Guerre en Ukraine : le scénario du pire pour l'automobile
Les premiers ajustements de production automobile mondiale viennent de tomber. Le cabinet S&P Global Mobility (ex-IHS Markit) estime que les usines d'assemblage devraient perdre entre 2,6 et 4 millions de véhicules à cause de la guerre en Ukraine, en 2022, mais aussi en 2023.
Sur les deux années qui viennent, ce sont au minimum 5 millions de voitures qui ne seront pas produites. Le scénario le plus pessimiste prévoit même un manque de près de 8 millions de véhicules. S&P Global Mobility estime désormais que 81,6 millions de véhicules sortiront des chaînes dans le monde cette année.
État de crise
Guerre en Ukraine, pénurie des semi-conducteurs, manque de matières premières comme le noir de carbone pour la fabrication des pneus ou encore le palladium pour les pots d’échappement catalytiques… l’industrie automobile replonge complètement dans la crise, faisant même passer les confinements liés à la pandémie de coronavirus pour un accident mineur de parcours.
Récemment, la société Inovev avait dressé un bilan de l'industrie automobile au sein de la Russie et de l'Ukraine. La production automobile russe reste stable depuis 2014 avec un volume compris entre 1,3 et 1,7 million de véhicules par an dont l'essentiel est écoulé sur le territoire national et dans les anciennes républiques rattachées à l'ex-URSS (Biélorussie, Kazakhstan, Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Arménie et Ukraine).
Ces six pays pèsent 90 % des exportations d'automobiles russes. A l'inverse, les importations représentent 15 % des immatriculations au pays des tsars, soit environ 250 000 unités. Si Renault est frappé de plein fouet par le conflit ouvert par la Russie contre l’Ukraine, d’autres constructeurs se retrouvent également en première ligne.
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Trois groupes automobiles sont principalement impactés par les sanctions économiques imposées par l'ONU et l'Union européenne : Renault qui détient le constructeur Avtovaz pèse 34 % du marché local et 36 % des véhicules produits sur le sol russe ; Hyundai Motor qui est crédité de 23 % de pénétration commerciale et 26 % de poids dans la production ; Volkswagen qui représente 12 % des immatriculations et cumule 11 % de la production locale.
Il convient de souligner que pour l’instant, seul Renault a annoncé la suspension de la production dans son usine de Moscou, tandis qu'à l'inverse Hyundai Motor et le groupe Volkswagen restent silencieux sur le sujet.
Mais au-delà de l'impact majeur sur ces trois groupes - notamment sur Renault, pointé du doigt par le Président ukrainien devant les députés français, le 22 mars 2022, avec d'autres groupes français comme Auchan, Leroy Merlin ou encore Decathlon, et enjoint à cesser toute activité en Russie - les conséquences sont énormes pour l'ensemble de l'industrie automobile. Et les équipementiers sont également très exposés.
70 % des équipementiers touchés par la guerre
Proche de l'Union européenne, avec ses ouvriers qualifiés et son faible coût du travail, le pays a attiré une vingtaine de fabricants, notamment allemands, comme Bosch, Kostal ou Prettl. Ils employaient au total 60 000 personnes dans 38 usines en 2021, selon le gouvernement ukrainien. Les ouvriers y produisent des composants électroniques, des sièges, mais surtout des réseaux de câbles électriques. Un gros SUV comme le Porsche Panamera, par exemple, en transporte plusieurs kilomètres.
La Fédération des industries des équipements pour véhicules (Fiev) estime que 70 % de ses adhérents ont des sites de production qui pourraient être impactés par le conflit, notamment par des annulations de commandes des constructeurs mais aussi par l’inflation des matières premières. Rappelons que l'Ukraine a notamment exporté pour 760 millions d'euros de câbles vers l'UE en 2021, pour l'industrie automobile mais aussi pour l'aéronautique, selon le comité de liaison européen des équipementiers (Clepa).
"L’industrie automobile est en réelle souffrance et nous devons trouver des solutions pour gérer cette pénurie", estime Claude Cham, président d'honneur de la Fiev. "C'est difficile et il va falloir que les différents acteurs agissent de manière responsable, y compris les constructeurs. Notre industrie est fortement capitalistique et ne peut se construire au détriment de certains acteurs. Toute la chaine de valeur va être profondément bouleversée. Tout le monde parle des constructeurs mais la transformation de l'équipementier et du fournisseur est tout aussi importante", explique-t-il.
Nouvel ordre économique
Pour ce dernier, la crise des matières premières et des matériaux, accentuée par la guerre en Ukraine, l'industrie prend seulement conscience de sa dépendance à l'extérieur. "Depuis des années déjà, je vois la baisse de notre implantation sur le territoire mais il semblerait que cette prise de conscience n'intervient que maintenant. Et de fait, les équipementiers ne pourront absorber seuls le choc de la hausse des matières premières", assure Claude Cham.
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Les relations entre constructeurs et équipementiers déjà sous tension, connaissent de nouvelles crispations. "Dès que l'économie va mal, les relations se tendent. La Fiev a entrepris des négociations très dures. On se parle mais je ne suis pas certain que l'on s'écoute vraiment. Mais une chose est certaine : les constructeurs ne seront pas puissants sans les équipementiers et nous ne pourrons pas tout supporter", poursuit-il.
Pour la Fiev, tout se joue au travers de la politique du "make or buy" des constructeurs. Avec 40 % de la valeur d'une voiture électrique représentée par la batterie et 40 % par le logiciel, la place accordée aux équipementiers se réduit comme peau de chagrin. "C'est toute la chaine de valeur qui va être bouleversée, prévient Claude Cham. A nous aussi de devenir des équipementiers de la mobilité et de nous positionner correctement sur le sujet", pointe-t-il un des enjeux majeurs de cette affaire.
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