Équipementiers : vers une "voiture européenne" à 80 % locale pour sauver l’industrie automobile

Pas de répit pour l'industrie automobile. Si les constructeurs sont les premiers frappés par la baisse des ventes sur le marché européen qui a perdu près de trois millions d'immatriculations depuis 2019, les équipementiers, par voie de ricochet, sont au plus mal.
En France, 40 000 emplois ont disparu en cinq ans, et 20 000 supplémentaires pourraient s’évaporer d’ici deux ans, estime Jean-Louis Pech, président de la fédération des équipementiers (FIEV).
Selon la fédération, cette contraction des ventes entraîne une surcapacité estimée à 20 à 30 % dans les usines d'assemblage européennes. Les équipementiers, dépendants du volume produit, sont particulièrement touchés.
En Allemagne, où le tissu industriel est plus dense et largement tourné vers l’exportation, notamment vers la Chine, la crise est tout aussi sévère. Des groupes comme Bosch ou ZF ont déjà annoncé des suppressions massives d’emplois, conséquence d’une double pression : la concurrence des constructeurs chinois et les barrières douanières américaines.
"Les équipementiers de rang 1 peuvent un peu gérer la crise grâce à la mondialisation de l'activité. Mais une PME possède un ancrage très régional. Or, sur le territoire français, aucun lancement d'assemblage de nouveaux véhicules n'est à ce jour programmé", poursuit Jean-Louis Pech.
2035 : "une machine à perdre"
À l’horizon 2035, l’interdiction de la vente de voitures thermiques reste officiellement la ligne européenne. Mais pour les équipementiers, cet objectif ne doit pas devenir un "totem". Ils s’y disent prêts, mais dénoncent les pénalités prévues dès 2030, qui risquent de pénaliser immédiatement leur activité.
D'un côté, ils sont persuadés que les constructeurs répercuteraient immédiatement sur les fournisseurs le montant de ces sanctions et de l'autre, les constructeurs, pour réduire la facture des amendes, baisseraient le volume de modèles thermiques produits. Résultat, selon Jean-Louis Pech : "Le système mis en place est de toute façon une machine à perdre."
La demande de l'industrie rejoint en partie celle des constructeurs : conserver un cap climatique ambitieux mais laisser une liberté technologique (hybrides, PHEV et solutions alternatives) et privilégier une politique de parc adaptée à la réalité. En France, 40 millions de voitures composent le parc en circulation en France, contre seulement 1,5 million de ventes annuelles.
Surtout, la fédération rappelle que l’enjeu central demeure la compétitivité : "La France est à moins de 10 % de PIB issu de l'industrie, c'est deux fois moins que l’Allemagne. Nous taxons le plus et nous investissons le moins", alerte le président de la FIEV, appelant à libérer l’investissement et l’innovation pour permettre aux PME-ETI de se moderniser.
Un tiers de composants déjà importés de Chine
Mais la convergence avec les constructeurs s'arrête à la neutralité technologique et au soutien d'une petite voiture européenne. Car les équipementiers n’oublient pas la pression mise par les donneurs d'ordre sur le prix des pièces et le transfert des commandes auprès de fournisseurs chinois.
La dépendance s’accroît : environ 25 à 30 % des composants d’une voiture assemblée en Europe proviennent déjà d’Asie, proportion encore plus élevée pour les véhicules électriques. "Nous avons perdu des pans entiers de production", explique le représentant des équipementiers en France, citant la plasturgie ou certaines pièces mécaniques désormais exclusivement importées.
Face à cette réalité, il insiste sur l’importance d’un garde-fou : "Si le contribuable européen finance par ses impôts des aides publiques, elles ne doivent pas subventionner des chaînes d’approvisionnement qui détruisent nos emplois."
Le "local content", pierre angulaire d’une nouvelle politique
La solution défendue repose sur la définition stricte d’une "voiture européenne" : 80 % de contenu local pour un véhicule thermique ou électrique hors batterie, et un seuil spécifique (autour de 65 %) pour la batterie.
Cette règle deviendrait la condition d’accès aux aides publiques : primes, leasing social, ou subventions à l’implantation. "Nous ne sommes pas contre les véhicules importés, mais une voiture européenne doit répondre à une définition claire. Sans cela, notre souveraineté industrielle est menacée", martèle-t-il.
Au-delà des contraintes, le secteur voit aussi des opportunités. L’émergence de petites voitures électriques ou de nouvelles catégories intermédiaires entre le vélo et la voiture classique pourrait redonner du volume au marché, tout en séduisant de nouvelles générations. "Il y a de la place pour des voitures désirables, légères, réparables, pensées sur leur cycle de vie. Pas besoin de reproduire les modèles chinois de cinq mètres de long et pesant trois tonnes", estime le président de la Fiev.
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