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Industrie

Fin du libre-échange mondial : l'automobile européenne au pied du mur

Publié le 19 juin 2025

Par Catherine Leroy
3 min de lecture
L'été sera décisif pour les relations commerciales entre les États-Unis et l’Europe. L’industrie automobile se trouve dans une situation d’une extrême complexité. Prise en étau entre les droits de douane américains et la concurrence des constructeurs chinois, la filière est fragilisée par une gouvernance européenne lente à riposter.
Droits de douane BMW
Avec les droits de douane américains, une voiture européenne pourrait être taxée à cause de ses composants européens, même si la production se déroule sur le sol américain. ©BMW

Comment faire fonctionner une filière entière dont tous les éléments de la chaîne de valeur sont répartis dans le monde entier, dans un contexte d'effondrement du libre-échange ? C'est la question à laquelle tentait de répondre la Plateforme de la filière automobile (PFA) présidée par Luc Chatel.

 

"Le jour où des barrières douanières vont venir perturber les flux d'échange entre les différents pays du monde, le système va s'effondrer. Et c'est malheureusement ce à quoi nous assistons aujourd'hui", annonce-t-il en préambule d'une conférence organisée le 19 juin 2025.

 

À l'entrée des États-Unis, pour l'instant, des droits de douane différents sont exercés selon les pays et les secteurs. Les Américains taxent à 25 % les véhicules et les composants. Mais si ces produits arrivent de Grande-Bretagne, un pourcentage de 10 % est appliqué. S'ils proviennent du Mexique, cette fois, ce sont 15 % de taxes qui s'imposent. Et concernant l'acier et l'aluminium, le président Donald Trump est resté sur un taux de 50 %. Les pénalités ont finalement été revues par rapport aux annonces initiales de la Maison-Blanche. Mais au final, les droits de douane sont bel et bien augmentés par rapport à 2,5 % appliqués sous l'ère Biden.

 

 

Face à cette hausse, l'Union européenne continue de réfléchir à sa riposte, attendue le 9 juillet 2025 avec une liste de sanctions en retour. Face à l’escalade douanière américaine, l’institution peine à afficher une ligne commune. "Nous n'avons pas assez anticipé", regrette David Amiel, député de Paris. Si la Commission européenne a préparé une liste de contre-mesures couvrant potentiellement 100 milliards d’importations, peu de décisions concrètes ont émergé à ce jour.

 

Une riposte européenne encore balbutiante

 

Pourtant les impacts sont considérables. Environ 750 000 véhicules (surtout de marques allemandes), mais équipés de composants français, seront taxés dans les flux vers les États-Unis. Et en retour, environ 170 000 modèles (toujours essentiellement de marques allemandes), produits sur le sol américain, pourraient être frappés de 10 % supplémentaires, lorsqu'ils reviennent sur le sol européen.

 

Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste chez BDO France, appelle à utiliser les services financiers et numériques comme levier de négociation : "L’Europe est déficitaire en services, et les Gafam dépendent énormément du marché européen. Il faut appuyer là où ça fait mal." Une stratégie que le camp Trump redoute visiblement, au vu des réactions des marchés à la hausse des taux de la dette américaine.

 

La Chine, l’autre menace

 

Si les États-Unis occupent l’attention immédiate, la vraie rupture se joue à l’est. L’industrie automobile chinoise – puissante, planifiée et soutenue par un État stratège – est en passe de dominer le marché électrique mondial. "La Chine a combiné le coût du travail du Maroc avec la technologie de la Californie", résume David Amiel. Un cocktail explosif pour les équilibres industriels mondiaux.

 

 

Face à cette nouvelle donne, plusieurs intervenants plaident pour une politique européenne de contenu local – à l’image de ce que la Chine ou les États-Unis imposent depuis des années. Luc Chatel propose même de reprendre les règles chinoises à leur compte : transferts de technologies, joint-ventures, quotas d’assemblage local… "Ce sont ces règles qui leur ont permis de devenir leaders. À nous maintenant de les appliquer."

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