite), la limite ne doit pas dépasser les 93,6 g de CO2 par km contre 110,1 g autorisés en 2021. Pour mémoire, sur l'année, la Commission européenne indique que les constructeurs ont atteint en moyenne 106,6 g (WLTP).

 

La marche est certes assez élevée. Mais elle devrait rester atteignable avec une anticipation du plan produit et une trajectoire industrielle, suivie comme le lait sur feu.

 

Un calcul des émissions revu

 

Mais derrière cette baisse prévue, se trouve également une modification du calcul. Jusqu’à présent, les constructeurs allemands avaient été nettement favorisés. En effet, en 2014, une règle imposée par l’Allemagne s’applique à l’Europe : les normes de CO2 basées sur le poids.

 

Chaque constructeur doit respecter un objectif différent en termes d’émissions de CO2 pour ses véhicules. Producteurs de véhicules premium, plus lourds qu’une gamme de constructeurs généralistes, les allemands avaient fait adopter une règle de pondération selon le poids des véhicules de leur catalogue.

 

"Les normes basées sur le poids reposaient sur l'hypothèse que les véhicules plus lourds émettaient plus de g/km deCO2 que les véhicules plus légers et devaient donc être soumis à des objectifs moins exigeants en matière de CO2", explique Tommaso Pardi, économiste et chercheur au CNRS.

 

Jusqu’en 2019, la tolérance était fixée à +4,6 g de CO2/km. En 2020, le surplus de grammage accepté a été abaissé à 3,3 kg.

 

Pour les nouveaux objectifs en matière d'émissions de CO2 pour 2025 et 2030, ce paramètre doit être recalculé. Mais cette fois, en utilisant les valeurs mesurées des ventes de voitures neuves en 2021.

 

Or, en 2021, la part de marché des électriques et des hybrides rechargeables avait considérablement augmenté. Et la masse moyenne de ces véhicules était supérieure de 500 kg à celle des véhicules thermiques.

 

Les constructeurs premium défavorisés

 

Le nouveau paramètre pour 2025 a donc été calculé à -1,4 g de CO2/km pour 2025. Les constructeurs de voitures plus lourdes auront désormais des objectifs plus ambitieux que les constructeurs de voitures plus légères.

 

"Par exemple, Mercedes, dont la voiture moyenne vendue en 2021 pesait 505 kg de plus que celle vendue par Renault, aura (avec la même différence de poids) un objectif de CO2 7 g plus strict que Renault en 2025, alors que jusqu'en 2024, elle avait un objectif de CO2, 17 g plus faible que Renault", comme nous l'explique Tommaso Pardi.

 

Ainsi, si le cadre règlementaire était défavorable aux petites voitures jusqu'à présent, il sera désormais assez cohérent avec la volonté de la Commission européenne de baisser les émissions de CO2.

 

Un potentiel de 15 milliards d'euros d'amende

 

On comprend mieux ainsi que Stellantis, aidé par le lancement de petits modèles électriques, souhaite garder le même cap normatif. Le plan de marche de la firme dirigée par Carlos Tavares pourra bénéficier de l'arrivée des petites Leapmotor, dont le réseau vient d'être nommé. Le groupe pourra également compter sur une offensive produits électriques très forte comme notamment l'ë-C3.

 

Mais pourquoi Renault n'est-il pas sur la même tendance ? Le constructeur français va payer cher son trou d'air électrique de 2024. L'arrêt de la Zoe et l'arrivée de la R5 en fin d'année ne vont en effet pas permettre de comptabiliser des livraisons dès le mois de janvier 2025. Le constructeur est donc sur le fil du rasoir pour respecter cet objectif.

 

Volkswagen, qui reste discret, est pourtant l'un des constructeurs les plus en risque. Selon les calculs réalisés par T&E, le groupe pourrait être condamné à verser près de sept milliards d'euros d'amende pour non-respect de ces normes. C'est tout simplement la moitié des pénalités qui pourraient être réclamées pour tout le secteur automobile.

 

A lire aussi : Volkswagen, les raisons d'une crise profonde

 

Si le pilotage des ventes se fait au jour le jour pour rester dans les clous, une autre solution consistera à se faire aider d'autres constructeurs. La constitution de pools d'industriels est prévue dans les textes européens. Volvo, déjà en phase avec son objectif, pourrait ainsi aider d'autres marques plus en difficulté. Les constructeurs chinois pourraient notamment aider des européens à passer le cap.

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