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Distribution

Thomas Chieux, TCG Conseil : "Il ne faut pas que la situation devienne intenable pour les concessionnaires"

Publié le 30 septembre 2025

Par Gredy Raffin
7 min de lecture
Alors que démarre la seconde campagne du leasing social, les yeux se braquent vers les concessionnaires et leur rapport à l'électrification du parc. Intervenant comme conseiller auprès des distributeurs, Thomas Chieux partage sa vision de cette transformation. Le codirigeant de TCG Conseil aborde les risques économiques pour les concessionnaires, aussi bien pour les activités VN que VO ou après-vente, mais refuse le fatalisme ambiant.
TCG Conseil leasing social
Thomas Chieux, codirigeant de TCG Conseil. ©DR

Le Journal de l'Automobile : Quel regard portez-vous sur cette nouvelle campagne de leasing social ?

Thomas Chieux : Le dispositif du leasing social reste un très bon moyen d'accès à des véhicules plus vertueux. Des concessionnaires ont préparé le terrain en prenant des précommandes. Certains pensent donc qu'il suffira de peu de jours, voire de quelques heures seulement, pour écouler les 50 000 dossiers. Il reste le problème qu'avec 7 500 euros d'aide, le loyer à payer pour le véhicule se retrouve deux à trois fois en dessous des prix réels du marché. Le fait est que cette seconde campagne a été démarrée sans pouvoir prendre la pleine mesure des conséquences de la première.

 

J.A. : Comment les concessionnaires doivent-ils l'aborder ?

T.C. : Dans un univers aussi concurrentiel, les concessionnaires avaient presque l'obligation de faire des préventes au risque de voir l'un de leurs confrères satisfaire la demande client. Mais que retrouveront-ils au terme des contrats alors que l'on sait combien il est difficile de faire du profit sur des véhicules électriques d'occasion pour le moment ?

 

 

J.A. : Justement, longtemps considéré comme le parent pauvre, puis source d'une insolente rentabilité, avant de devenir une problématique financière, quelle réalité pour le VO en concession ?

T.C. : Toutes les marques ne sont pas logées à la même enseigne. Mais en prenant un peu de hauteur, il s'avère que le véhicule électrique d'occasion ne met pas pour autant toute l'activité des voitures d'occasion à mal, du moins pour l’instant. Faut-il rappeler qu'en moyenne, il ne dépasse pas 3 à 4 % de pénétration dans les ventes VO totales ? Il y a donc un spectre assez large de véhicules avec lesquels il est possible de soigner la rentabilité. Nous estimons qu'en 2030 les voitures électriques d'occasion approcheront des 15 % de représentativité. Le défi pour les constructeurs et les concessionnaires consiste à trouver une solution pour les valeurs résiduelles d'ici l'atteinte de ce palier.

 

J.A. : Quelles peuvent être les solutions pérennes à employer ?

T.C. : Il faut regarder à l'étranger, où les marchés sont parfois plus matures. Prenons d'abord l'exemple de la Norvège où, sur le marché de l'occasion, les VE se vendent comme des voitures thermiques. Prenons ensuite celui du Royaume-Uni, où chacun a accepté de sacrifier les marges pour gagner en fluidité et assainir ainsi le marché. Nous voyons bien qu'en France, des marques premium allemandes se retrouvent avec des modèles à 60 000 euros et seulement 300 km d'autonomie. Ces modèles sont donc très difficiles à vendre sans perte. Certes, l'export peut être une solution ponctuelle, mais il faut savoir trancher pour attirer les acheteurs de ces produits peu compétitifs.

 

Les marques qui arrivent en Europe ont l'intention de rester et le choix du partenaire doit se faire au terme d'une solide réflexion

 

J.A. : Les concessionnaires ne manquent-ils pas de soutien pour sortir ces VO ?

T.C. : De manière autonome, les concessionnaires peuvent déjà travailler sur l'approvisionnement, sur la formation et provisionner des pertes. Mais sur la durée, ils vont certainement nécessiter une aide extérieure. Aujourd'hui, les véhicules d'occasion ayant pour origine un leasing représentent environ 80 % des stocks chez les professionnels. Durant les cinq ans à venir, cette part pourrait se réduire de 5 à 10 points, mais elle restera élevée, avec un volume de base qui augmente et une électrification galopante. Il ne faut pas que la situation devienne intenable.

