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Industrie

Paquet automobile européen : la France affiche une ligne claire, Bruxelles en quête d’un fragile compromis

Publié le 3 décembre 2025

Par Catherine Leroy
5 min de lecture
À l’approche du 10 décembre 2025, date à laquelle la Commission européenne doit présenter son paquet automobile, les discussions s’intensifient et les positions s’affinent. Le gouvernement français soutient désormais ses acteurs industriels. De quoi apporter un consensus suffisant à Bruxelles ?
paquet automobile 2025
À l’approche du 10 décembre 2025, date à laquelle la Commission européenne doit présenter son paquet automobile, les discussions s’intensifient et les positions s’affinent. ©stock-adobe.com

Un peu plus d'un mois après avoir affirmé, aux côtés de l'Espagne, son soutien à l'interdiction de la vente de voitures neuves thermiques après 2035, Bercy signe un communiqué empreint de consensus et d'attention pour sa filière industrielle automobile.

 

Après une réunion qui s'est tenue le 2 décembre 2025 avec les acteurs automobiles français, Monique Barbut, ministre de la Transition écologique, Sébastien Martin, ministre délégué en charge de l'Industrie, et Roland Lescure, ministre de l'Économie, affichent désormais une position unifiée.

 

Le diagnostic partagé est sans détour. La demande reste à un niveau insuffisant en Europe. Le choc concurrentiel subi est durable et aggravé par la concurrence chinoise avec un écart de 30 % de compétitivité pour certains équipementiers. Et la transition énergétique est menée à un rythme inédit depuis trente ans.

 

La France rappelle avoir déjà agi avec les droits de douane, le bonus recentré sur les véhicules vertueux et produits en Europe. Mais elle estime que l’heure est venue de rééquilibrer les règles du jeu. "Assumer une préférence européenne, c’est rendre la transition possible et acceptable", résume Monique Barbut.

 

Contenu local : vers un compromis partiel

 

Mais derrière un discours commun sur la nécessité de protéger l’industrie européenne, plusieurs failles restent béantes. C'était le cas entre constructeurs, équipementiers et gouvernement il y a quelques jours. Mais un consensus semble avoir été trouvé.

 

 

Ce n'est pas encore le cas entre Paris et Berlin. Les deux capitales défendent en réalité deux visions différentes : préférence européenne et contenu local côté français, ouverture technologique et flexibilités élargies côté allemand.

 

La France fixe une ligne rouge : ne jamais descendre sous les 75 % de contenu européen qui prévalent aujourd’hui sur les véhicules thermiques. Berlin, au contraire, évite soigneusement toute référence contraignante. Dans sa lettre du 28 novembre 2025 à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, le chancelier Friedrich Merz ne défend en rien un mécanisme de contenu local obligatoire.

 

Il propose plutôt que les constructeurs puissent faire reconnaître des "réductions d’émissions le long de la chaîne de valeur", en valorisant : l’acier vert européen et la production locale de cellules de batterie.

 

À Bruxelles, une sorte de compromis semble émerger avec un contenu européen minimal par véhicule, et une part minimale d’immatriculations produites en Europe. Un début de consensus existe, mais les paramètres clés (calcul, seuils et périmètre) restent encore ouverts.

 

Flexibilités post-2035 : un débat à tous les étages de la Commission

 

Sur le sujet de la flexibilité ou neutralité technologique après l'échéance de 2035, l'état des discussions montre une ouverture et la quasi-certitude de voir introduire les biocarburants après cette date.

 

L’Allemagne, elle, pousse beaucoup plus loin. Dans son courrier, Friedrich Merz ne demande rien de moins que l’ouverture technologique totale. Ainsi, le chancelier réclame le maintien après 2035 des moteurs thermiques "très efficaces" à condition que leurs émissions soient compensées. Cette idée est également poussée au Parlement par le PPE.

 

Quant à la possibilité pour les constructeurs de poursuivre la vente de véhicules hybrides rechargeables (PHEV) ou à prolongateur d'autonomie (REEV), le sujet reste complètement ouvert et rien ne filtre à ce jour de la décision finale de la Commission.

 

Sur ce terrain, la France reste prudente : PHEV et REEV pourraient être partiellement reconnus, mais pas sans contreparties industrielles européennes.

 

L’étape 2030 pour les normes CAFE et les VUL : le consensus

 

Le chancelier Merz soutient explicitement l’idée d’un assouplissement du jalon 2030, reprenant le lissage déjà accordé pour 2025. La France défend le même principe, notamment pour les VUL, confrontés à des alternatives électriques encore limitées.

 

C’est l’un des rares terrains sur lequel se retrouvent les deux pays. Il semble aujourd'hui acquis que la Commission se prononcera en faveur d'un lissage pour les VUL mais aussi pour l'étape de 2030.

 

La Commission pourrait évoquer des initiatives pour le verdissement des flottes. Mais l'idée, soutenue par Paris mais aussi par Stéphane Séjourné, semble avoir un peu d'eau dans le gaz. Berlin rejette tout quota légal et valide uniquement le principe général de la mesure.

 

À Bruxelles, le sujet est tellement brûlant que certains évoquent déjà son abandon ou sa rétrogradation en simple communication, faute de consensus.

 

Un paquet fragilisé par les tensions internes de la Commission

 

Un omnibus de simplifications des textes routiers pour simplifier les obligations administratives pourrait également être annoncé, notamment pour permettre la création du petit véhicule électrique européen abordable (e-car).

 

Le dossier automobile est désormais largement piloté par le commissaire aux Transports Apostolos Tzitzikostas, au détriment notamment de Stéphane Séjourné, décrit comme plus isolé qu’il y a quelques mois. Ursula von der Leyen, elle, avance avec une extrême prudence. Le Parlement européen est fragmenté et le Conseil des ministres qui aura le dernier mot sur la proposition reste très divisé.

 

Aucune proposition ne sera présentée le 10 décembre 2025, si elle n’a pas des chances solides d’être adoptée. Pour l'instant, le rendez-vous reste toujours présent à l'agenda européen.

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