La route électrique, solution crédible pour les années 2030 ?
Confronté au sujet de la décarbonation, le secteur du poids lourd connaît le lent essor de l'électrique depuis un peu plus d'un an. Mais pas seulement : plusieurs moyens sont étudiés et développés pour que les camions émettent moins de CO2. Cependant, certains y voient des barrières. "La solution du biocarburant se heurte à des limites de ressource en biomasse. L'hydrogène connaît des problèmes techniques et économiques car il est difficile à exploiter, stocker et transporter. Enfin, les batteries électriques sont intéressantes pour le transport régional, mais pas pour la très longue distance et les fortes charges, détaille Jean-Pierre Hauet, président du comité scientifique d'Équilibre des Énergies. Dans ce contexte, il faut approfondir le sujet de la route électrique."
Équilibre des Énergies est un groupe de réflexion qui vient de dévoiler une étude présentant les avancées et possibilités liées à cette route électrique, en laquelle il croit fortement. Pour résumer cette solution, il s'agirait de permettre aux camions de se recharger en roulant grâce à un système ancré sur la route. Pour cela, trois technologies se distinguent.
Deux solutions en avance : le rail et la caténaire
D'abord, le rail. Celui-ci a l'avantage de permettre un transfert de puissance important, et sa pose est relativement simple sur des chaussées en enrobé. En revanche, la réfection de la couche de roulement apparaît complexe, et un déchaussement entraînerait des risques pour les usagers de la route. "La résistance aux conditions climatiques extrêmes est à vérifier", ajoute Servan Lacire, auteur de l'étude. Deux solutions se distinguent pour ces rails. La première est un rail unique par ElonRoad, qui a effectué des tests en Suède sur route ouverte et piste. La seconde vient d'Alstom, en deux rails, avec des tests déjà réalisés sur piste en France.
Autre technologie plutôt mûre selon Équilibre des Énergies : la caténaire. L'alimentation du camion pourrait se faire par double caténaire et double pantographe. Elle permet aussi un transfert de puissance important et est compatible avec les solutions de caténaires déjà existantes. Le groupe de réflexion note cependant que l'expérience du ferroviaire n'est pas directement transposable sur la route en raison du trafic. "Des risques sont à prendre en compte sur l'exploitation de l'autoroute, notamment en cas d'arrachement des caténaires. Ceux-ci sont par ailleurs sensibles aux intempéries", commente Servan Lacire. Contrairement aux rails qui sont compatibles aux VL, les caténaires sont réservés aux PL de plus de 26 tonnes. L'Allemagne et les États-Unis font partie des pays en avance en matière de tests.
Derrière, l'induction rattrape son retard
Moins développée, l'induction est la troisième technologie mise en avant pour développer la route électrique. Elle a l'avantage d'être invisible pour les usagers, de pouvoir s'adapter à tous types de véhicules, et de bénéficier d'une belle dynamique de recherches. Côté inconvénients, l'induction ne peut pas encore transmettre des puissances similaires aux rails et caténaires. Elle nécessite par ailleurs beaucoup de cuivre. "L'impact sur la structure de la chaussée est à vérifier", note aussi Servan Lacire.
Sur un plan technique, l'alimentation électrique se fait par des cellules "relativement courtes" en basse tension. Celles-ci sont alimentées par un réseau moyenne tension, lui-même raccordé au réseau de distribution ou de transport. Pour le rail et l'induction, les cellules ne sont alimentées qu'au passage du PL pour des raisons de sécurité. "La technologie est presque prête, estime Servan Lacire. Il n'y a plus qu'à tester en grandeur réelle. Maintenant, il faut regarder l'aspect économique."
Quel coût pour les constructeurs ?
Et le groupe de réflexion le concède dans son étude : l'investissement requis est élevé. Il est estimé à 700 euros du kilomètre pour le rail. Pour la caténaire, le prix monte à 1 025 euros en raison d'un fort coût d'installation, et à 1 050 euros pour l'induction du fait des coûts liés à l'électronique. En revanche, Servan Lacire l'assure, cela ne changerait pas grand-chose pour les camions. "Le vrai basculement pour les constructeur est de passer à l'électrique. Dans les discussions qu'on a eues avec eux sur la route électrique, ils se sont montrés favorables. Les surcoûts en équipements ne seraient pas importants pour eux." Le coût par PL estimé est de 20 000 euros pour s'adapter à la caténaire, et de 15 000 euros pour le rail et l'induction.
"Nous avons désormais besoin de tests en grandeur réelle, sur des tronçons d’envergure limitée puis sur des tronçons élargis avec du trafic", demande l'auteur de l'étude, qui précise qu'un interopérabilité à travers l'Europe sera indispensable. En termes de planning, le groupe de réflexion prévoit des validations techniques et normalisations ces prochaines années. Ensuite, la rédaction des appels à projet européens est préconisée en 2026, pour des réponses en 2027. La phase d'expérimentation suivrait jusqu'en 2031, avant un déploiement opérationnel espéré à partir de là.
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