 

J.A. : Cette électrification du parc est en partie liée à l'arrivée de nouvelles marques venues de Chine. Quel regard portez-vous sur l'opportunité qu'elles représentent pour les concessionnaires ?

T.C. : Nous le voyons dans les médias, la Chine souffre d'un problème de surcapacité. Elle peut produire environ 50 millions de véhicules par an et son marché intérieur en consomme potentiellement 30 millions. Le tout dans un contexte de rotation des marques. Elles sont entre 150 et 160 actuellement, en Chine, et se livrent une concurrence commerciale très forte. Cinquante d'entre elles n'existaient pas il y a cinq ans et autant ont disparu au cours des cinq dernières années. Les marques qui arrivent en Europe ont l'intention de rester et le choix du partenaire doit se faire au terme d'une solide réflexion portant sur la stratégie produit, la pérennité affichée ou encore la structure même de l'actionnariat.

 

J.A. : Des concessionnaires nous ont fait part de préoccupations quant à la profitabilité dans le temps…

T.C. : Il faut rester à l'affût des informations tout en sachant que les constructeurs peuvent très bien décider d'arrêter une marque si le test n'a pas été concluant pour la remplacer par une autre. Je le répète, celles que nous connaissons ici ont vocation à durer. Preuve en est, elles élèvent progressivement leur niveau d'exigence. Et les craintes émises sont en partie liées à la hausse des investissements nécessaires qui ne s'amortiront qu'au terme d'une course aux volumes pour atteindre 7 à 10 % de parts de marché cumulées en 2030 en France.

 

Les agents de marques sont plus légitimes pour les voitures âgées, tandis que les concessionnaires prendront en charge les plus récentes

 

J.A. : L'après-vente est mise sous tension. Quelles sont les perspectives ?

T.C. : Nous anticipons une pénétration de 15 % des voitures électriques dans le parc roulant français en 2035, contre seulement 3 % aujourd’hui. Au travers de nos études, nous avons essayé de démontrer à maintes reprises que l'arrivée des véhicules électriques ne provoquera pas la mort du petit cheval second, sur l'après-vente au total, du moins. Il y a des choses bien plus impactantes pour les ateliers à court terme. Je pense notamment à l'évolution du kilométrage annuel moyen, orienté à la baisse, et au vieillissement du parc. Le fait est que les concessionnaires ne sont pas les mieux placés pour servir le segment de marché des véhicules les plus anciens et perdent donc de la facturation.

 

J.A. : Quels sont les leviers ?

T.C. : Ils doivent se former aux nouvelles technologies de motorisation et s'équiper pour accueillir les nouveaux types de véhicules, tout en gardant un œil sur le parc "ancien". Nous avons vu en Norvège, où le parc roulant des véhicules électriques est plus âgé, que de nombreuses pannes se produisent avec le temps. Il y aura donc un marché de la réparation des VE, mais avec des opérations différentes de celles que l’on connaît actuellement. Encore faudra-t-il capter les volumes pour massifier les entrées à l'atelier et pérenniser les investissements.

 

 

J.A. : Il semble y avoir une évolution des rapports entre les concessionnaires et les agents. Quel avenir se dessine pour ce couple ?

T.C. : Ils doivent passer des rapports de concurrence à un jeu de complémentarité. Les agents de marques sont plus légitimes pour les voitures âgées, tandis que les concessionnaires prendront en charge les plus récentes, qui demandent des équipements coûteux. À mon sens, il y a surtout un intérêt à pousser la LOA sur les voitures d'occasion en y associant des contrats d'entretien afin de verrouiller les clients à l'atelier.

 

J.A. : Si tout n'est pas rose, votre discours n'est pas alarmiste pour autant dans le fond…

T.C. : Je n'en reste pas moins inquiet. Comment ne pas l’être devant cette chute des ventes de véhicules neufs très conséquente en France. Il y a une pression fiscale et règlementaire qui nuit à la passion et détruit des segments comme celui des produits neufs de 10 000 à 20 000 euros. De fait, l'automobile deviendra une commodité de déplacement. Ce qui ouvre plus largement la porte aux nouvelles marques dont l'argument repose sur le rapport prix-prestation. Pourtant, quand on voit que des milliers de jeunes vont se rendre au Grand Prix Explorer (du 3 au 5 octobre 2025, ndlr), on peut y voir une forme d'attrait qui subsiste pour l'automobile, il faut continuer de cultiver cet attrait.

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